1 Genèse de l’enseignement en France : pédagogie et morale de la fin de l’Antiq
1 Genèse de l’enseignement en France : pédagogie et morale de la fin de l’Antiquité à la fin de l’Ancien Régime Alain Garcia (document d’étape, mars 2015) https://u-bordeaux2.academia.edu/AlainGarcia Résumés Français En France, l’instruction n’est généralement observée qu’à partir de 1802, quand Napoléon instaure un enseignement secondaire d’État symbolisé par des « lycées ». Certes limité à un petit nombre d’élèves, l’enseignement apparaît néanmoins dès la fin de l’Antiquité : des formes pédagogiques diverses se succèdent alors durant deux millénaires, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Une analyse de cette période « originelle » aide à comprendre les choix scolaires (et moraux) opérés par la suite. English Everyone sees french instruction from 1802, when public secondary school was created. Although they involve few young, forms of education exist nevertheless since the end of the Antiquity. We think that the presentation of these forms of education, during two millenniums, can help to understand the school and moral choices afterward. Entrées d’index Mots-clés : origines de l’enseignement, pédoplégie, pédagogie chrétienne, morale scolaire, universités médiévales Keywords : originally teaching, “pédoplégie”, christian pedagogy, moral education, medieval university 2 Plan L’enseignement à la fin de l’Antiquité Acculturation latine Niveaux d’enseignement et niveaux d’enseignants Premiers maîtres Des grammairiens Les rhéteurs Des écoles dispersées Naissance de la scolarisation au Moyen Âge (Ve–XVe siècles) De l’Empire romain à l’élargissement des écoles chrétiennes Choix éducatifs et condition de l’enfant De Charlemagne aux universités médiévales Charlemagne et l’école Une pédagogie universitaire Renaissance pédagogique et pédoplégie1 d’Ancien régime (XVe–XVIIIe siècles) Renaissance et Grand Siècle Réforme et Contre-réforme sous la Renaissance La pédagogie jésuite à la fin du XVIe siècle Le Grand Siècle Instruction chrétienne et culture des lumières au XVIIIe siècle Les écoles lassaliennes Culture scientifique et enjeu universitaire Vers un enseignement d’État Conclusion 1 La pédoplégie est une pédagogie par les coups. 3 On situe les débuts de l’enseignement en France à la fin du XVIIIe siècle, quand l’État chasse les jésuites de leurs collèges et prend en charge la question scolaire. La scolarisation primaire ne se banalise toutefois qu’à la fin du XIXe siècle, tandis que le niveau secondaire reste élitiste jusqu’à la fin des années 1970. En termes quantitatifs, les formes d’enseignement développées entre la fin de l’Antiquité et la Révolution semblent donc marginales. Cela n’est pas, sans doute, au sens de l’Histoire, si l’on admet que notre système éducatif se nourrit de références très anciennes et sans doute très « morales ». Pour comprendre le choix révolutionnaire d’un enseignement d’État, nous pouvons établir une présentation synthétique des « faits scolaires » depuis leurs origines (Garcia 2013 : pp. 25-49). À la fin de l’Antiquité, il apparaît donc que l’enseignement ne s’adresse qu’à quelques enfants, frappés et « dressés » par des maîtres sans prestige. En second lieu, la période médiévale ne concerne encore qu’une minorité d’élèves. Les premières écoles chrétiennes annoncent toutefois le monopole religieux sur la forme scolaire : il va marquer l’esprit des universités qui, par ailleurs, résonnent de scholastique et confèrent un prestige à leur ville d’implantation. Sous la Renaissance, enfin, la Réforme puis la Contre-Réforme confirment l’éducation comme enjeu de pouvoir : une part de ce pouvoir échappera à l’Église, après la Révolution. L’enseignement à la fin de l’Antiquité La transmission de connaissances est une pratique répandue, polymorphe et ancienne, manifestée dès l’Antiquité avant la Narbonnaise et la Gaule romaine. En exceptant même le cas des écoles marseillaises1, on convient en effet que « le reste de la Gaule celtique se souciait aussi d’éducation » (Chassel 2002 : p. 8). C’est bien auprès de ces « éducateurs de la jeunesse » que sont les druides que, d’une part, les jeunes destinés à cette fonction et, d’autre part, ceux dont la famille souhaite une formation complémentaire à l’instruction militaire, reçoivent un enseignement théologique, astronomique et cosmogonique. Assumant également des fonctions religieuses et juridiques, les druides ne dispensent toutefois qu’un enseignement oral : pour garder le contrôle de la transmission du savoir, ils ne rendent l’écriture accessible qu’à une minorité de privilégiés. Dans une certaine complémentarité des rôles, on sait aussi que les druides (magistrats et éducateurs), les bardes (poètes et chroniqueurs) et les prêtresses « apprenaient aux jeunes aristocrates, la fleur des guerriers, à "craindre les dieux, à ne rien faire qui ne soit noble et à s’exercer aux qualités viriles" » (Rouché 2003 : p. 58). Acculturation latine Au terme de la conquête romaine par Jules César, en - 52 et - 51, la pax romana oppose aux conceptions gauloises une approche éducative différente (Rouché 2003 : p. 65- 1 Colonie grecque fondée vers 600 av. J.-C., la cité phocéenne semble avoir été la première à faire émerger des écoles véritablement organisées, dès le Ve ou IVe siècle av. J.-C… d’où le surnom d’« institutrice de la Gaule ». 4 66). La séparation du temps du loisir (otium) et du temps du travail (neg-otium, i.e. non-loisir) constitue en effet, pour les paysans romains, un important principe de division1. Comme l’exige la terre (ingrate à cultiver), l’esprit de l’homme réclame ici d’être labouré avec peine et d’incessants efforts. De même que les récoltes agricoles récompensent ensuite le travail, la culture de l’esprit ne donne de fruits qu’au terme de contraintes. En rapprochant cultura agri et cultura animi, Cicéron évoque une même conquête de la nature par l’homme, et une conception éducative marquée par un arrachement à cette nature. Par référence au latin classique educare, « tirer à soi » revient à dégrossir le barbare en imposant le cuit sur le cru, la vie urbaine sur le monde agreste, l’esprit policé sur la rudesse et la paix sur la violence. Au centre du projet humaniste romain est donc une éducation qui favorise, pour l’homme, le passage de l’état de nature à l’état de culture (Rouché 2003 : p. 65-66). Interdite par les romains, la caste d’enseignants que constituaient les druides disparaît, tandis que s’installent avec les colons les premiers maîtres d’école (Duval 1976 : p. 197). Des écoles romaines se multiplient désormais rapidement et assez durablement en Narbonnaise, puis dans les trois Gaules2 : ces écoles latines attirent notamment les jeunes gaulois de l’aristocratie, soucieux de maintenir, par cette intégration dans l’Empire romain, leur statut de privilégiés. Le latin, par ailleurs, se répand dans les provinces occidentales. Langue de l’armée, de l’administration et de l’école (Duval 1976 : p. 46), il devient la langue officielle des échanges et des affaires, adoptée par les artisans et par les négociants. Classés par ordre chronologique, les tessons de poterie du Ier siècle retrouvés à La Graufesenque (Marichal 1988 : p. 57) montrent ainsi un alphabet celtique qui se latinise peu à peu, à mesure que se réduit le substrat gaulois. Que s’affirme, en Gaule, l’usage de la langue latine ne garantit pas pour autant sa qualité : marchands, soldats, employés et esclaves parlent en effet un « latin vulgaire » (Duval 1976 : p. 49), plus ou moins altéré selon les régions. Pour les jeunes gaulois distincts de la plèbe, le « meilleur latin » s’apprend dans les écoles, en même temps que les traditions culturelles romaines (Salles 1992 : p. 198). On ne comprend guère ces écoles romaines sans en évoquer l’organisation tripartite et l’esprit qui y préside. Si une partie des enfants gaulois bénéficie d’une première phase de scolarisation, l’accès aux deux niveaux supérieurs est en revanche interdit au plus grand nombre. Au début du Ier millénaire, l’emprise des élites sur le haut enseignement n’implique pas, toutefois, qu’elles renoncent aux services d’un précepteur pour garantir à leurs enfants une éducation à domicile (Chassel 2002 : p. 41). Dans les familles qui recourent à l’école, on voit en effet le puissant pater familias accompagner son fils et, parfois, assister aux leçons (Néraudau 2008 : p. 165). Ensuite déchargés de cette contrainte sur quelques pédagogues, les pères, encore, « continuent […] de rôder autour de l’école ». Niveaux d’enseignement et niveaux d’enseignants Premiers maîtres 1 L’importance générale du principium divisionis – à la fois dans les esprits et dans l’organisation des sociétés – est notamment montrée par Pierre Bourdieu (1979 : p. 190). 2 Fait en 27 av. J.-C. sous le Principat d’Auguste, le découpage administratif de la Gaule distingue une province sénatoriale (la Narbonnaise) et trois provinces impériales (Gaule Aquitaine, Gaule Lyonnaise et Gaule Belgique). 5 À la différence des deux niveaux qui le surplombent, l’enseignement basique se caractérise par le petit nombre de sources aujourd’hui disponibles ; cela peut s’expliquer par « le peu de considération dont [les litteratores] bénéficiaient [...] » (Néraudau 2008 : p. 42). Qu’ils soient dits litteratores, primi magistri ou magistri ludi, les premiers maîtres, en effet, ne connaissent guère que l’humilité et l’anonymat (Duval 1976 : p. 198). Lorsqu’il exerce à domicile, dans les grandes familles, ce type d’enseignant est un précepteur, le plus souvent esclave (ou affranchi) : il occupe la fonction subalterne de « paedagogus », par identification au « paidagôgos » de la Grèce antique (soit l’« esclave chargé de conduire les enfants à l’école »). À ces infortunés uploads/Histoire/ genese-de-l-x27-enseignement-en-france-pdf.pdf
Documents similaires










-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 20, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
- Taille du fichier 0.4379MB