Gradhiva Revue d'anthropologie et d'histoire des arts 21 | 2015 Création plasti

Gradhiva Revue d'anthropologie et d'histoire des arts 21 | 2015 Création plastique d’Haïti Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, textes réunis par Annick Arnaud Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France », cahier n° 27, 2013 Giordana Charuty Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/gradhiva/3002 DOI : 10.4000/gradhiva.3002 ISSN : 1760-849X Éditeur Musée du quai Branly Jacques Chirac Édition imprimée Date de publication : 1 février 2015 Pagination : 250-251 ISBN : ‎ 978-2-35744-075-3‎ ISSN : 0764-8928 Référence électronique Giordana Charuty, « Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, textes réunis par Annick Arnaud », Gradhiva [En ligne], 21 | 2015, mis en ligne le 01 février 2015, consulté le 22 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gradhiva/3002 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ gradhiva.3002 Ce document a été généré automatiquement le 22 septembre 2020. © musée du quai Branly Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, textes réunis par Annick Arnaud Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France », cahier n° 27, 2013 Giordana Charuty RÉFÉRENCE Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, textes réunis par Annick Arnaud. Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France », cahier n° 27, 2013. Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, text... Gradhiva, 21 | 2015 1 1 Cet ouvrage collectif rassemble des études portées par une réflexion très dense sur la spécificité du régime contemporain de patrimonialisation. Elle avait motivé en 2001 la création d’un laboratoire de recherche permanent, le Lahic1, qui a déployé durant une douzaine d’années une série de programmes de recherche, de séminaires et de journées d’études. À l’initiative de Christian Hottin, des numéros de revue consacrés aux émotions patrimoniales ont également précédé cette publication2. Plus qu’une introduction, le long essai de Daniel Fabre en ouverture de l’ouvrage, « Le patrimoine porté par l’émotion » (p. 13-97), fait le bilan de ces travaux qui examinent plus particulièrement le cas français, éclairé par d’autres terrains européens ou plus lointains. Il développe la thèse générale dont les quatorze études successives explicitent les catégories analytiques, mettent en perspective les réalisations particulières qu’elles documentent, discutent la pertinence : un nouveau rapport au passé marque les sociétés européennes qui, en un demi-siècle, sont passées du « temps du monument » au « temps du patrimoine ». Au lieu de déplorer, comme c’est souvent le cas des professionnels du ministère de la Culture, l’explosion d’une demande qui paraît sans limite, il vaut mieux prendre pour objet d’étude ce régime patrimonial, à travers la force des attachements locaux et des investissements émotionnels qu’il suscite. Comme le pressentait Aloïs Riegl, ceux-ci démocratisent le sentiment du passé avec une panoplie d’expressions communes qui, le plus souvent, prennent au dépourvu les experts de la gestion institutionnelle et administrative des héritages nationaux. 2 Comme au temps de l’injonction monumentale liée à l’apprentissage du passé national, l’émotion patrimoniale peut être animée par le haut puisque la nation demeure, dans la plupart des pays, le fondement politique et la source de toute mise en valeur culturelle. Le montrent, au tournant du XXe siècle, les deux affaires de disparition présentées par Frédéric Maguet, la vente aux enchères en 1899 de L’Angélus de Millet et le vol de La Joconde en 1911 (p. 101-118), lesquelles imposent le deuil et une pédagogie de la fierté nationale. De même, l’Exposition d’œuvres d’art mutilées inaugurée en novembre 1916 au Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, text... Gradhiva, 21 | 2015 2 Petit Palais à Paris, dont Kristina Kott retrace l’histoire, a été voulue et soutenue par des personnalités du monde politique et artistique, tandis que sociétés savantes et conservateurs de musées régionaux se sont associés pour choisir les œuvres à exposer parmi toutes celles photographiées dans la zone des opérations de guerre. Leur mise en scène est saisissante : éléments de décor d’édifices religieux ou séculiers, fragments de statues « martyrisées » deviennent autant d’objets-reliques investis d’une valeur de survivance. Ainsi, exposer le grand crucifix de Revigny, dont il ne reste qu’un bout de bras suspendu dans le vide, un fragment de la main droite et des restes de pieds, sacralise la mort pour la patrie en suggérant sa similitude avec la Passion du Christ (p. 136-137). Quant à l’affaire du tombeau de Samuel de Champlain, le fondateur du Québec, dont Sylvie Sagnes suit les résurgences depuis le milieu du XIXe siècle, elle montre bien la « relation charnelle » que l’âge monumental a instaurée pour faire faire à chacun l’expérience d’une instance moderne de transcendance, la patrie. Opposant deux âges de l’archéologie québécoise et du discours historique, cette relation fait place aujourd’hui à une prolifération de héros obscurs qui affecte à son tour le personnage de Champlain sans mettre un terme à la quête de l’introuvable tombeau (p. 147-172). 3 Mais la majeure partie des études porte sur les formes singulières prises en France, à partir des années 1960, par une conversion collective des formes d’attachement au passé. Celle-ci est tout d’abord encouragée par l’État, comme en témoigne la quête d’un « patrimoine de proximité » – catégorie apparue dans les années 1990 – que nous décrit Irina Chunikina à travers l’ethnographie des activités parisiennes très consensuelles des animateurs de la Fondation du patrimoine, organisme privé reconnu d’utilité publique : pour les guides bénévoles comme pour les visiteurs, l’histoire personnelle fait le lien avec le lieu visité et commenté (p. 175-193). Mais, le plus souvent, les émotions patrimoniales se déclinent sous la forme de polémiques, de controverses, d’« affaires » dont l’essai de Fabre ordonne en cinq phases les cadres structurants, tout au long de la chaîne patrimoniale : « désigner, classifier, conserver, restaurer, publiciser » (p. 50). 4 Explorer les disputes et les passions qui adviennent à l’un ou l’autre de ces moments permet, alors, de mettre au jour les effets pragmatiques de logiques symboliques qui débordent la question patrimoniale. Loin de se réduire à une dimension psychophysiologique, les émotions peuvent retrouver leur sens d’Ancien Régime sous la forme de mouvements populaires de contestation de décisions administratives, comme dans le cas du projet de construction d’un barrage menaçant une vallée cévenole ou celui de la transformation en « archéoscope » du site mégalithique de Carnac. Elles peuvent conduire, explique François Gasnault à partir de l’affaire du « fichier juif » qui a marqué l’actualité des années 1990, à remodeler la représentation collective des archives comme objet d’appropriation populaire plus que de savoir. En l’occurrence, dans un contexte de « crise de la gouvernance mémorielle », la résolution de l’affaire est passée par une sacralisation du « fichier », soustrait à l’État laïc (p. 237-257). En revanche, dans le cas de la mobilisation cévenole, comme le montre l’étude de Françoise Clavairolle dont on pourra lire ailleurs une version plus détaillée3, l’unanimité initiale qui a réanimé l’imaginaire historique de la lutte des camisards ne résiste pas face à ce que les protestants de confession considèrent comme une forme abusive de « sacralisation » (p. 313-334). Et l’on ne saurait, explique Claudie Voisenat, comprendre le « cataclysme » qui a menacé les intellectuels, usagers de la Bibliothèque nationale, lors du déplacement de ses collections dans la nouvelle bibliothèque François-Mitterrand, sur le site de Tolbiac, sans prendre en compte le rapport Daniel Fabre, Émotions patrimoniales, sous la direction de Daniel Fabre, text... Gradhiva, 21 | 2015 3 consubstantiel au livre qui caractérise l’être intime et social de tout grand lecteur- auteur (p. 213-236). 5 Sous le titre « Catastrophe, déploration, action », la quatrième partie de l’ouvrage considère deux mobilisations en réponse à des catastrophes « naturelles » – l’inondation de Florence en 1966, l’incendie du château de Lunéville en 2003 – conduisant à expliciter la dimension morale qui qualifie la pertinence de ce registre d’action. Le sauvetage des collections imprimées et des fonds manuscrits de la Bibliothèque nationale de Florence par des « anges de la boue » venus de divers pays, aussi bien que de toute l’Italie, a relevé du sentiment éprouvé par quelque 17 000 jeunes de sauver un patrimoine universel cristallisé, de manière privilégiée, dans le livre. La mémoire de la catastrophe, affirme Anna Iuso, est celle d’une génération dont la mobilisation a donné lieu à de multiples célébrations – dont l’analyse reste à faire – pour son quarantième anniversaire (p. 261-281). Ce lien entre émotion et mobilisation ne saurait être réduit ni à une succession temporelle ni à une simple relation de causalité avertissent, d’emblée, Anthony Pecqueux et Jean-Louis Tornatore qui reviennent, dans ce volume, sur une enquête collective conduite entre 2004 et 20074. Appréhension esthétique et historienne d’une part, appropriation biographique de l’autre se sont, durant des années, cumulées pour faire du château de Lunéville à la fois un monument « historique » et un « patrimoine proche ». Au lendemain de l’incendie, la mobilisation pour une restauration qui accentue la requalification patrimoniale du site uploads/Histoire/ gradhiva-3002 1 .pdf

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  • Publié le Apv 09, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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