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81 s 280 s Mars 2008 Moins de cinquante ans après l’insurrection de Budapest, la Hongrie est entrée dans l’Union européenne, et elle a intégré l’Espace Schengen le 21 décembre 2007. Que de chemin parcouru depuis la proclamation de la République hongroise en 1918 ! Sans parler bien entendu du Royaume de Hongrie d’Étienne I er, qui nous fait retourner à l’an 1000. Sur le seul plan maçonnique, les historiens font remonter les origines de la franc-maçonnerie hongroise au moins de septembre 1742. On trouve effectivement dans la Loge Aux trois canons à l'Orient de Vienne, dont la langue était le français, des Hongrois, comme par exemple le com- mandant de la garde de l'impératrice Marie-Thérèse, Baroczy Sandor. Il n'est toutefois pas prouvé que ce soit à partir de la capitale autri- chienne que la Maçonnerie se soit répandue en Hongrie, mais bien plu- tôt sous l'influence des loges militaires. À l’heure où la Hongrie, bien que lourde de son passé, se trouve au seuil d’un avenir de liberté et de fraternité, il est temps de rouvrir les pages de son histoire maçonnique, en plein renouveau. Après l’écrasement de la Révolution de 1848-1849 qui aspirait à la séparation totale de l’Autriche, la franc-maçonnerie fut interdite en Hongrie jusqu’en 1867, date de la double monarchie. La première Grande Loge (de rite johannite) fut créée le 30 janvier 1870. Elle fut reconnue officiellement par la Grande Loge de Francfort le 31mai 1870. Le 22 juillet 1871, le Grand Orient de Hongrie était créé : il reçut sa Constitution du Grand Orient de France. Il y a donc près de cent trente-sept ans, quelques « émigrés » chassés au loin par l’échec de la Révolution et de la lutte pour l’indépendance hongroise de 1848, de retour d’Europe occidentale, rapportaient la flamme appelée à rayonner sur le RENAISSANCE DE LA MAÇONNERIE EN HONGRIE Pierre du VILLARD VOYAGES bassin des Carpates. Ils avaient à leur tête le comte Andrassy Gyula, devenu par la suite Premier ministre. Bien qu’ils aient reçu la Lumière dans des Obédiences différentes (en France, en Suisse ou encore en Italie), c’étaient à chaque fois les mêmes valeurs universelles de la Maçonnerie qui les avaient conduits, lorsqu’ils fondèrent en 1871 le Grand Orient de Hongrie dont le premier Grand Maître honoraire ne fut autre que le célèbre Kossuth Lajos qui fit voter en avril 1849 – mais en vain la proclamation de l’indépendance de la République de Hongrie et la déchéance de la dynastie des Habsbourg. De longues années durant, la fusion de ces Grandes Loges resta à l’ordre du jour. Et il fallut attendre le 21 mars 1886 pour voir la signature d’accords et la nais- sance de la Grande Loge Symbolique de Hongrie. En mars 1919 cependant, le Conseil Révolutionnaire de type soviétique interdit la Grande Loge Symbolique. Puis, après l’écrasement du régime révolutionnaire, 82 s 280 s Mars 2008 Kossuth Lajos (1802-1894) © DR 83 s 280 s Mars 2008 le nouveau pouvoir de l’amiral Horthy, par un décret du 18 mai 1920, veut mettre un terme à la Maçonnerie en Hongrie en prononçant son interdiction définitive. Au terme de la Seconde Guerre mondiale, le premier travail rituel reprend pour- tant, dès le 16 mars 1945. La Grande Loge Symbolique redevient active, mais le régime communiste devait à nouveau l’interdire le 12 juin 1950. Après l’insur- rection de 1956, les émigrés hongrois de Paris ont créé, au sein de la Grande Loge de France, la Loge Martinovics qui travaillait encore, il y a peu, en langue hon- groise. Cette Loge a été rallumée récemment à Budapest. Le changement de régime de 1989 a permis le regain de l’activité maçonnique en Hongrie. Le rallumage des feux de la Grande Loge Symbolique de Hongrie a eu lieu le 15 août 1989. Les conditions imposées à la Grande Loge Symbolique, notamment par la Grande Loge d’Autriche, se révélant inacceptables pour nombre de ses membres, ils décidèrent de créer la Loge Universum à l’Orient de Szeged, au rite écossais et sous la protection de la Grande Loge de France. Il arrive parfois que l’histoire se répète : voilà seize ans que des « émigrants » d’une autre lutte pour la liberté sont de nouveau venus, à leur tour, rallumer la flamme © DR La statue de Staline à terre, pendant l’insurrection de Budapest de la maçonnerie libérale, feu qu’ils ont conservé de manière indéfectible. Finalement, de la volonté commune des Loges Universum, Leonardo da Vinci, Jaszi Oskar, travaillant au rite écossais ancien et accepté et de la Loge Humanitas, travaillant au rite français, renaît le 12 août 1991 le Grand Orient de Hongrie (GODH) ou MNO (Magyarorszagi Nagy Oriens). Le rallumage des feux a été couronné de succès par l’accord conclu en juin 1993 entre le GODH et le Grand Orient de France, la Grande Loge de France, le Grand Orient de Belgique et la Grande Loge de Belgique, accord qui a posé des bases financières solides, concré- tisé par la Fondation du GODH. La maçonnerie hongroise s’est donc recons- truite par l’action de Frères qui ont œuvré courageusement à la renaissance du Temple symbolique, l’ancien Temple de Budapest n’ayant toujours pas été resti- tué et, bien que classé historiquement, ayant été racheté par une société immo- bilière qui œuvre pour le transformer en hôtel. Le GODH est aujourd’hui constitué de huit loges travaillant au rite écossais ancien et accepté ou au rite français. Ce sont les Loges Leonardo, Humanitas, Jaszi Oskar, Rakoczi II, EgyesUleshez et Martinovics à l’Orient de Budapest, Testveriseg, et Universum à l’Orient de Sopron et Szeged. Cent vingt Frères envi- ron les fréquentent. Rappelons qu’à la veille de 1918, il y avait environ trois mille frères pour une centaine de loges. L’interdiction de la Maçonnerie durant quarante ans n’a pas seulement privé des générations de la liberté de penser et de raisonner, l’idéologie totalitaire du régi- me de cette période a de surcroît effacé et ignoré le passé maçonnique des grands hommes de la Hongrie. Ce régime a supprimé toute possibilité d’existence d’or- ganisations civiles libérales. Or la maçonnerie hongroise a joué un rôle décisif, ne serait-ce que par tous les Frères qui ont participé à l’histoire de leur nation. Et tous les résistants que j’ai cités – Rakóczi, Deak et Kossuth – sont tous des Frères et, au hasard d’une promenade à travers Budapest, rares sont les avenues qui ne portent pas le nom d’un patriote franc-maçon. Mais n’oublions pas que le régime communiste a gelé l’histoire, il l’a falsifiée. Il a contribué à cette dégénérescence morale dont souffrent les pays de l’Europe de l’Est. Ainsi, la Hongrie ne vit-elle pas véritablement dans le présent et a-t-elle encore du mal à se projeter dans l’avenir. Les pays d’Europe centrale, à com- mencer par la Hongrie, se trouvent toujours dans un état d’insatisfaction per- manente, nourrissant l’indéracinable conviction d’être des perdants. D’où la ten- dance à ne se penser qu’en termes tragiques. Des préjugés anciens dont souffre l’Obédience ont la vie dure. Ils sont toujours vivaces et entretenus par une partie importante du clergé catholique écouté par une majorité résignée. Parallèlement, il est hors de doute que le citoyen d’Europe centrale, désireux de rattraper son retard et préoccupé de sa survie, n’a plus guère de temps à consacrer à des activités philosophiques et philanthropiques. D’où le 84 s 280 s Mars 2008 85 s 280 s Mars 2008 sentiment que prédomine, parmi les maçonneries d’Europe de l’Est, un « affai- risme » fort concevable, étant donné la trop grande rapidité de leur formation et le poids du passé totalitaire, religieux ainsi que de la maçonnerie anglo-saxonne. De sorte que dans les démocraties de fraîche date, on ne saurait prétendre que la laïcité ou la tolérance soient suffisamment pratiquées, à telle enseigne que le mot « laïcité » demeure intraduisible en hongrois et dans la plupart des langues de la région. Armoiries de la Hongrie © DR Mais dans la construction de l’Europe, il importe tout particulièrement d’aider ces Maçonneries renaissantes encore bien fragiles et de leur communiquer le sens des valeurs morales dont nous avons hérité et en leur faisant partager ce symbo- lisme et ces rituels qui nous unissent, sans tomber dans un excès de pratique. Il est de notre devoir, et ce de façon de plus en plus urgente, de les accompagner dans leur quête de vérité et d’action. Ne nous laissons pas devancer par d’autres événements et apportons notre pierre à la réunification des maçonnes et des maçons, œuvrant efficacement à la réussite de la construction européenne et à celle de l’humanisme universel. Manière de redire haut et fort qu’il y aura à l’Est tou- jours plus de nouveau, dans l’esprit de notre rituel : « Nos Frères répandront les vérités qu’ils ont acquises, ils feront aimer notre Ordre par l’exemple de leurs qua- lités, ils prépareront, par une action incessante et féconde, l’avènement d’une humanité meilleure et plus éclairée. La Lumière qui éclaire le Temple doit rayon- ner sur tout l’univers. » 86 s 280 uploads/Histoire/ maconnerie-hongrie.pdf

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  • Publié le Dec 24, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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