Famille et enfance C'est la fille de Lucien Tillion1 (1867-1925), magistrat, et

Famille et enfance C'est la fille de Lucien Tillion1 (1867-1925), magistrat, et d'Émilie Cussac (1876-1945), connue sous son nom marital, Émilie Tillion. Elle a une sœur, née en 1909, Françoise. Ses parents appartiennent au monde de la bourgeoisie à la fois républicaine et catholique2 et sont issus de deux lignées de notables : hommes de loi de Charolles du côté paternel, d'Alleuze (Cantal) du côté maternel ; en 1907, son père est juge de paix à Allègre, fonction qui lui prend peu de temps3 ; il s'intéresse à la musique, à l'archéologie, à la photographie, à la chasse et à la vie rurale4. Dès l'âge de huit ans, Germaine est envoyée avec sa sœur Françoise en pension à l'institution Jeanne d'Arc de Clermont-Ferrand. Elle y fait ses premières classes, de l'instruction primaire au lycée5, alors que commence la guerre : « Je ne mettais [pas] en doute l'existence de deux monstres sans visage : l'Allemand et la Mort. La nuit je rêvais de m'engager comme chien de guerre6. » En 1922, ses parents s'installent à Saint-Maur, dans la maison de ses grands- parents maternels, François Cussac (1849-1927) et Marie-Antoinette Vivier (1851-19457). Ses parents contribuent chez Hachette à la rédaction des Guides bleus et d'ouvrages touristiques, activité qu'Émilie Tillion poursuit seule après la mort de son mari8. Études supérieures Après le baccalauréat en 1925, Germaine Tillion mène des études éclectiques : « je fais des études qui me plaisent : archéologie à l'École du Louvre9, puis préhistoire, puis histoire des religions, égyptologie, folklore français10 et celtique11 et surtout ethnologie qui me passionne12. » C'est à partir de 1928 qu'elle s'oriente vers l'ethnologie, auprès de Marcel Mauss, professeur à l'École pratique des hautes études (EPHE), fondateur de l'Institut d'ethnologie (1925) et professeur au Collège de France. En 1932, elle entre aussi en contact avec Louis Massignon, autre professeur au Collège de France, à l'origine spécialiste de l'islam, mais qui est devenu un chercheur pluridisciplinaire dans le domaine musulman. À la fin de 1932, elle fait un long séjour en Prusse-Orientale (décembre 1932- février 1933) : « premier contact (plein d'aversion et d'ironie) avec le nazisme », notamment à travers les étudiants de l'université de Königsberg, au moment où les nazis sont en train d'arriver au pouvoir (Hitler devient chancelier le 30 janvier 1933). En 1934 (à ce moment, elle a « terminé l'École du Louvre et deux ou trois certificats en licence, ainsi que le diplôme de l'Institut d'ethnologie13 »), dans le cadre de l'allocation des fonds de l'International Society of African Languages and Cultures14, il lui est proposé une mission dans l'Aurès, pour étudier l'ethnie berbère des Chaouis ; ne connaissant pratiquement rien de ce sujet, elle s'initie à la langue berbère à l'École des langues orientales (Marcel Destaing). Les missions dans l'Aurès (1935-1940) La première mission Elle a lieu en 1935-1936 ; Germaine Tillion accompagne Thérèse Rivière chef de mission et directrice du département « Afrique Blanche et Levant », au Musée d'ethnographie du Trocadéro. Les jeunes femmes sont toutes les deux bénéficiaires d'une allocation de recherche dans l'Aurès15. Mais lorsque Thérèse Rivière rentre à Paris, Germaine Tillion poursuit isolément ses recherches dans ce qui est la « commune mixte de l'Aurès » (chef-lieu : Arris, où résident les administrateurs, fonctionnaires français). Parcourant d'abord la région de Menaâ (au sud-ouest d'Arris), où se trouvent quelques habitants parlant français, elle recueille un grand nombre de contes et légendes. Puis elle s'installe sur le versant sud du djebel Ahmar Khaddou, à Kebach, centre de l'arch (« tribu ») des Ouled Abderrahmane16. À 70 km d'Arris, il faut plusieurs heures à cheval pour arriver en ces lieux très isolés. Le douar T adjemout et les Ouled Abderrahmane Kebach se trouve dans le douar T adjemout (aujourd'hui dans la commune d'El Mizaraa, wilaya de Biskra), qui regroupe les arch Beni Melkem et Ouled Abderrahmane. Le caïd, responsable du douar (payé 750 francs par mois), musulman, mais originaire de Constantine, est un ancien serviteur du sous- préfet ; il y aussi un secrétaire (khodja), payé 300 francs. Un messager apporte régulièrement au caïd les consignes de la sous-préfecture de Batna (et en même temps le courrier adressé à l'ethnographe). Chaque année, le douar reçoit la visite du percepteur (70 000 francs perçus en 193617) et d'un médecin militaire venant vacciner les bébés. En pratique, l'ordre repose sur les normes traditionnelles, fondées sur l'honneur familial (vendetta et composition) et sur la suprématie des « Grands-Vieux » (les sages de la tribu). Les Ouled Abderrahmane18, sont des agriculteurs éleveurs transhumants entre la bordure du Sahara en hiver et les hauteurs en été. À Kebach, à mi- chemin, se trouve le grenier collectif où ils conservent les récoltes (blé et surtout orge). En 1936, selon un relevé de Germaine Tillion, ils sont au nombre de 779 (92 familles réparties entre 5 clans endogames). C'est donc ce groupe qui devient le sujet de sa thèse, qu'en 1938, elle envisage d'intituler Une République du sud-aurésien19. La situation générale en Algérie Au premier abord, elle a l'impression qu'il n'existe pas de problèmes majeurs dans les relations entre Français et musulmans. Ses séjours peu fréquents mais réguliers dans les villes de Batna (en été) ou Biskra (en hiver) lui révèlent cependant que des tensions existent. En particulier, au début de 1935, elle rencontre le docteur Chérif Saâdane20, victime à Biskra de l'attitude raciste de la bonne société21. Cela l'amène à réinterpréter un certain nombre de faits apparemment anodins en termes de racisme22. Par la suite, elle entre en contact avec d'autres intellectuels algériens, notamment Mohammed Bendjelloul, médecin à Batna23 ou des instituteurs qui éditent La Voix des humbles. En France, en 1938, elle apprend l'existence du mouvement formé autour de Messali Hadj. Elle a dès cette époque conscience des problèmes à venir de la société algérienne ; elle en fait état lors d'une conférence prononcée à Paris en 1938 à la demande de William Marçais et du commandant Montagne. Bilan Au total, de 1935 à 1940, Germaine Tillion effectue deux missions en Algérie, la première grâce à l'International Society (1935-1936), la seconde grâce au CNRS (1939-1940). Une grande partie des travaux effectués pendant ces six années a malheureusement disparu au cours de la Seconde Guerre mondiale24. Ce n'est qu'en 2000 qu'elle a publié un ouvrage consacré spécifiquement à l'Aurès : Il était une fois l'ethnographie, suivi en 2005 de L'Algérie aurésienne (choix de ses photographies des années 1930). Durant son séjour en France en 1937-1938, elle a de nouveau un contact avec l'Allemagne nazie, en Bavière, où elle passe quelques jours. Fréquentant régulièrement le Musée de l'Homme, elle fait la connaissance d'un des sous- directeurs, l'ethnologue Jacques Soustelle. uploads/Histoire/ germaine-tillion.pdf

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  • Publié le Mar 10, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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