L’appropriation par le capitalisme des nouveaux medias et les conséquences de l

L’appropriation par le capitalisme des nouveaux medias et les conséquences de l’économie libidinale sur la production de récits artistiques contemporaines « Si je pense que j'ai été fait pour rêver au soleil et pour dire des choses qui réveillent l'amour : comment est-il alors possible que je dorme entre des sursauts d'angoisse et d'horreur ? » Silvio Rodríguez, traduction des paroles de la chanson « Sueño de una noche de verano » « Les technologies numériques sont des formes contemporaines de ce que les Grecs de l’Antiquité appelaient des hypomnémata, c’est à dire des mnémotechniques. Or, ces mnémotechniques sont aussi et toujours ce que Platon appelle despharmaka, c’est à dire à la fois des poisons et des remèdes” » Manifeste de Ars Industrialis, association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit Hermès, société française œuvrant dans la conception, la fabrication et la vente de produits de luxe, de l'art de vivre1, propose, parmi pléthores de modèles « prestigieux », un sac qui coûterait près d’1.9 millions d’euros. Ce sac se nomme Crocodile Gold Birkin Bag, et la composition des matériaux utilisés pour le concevoir laisse songeur : diamants, peaux de crocodiles et or… Mon pays, la Colombie, est en guerre civile depuis soixante ans à cause de l’exploitation des ressources naturelles comme l’or par des entreprises étrangères. Cette guerre civile a, jusqu’à présent, officiellement comptabilisé, plus de trois cent mille morts, trente mille séquestrés, vingt- cinq mille disparus, douze millions de déplacés…2 L’utilisation des cuirs est, elle aussi, contestable. Ces crocodiles qui ont servi à la confection de ce sac ont passé leurs vies confinées, et ont été misérablement abattus, vers l’âge de trois ans. Alors qu’un crocodile peut vivre en milieu naturel bien plus longtemps que n’importe quel être humain. Alors que ce sac Hermès coûte 1,9 millions d’euros, plus de deux tiers de la population mondiale souffrent des conséquences de la faim. Les études annuelles de l’ONU démontrent que près de cinq millions d’enfants meurent de faim chaque année, sans compter les millions qui souffrent de malnutrition. 795 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, soit 1 personne sur 93. En 2013, la Fondation Hermès a soutenu l’exposition d’œuvres de jeunes artistes à travers l’Exposition Condensation présentée au Palais de Tokyo. En outre, la marque a 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Hermès_International 2 http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/micrositios/informeGeneral/estadisticas.html 2 http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/micrositios/informeGeneral/estadisticas.html 3 L’État de l’insécurité alimentaire dans le monde 2015, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Fao, http://www.fao.org/3/a-i4646f/index.html commandé l’installation interactive 8 Ties – Hermès aux artistes Miguel Chevalier et Jacopo Baboni. Le luxe dans un monde qui s’écroule est un scandale délirant, honteux. Malheureusement cette introduction écrite à la manière d’un scénario cinématographique, ne contient pas d’informations fictionnelles. Les réseaux des industries culturelles promeuvent, avec l’appropriation du concept de « nouveaux médias », le développement des modèles de production du capitalisme qui participent à la construction du modèle de vie consumériste où la notion d’éthique peut être redoutable, ou complètement absente dans la plupart des cas. Quelle est la place ou la fonction du récit artistique contemporain, avec les possibilités des nouvelles techniques de création médiatique informatisées, à l’intérieur des « cultures visuelles et médiatiques modernes »4 de consommation ? La résistance artistique comme contre- information est-elle envisageable aujourd’hui ou fait-elle partie de cette machine de destruction sans extériorité possible ? D’un point de vue historique où les événements sont influencés par les rapports sociaux, donc, d’une perspective matérialiste inductive, comment pouvons-nous, en tant qu’artistes, nous représenter des phénomènes actuels tels que : la numérisation de l’information, la transmission de connaissances, la construction d’identité autour du marché de l’information, l’imposition au monde de l’information comme force de production privilégiée pour les pays développés, la contribution de la circulation de l’information à l’agrandissement de l’écart avec les pays en voie de développement, d’autant plus au sein de nouveaux médias dont les ressources de l’art sont constitutives ? Le concept de « nouveaux médias » est lié à plusieurs idées. Premièrement, les nouveaux médias sont des outils de communication. Deuxièmement, ils ont des possibilités telle que la représentation numérique en soit, qui permet des manipulations algorithmiques comme la modularité, la transformation, la suppression et le remplacement. Troisièmement, ils sont liés à leur possibilité d’automatiser de nombreuses opérations. Quatrièmement, ils ont comme caractéristique inhérente le fait d’être variables, c’est à dire, de ne pas être toujours fixés. Et cinquièmement, leurs fonctions de transcodification sont une possibilité d’inéligibilité pour l’homme des calcules qui fait l’ordinateur dans un format propre. Ces caractéristiques de nouveaux médias sont tellement propres à eux-mêmes que par exemple, dans le champ musical, l’influence de l’appropriation de ce concept dans la création et interprétation est tellement significative, qu’elle modifie les pratiques musicales à tel point qu’ils ont une incidence sur la réception constituant ainsi de nouveaux langages comme l’acousmatique. Ce concept est aussi associé à l’idée de la vitesse de son déploiement, les technologies numériques ont un impact sur la plupart des formes de production culturelles, sur la numérisation de l’information et, avec elle, la possibilité d’accès au plus grandes bases de données de l’histoire de la civilisation. Elles ont déterminé une demande de développement qui augmente chaque jour. Cette idée de vitesse est 4 Lev Manovich, Le langage des nouveaux médias, Les presses du réel, 2010, page 65. légalement liée aux techniques de production artistiques propres de ces systèmes de représentations et a été identifiée comme un phénomène capital dans l’ample perspective de l’histoire de la technique, de la communication et de la culture visuelle. Lev Manovich, nous explique dans son livre Le langage des nouveaux médias que la configuration réciproque entre l’ordinateur et la culture produisent ce qu’il appelle une nouvelle culture de l’ordinateur, « un mélange de significations propres à l’homme et à la machine, des manières traditionnelles dont la culture humaine a modelé le monde et des modes propres à l’ordinateur de le représenter »5. Dans le milieu artistique, il existe des utilisations des nouveaux médias qui participent de l’idée de résistance et qui visent à établir des nouvelles formes de mobilité culturelle entre les êtres humains, à travers la production de pensée et qui ont une vocation subversive face à domination économique, cependant, elles ne se trouvent pas vraiment articulées avec les flux d’informations qui ont une incidence significative sur la société. Nous considérons que la plupart des propositions artistiques de type contre-informatif actuelles n’existent que dans des petits circuits qui, malgré leurs bonnes intentions de diffusion et de partage, ne sont pas à la hauteur face à la violence du néolibéralisme et des phénomènes de guerres, comme la manipulation des consciences à travers l'imposition de discours. Ces propositions existent plutôt comme des espaces dessinés pour consoler ou apaiser des initiatives de résistance, sans permettre réellement, l’émergence de discours qui n’émanent pas de la circulation des idées dominantes. Nous choisissons cette perspective qui peut sembler pessimiste, mais que nous considérons plutôt comme réaliste, afin de formuler des hypothèses capables de montrer la participation de l’art contemporain dans la construction de la société en face des possibilités de nouveaux medias. Hypothèses qui visent à montrer la participation dans la construction de cette horreur de ce que nous appellerons ici pseudo-artistes ou la participation des artistes qui font des énoncés avec une force expressive et poétique cohérentes avec leurs objets, mais qui sollicitent les ressources pour l’accomplissement de ces propositions auprès des subventions des entreprises et des États, provenant de pratiques illégitimes directes ou indirectes (dans le cas des États, de la collecte d'impôts, de grands contribuables qui sont aussi illégitimes parce que l’ensemble de la société le permet, pour ainsi réfléchir à la charge éthique que cela comporte). La participation active dans la construction de cette machine de destruction, révèle le retard dans la ré-signification des imaginaires collectifs du concept d'art, dans différents contextes, par rapport à la réalité mercantile d’un monde globalisé, homogénéisé, dépourvu d'outils pour se défendre, manipulé, souffrant, qui nous vend, chaque fois avec plus de force, l’idée de ne pas pouvoir faire machine arrière. Nous considérons essentiel d’essayer d’établir des mécanismes de transmission artistiques plus efficaces dans la production de subjectivités, comme base d’une éducation populaire possible, pour partager avec les différentes cultures, espèces et espaces. 5 Ibid, p. 46 Appuyé sur une éthique où la base est le respect pour la différence, où l’objectif principal est de travailler pour une émancipation consciente où ceux qui construisent leur notion d’existence, soit chacun en tant qu’individus qui partagent un territoire, sans autoritarisme mais avec la responsabilité de travailler dans la dite construction de société, de sentir, d’ouvrir nos sens si cassés, pour construire nos propres représentations du monde. Pour cet objectif, nous avons sélectionné Le langage des nouveaux média de Lev Manovich, «L'Économie libidinale et Textes dispersés I : esthétiques et théorie de l'art de Jean-François Lyotard, La société du spectacle de Guy Debord, Des Médias aux médiations de Jesús Martín Barbero, Le Spectateur émancipé de Jacques Rancière, et Machines à communiquer, Volume I « Genèse des simulacres » de Pierre Schaeffer ; uploads/Industriel/ atn-torres-tolosa-jose-david.pdf

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