Bernadette Bensaude-Vincent Isabelle Stengers Histoire de la chimie Ouvrage pub
Bernadette Bensaude-Vincent Isabelle Stengers Histoire de la chimie Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE 9 bis, rue Abel-Hovelacque PARIS XIIIe 1993 / / ,. /,_ . DANS LA MÊME COLLECTION Philippe BRETON, Histoire d e l'in f ormatique. Louis de BROGLIE, Un itiné raire scientifique, textes réunis et présentés par Georges Lochak. Jean-Paul DELÉAGE, Histoire d e l'é cologie, une science d e l'homme et d e la nature. Patrice FLICHY, Une histoire d e la communication mod erne, es pace public et vie privé e. Gabriel GoHAU, Histoire d e la gé ologie. Jacques MoNOD, Pour une éthique d e l a connaissance, textes réunis et présentés par Bernardino Fantini. L'Institut Pasteur, contributions à son histoire, sous la direction de Michel MORANGE. Joseph NEEDHAM, Dialogue des civilisations Chine-Occid ent. Yvonne REBEYROL, Lucy et les siens, chroniques préhistoriques (en coédition avec Le Mond e). Yvonne REBEYROL, La terre toujours recommencé e, trente ans de progrès dans les sciences de l a terre (en coédition avec Le Mond e). Yvonne REBEYROL, Tourbzflons et turbul ences (en coédition avec Le Mond e). Jean ROSTAND, Confid ences d'un biologiste, textes réunis et présentés par Jean-Louis Fischer. Michel RouZÉ, Les Nobel s scientifiques français. Jean-Charles SoURNIA, Histoire d e la mé d ecine. Si vous désirez être tenu regulièrement informé de nos parutions. il vous suffit d ·envoyer vos nom et adresse aux Editions La Découverte, 9 bis, rue Abel-Hovelacque, 75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel A La Découverte. En application de la loi du I l mars 195 7, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement, par photocopie ou tout autre moyen, le présent ouvrage sans auto risation de l'éditeur ou du Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC, 3. rue Hautefeuille, 75006 Paris). © Éd irions La Découvcnc, Paris, 1992. ISBN 2· 7071-21 <)2-4 Prologue On admet souvent comme une évidence qu'il y a une his toire de la chimie, une histoire de la physique, une histoire pour chaque science. Le partage du savoir en disciplines s'impose comme s'il était une nécessité. Il nous semble tout naturel parce que, dans le monde cloisonné des « matières » scolaires, façonné à l'image de la rigide classification d'Auguste Comte, on nous a servi des sciences prédécoupées, enfermées dans un splendide isolement. Mais à trop se couler dans les évidences, on risque fon de pas ser à côté des problèmes essentiels, qui sont aussi souvent les plus intéressants. A trop se mouler dans les cadres actuels, l'his torien des sciences a tendance à prendre pour acquis ce qui fut durement conquis. Car les disciplines comme la physique et la chimie n'ont pas existé de toute éternité, elles se sont consti tuées peu à peu et cela ne s'est pas f ait sans histoires. La chi mie n'avait pas sa place dans les antiques programmes scolaires. En revanche, elle se taille une bonne place vers le milieu du xvm· siècle dans les académies, dans les universités et auprès du public éclairé. Au XIX• siècle elle apparaît comme une science de pointe, image même du progrès. Comment la chimie a-t-elle conquis droit de cité ? Comment est-elle devenue science ? Les historiens de la chimie A cette question, la plupart des histoires de la chimie ont apporté sensiblement la même réponse. La chimie est devenue science en se dégageant de la gangue des savoir-faire archaïques 6 Histoire de la chimie et des savoirs occultes. La rupture avec le passé obscur des tra ditions artisanales et de l'alchimie marque J'origine de son his toire. Sur la date de l'événement qui fit rupture, les avis sont partagés. Suivant les auteurs, leur culture ou leur pays d' ori gine, on le situe au xvm• siècle en désignant Ernst Georg Stahl (1660-1734) ou bien Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794) comme « père de la chimie moderne » ; d'autres préfèrent remonter jusqu'au XVII' siècle et marquent volontiers le virage avec Robert Boyle. Mais dans tous les cas, le récit du passé s'organise autour d'un ou deux points fixes qui changent J'allure de l'histoire. Comme s'il fallait à tour prix exhiber « un Galilée » ou << un Newton », on postule l'existence d'un moment fondateur à partir duquel la chimie, enfin révélée à elle-même, n'a plus qu'à marcher droit pour développer son potentiel scientifique et technique. Aussi les histoires classiques de la chimie se partagent-elles en deux périodes bien tranchées : un âge préscientifique, puis l'âge scientifique. A dire vrai, cette vision offre les plus grands avantages au narrateur. Elle autorise des récits hauts en couleur, comme celui de Ferdinand Hoefer qui promenait ses lecteurs dans des univers fortement constrastés [Hoefer, 1842-1843)*. Frayant d'abord les chemins buissonniers des pratiques plus ou moins magiques, des symboles hermétiques, de cultures exoti ques, il atteignait bientôt la voie triomphale du progrès, l'his toire « sérieuse », centrée sur des lois et découvertes expérimen tales, dont 1' accumulation engendrait tout naturellement une foule d'applications industrielles ou agricoles plus bénéfiques les unes que les autres au progrès de l'humanité. Ce genre de saga paraît aujourd'hui un peu vieilli, daté, soli daire du profil hautain et serein qu'arborait la chimie au siè cle dernier. On y devine le vestige d'un temps où les chimistes écrivaient eux-mêmes leur histoire. Il n'était pas rare, au XIX' siècle, qu'un chimiste, faisant progresser l'histoire par ses tra vaux et recherches, se fasse historien - parfois érudit - pour affirmer l'identité de sa discipline et profller son image aux yeux du public. Dans la grande tradition des histoires de la chimie - de Thomas Thomson [1830-1831), Hermann Kopp · (1843-1847), Adolphe Wurtz [1869], Albert Ladenburg [1879). Marcelin Berthelot [ 1890], Edward Thorpe [1902), Pierre • l.es références entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d'ouvrage. p. 335 sq. Prologue 7 Duhem (1902], Ida Freund (1904], jusquԐà Wilhelm Ostwald (1906] -, le récit du passé était en même temps le manifeste d'une science sûre d'elle-même, de son identité comme de ses succès. Des mises en récit de ce genre ont toujours cours aujourd'hui - que l'on pense à François Jacob, à Richard Feynman, à Ilya Prigogine. Mais en chimie, J'innovation présente n'appelle plus un regain d'intérêt pour l'histoire. Comme si le passé de la chi mie ne pouvait plus être réactivé par son présent. L'histoire de la chimie est désormais écrite par des historiens professionnels, et elle en son toute transformée. La découpe magistrale en deux périodes - âge préscientifique et scientifique - n'a pas résisté aux analyses minutieuses de textes et documents- cours, cor respondances, manuscrits, cahiers et instruments de laboratoire. En passant au crible de la critique historique l'œuvre des savants illustres comme celle des chimistes obscurs et anonymes, les his toriens des sciences ont décapé quelques clichés répandus dans les histoires traditionnelles et les manuels de chimie. Finies les certitudes tranquilles sur les origines de la chimie, sur sa date de naissance, sur sa nature et sa philosophie. Les frontières sont devenues plus floues, mobiles et perméables. Les paysages tout en contrastes ont été singulièrement brouillés. L'historiographie a cenes éclairé, enrichi, notre perception du local, mais en sacri fiant l'évolution globale de la chimie. Les grandes fresques his toriques semblent, sinon condamnées, du moins vouées à la caricature. Est-il bien raisonnable, dans ces conditions, de tenter de reconstruire une vision d'ensemble de la discipline, depuis « les temps les plus reculés » jusqu'à nos jours ? Reprendre ce genre traditionnel, suivre l'émergence d'une discipline, n'est-ce pas entretenir J'illusion qu'il existe quelque part dans la nature un territoire bien délimité d'abord investi de ténébreuses spécu lations en attendant que viennent des savants éclairés pour déchiffrer ses lois et son fonctionnement ? Comment raconter une histoire dont les origines semblent plonger dans la nuit des temps, dans les mythes les plus archaïques, et qui conduit jusqu'à la jungle actuelle de molécules bizarres aux propriétés inouïes, dans un univers de matériaux nouveaux, derniers cris de la technologie ? L'entreprise semble vouée à l'échec, étouffée dans J'œuf par une-vague déferlante de doutes et de questions de méthode. Par où commencer ? La chimie naît-elle avec J'élaboration et 8 Histoire de la chimie la transmission de savoirs pratiques ? Dans ce cas, il f aut remon ter à la préhistoire, aux premiers hommes qui firent du f eu, aux premiers procédés de teinture, de fermentation, aux premiè res pharmacopées. Ou bien débute-t-elle avec les premiers élé ments de savoir raisonné ? Dans ce cas, il faut partir des présocratiques et des philosophies de la matière qui tentèrent de penser la substance et ses transformations. Avec l'articula tion emre expériences et théorie ? Alors c'est toute l'alchimie qui s'avance. Ou faut-il s'en tenir à la chimie identifiée comme science ? Et dans ce cas c'est le XVII' siècle qui s'impose comme ongme. La difficulté relative au commencement en laisse présager bien d'autres pour la suite. Faut-il inclure dans la chimie l'his toire des mines, de la métallurgie, des teintures, des verres, des cosmétiques, de la médecine uploads/Histoire/ bensaude-vincent-unknown-histoire-de-la-chimie-pdf.pdf
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- Publié le Jan 09, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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