Annales de Phénoménologie – Nouvelle Série Annalen der Phänomenologie – Neue Re

Annales de Phénoménologie – Nouvelle Série Annalen der Phänomenologie – Neue Reihe 18/2019 Annales de Phénoménologie – Nouvelle Série Annalen der Phänomenologie – Neue Reihe Fondateur de la revue/Gründer der Zeitschrift : Marc Richir (†) Directeur de publication/Herausgeber : Alexander Schnell Secrétariat de rédaction et commandes/Sekretariat und Bestellungen : Lehrstuhl für Phänomenologie Fakultät für Geistes- und Kulturwissenschaften Bergische Universität Wuppertal Gaußstraße 20 D-42119 Wuppertal E-mail : alex.schnell@gmail.com Comité de rédaction/Beirat der Redaktion : Sacha Carlson, Guy van Kerckhoven, Patrice Loraux, Antonino Mazzù, Jean-François Perrier, Alexander Schnell Revue éditée par l’Association Internationale de Phénoménologie (A.I.P.). Diese Zeitschrift wird von der Association Internationale de Phénoménologie (A.I.P.) herausgegeben. Siège social/Eingetragener Sitz : A.I.P. 2 route des Marnières F-89500 Dixmont Avertissement : L’éditeur du site « annales.eu » – l’Association Internationale de Phénoménologie (A.I.P.) – détient la propriété intellectuelle et les droits d’exploitation. À ce titre, il est titulaire des droits d’auteur et du droit sui generis du producteur de bases de données sur ce site conformément à la loi n° 98-536 du 1er juillet 1998 relative aux bases de données. Les articles reproduits sur le site « annales.eu » sont protégés par les dispositions générales du Code de la propriété intellectuelle. Pour un usage strictement privé, la simple reproduction du contenu de ce site est libre. Pour un usage scientifique ou pédagogique, à des fins de recherches, d’enseignement ou de communication excluant toute exploitation commerciale, la reproduction et la communication au public du contenu de ce site sont autorisées. 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Simondon 129 NICOLAS DITTMAR Institution philosophique et institution mythique ; quel régime de pensée pour l’aventure du sens ? 151 AURÉLIEN ALAVI La référence à la notion de virtuel quantique dans la critique richirienne du relativime post-moderne 228 JOËLLE MESNIL « Entre la vie et la mort » : à propos de l’approche richirienne de la psychose 249 TETSUO SAWADA D’une phénoménologie du mâle-soldat – Theweleit avec Richir ou le problème des « pas-encore-complètement-nés » 262 PHILIP FLOCK Le rythme du regard en peinture 282 MATHILDE BOIS & ISTVÁN FAZAKAS Structure matricielle de l’architectonique 307 RICARDO SÁNCHEZ ORTIZ DE URBINA Autrement qu’à la surface des choses : la cosmologie de Renaud Barbaras 320 MANFREDI MORENO Qu’est-ce que comprendre ? 375 ALEXANDER SCHNELL ----------------- Introduction à une estimative : qu’est-ce que les valeurs ? 388 JOSÉ ORTEGA Y GASSET Précisions complémentaires sur l’importance du thème de la valeur dans la philosophie d’Ortega y Gasset 413 JULIE COTTIER L’orientation chez Kant : une phénoménologie du sentiment PIERRE SOUQ Il existe très peu d’études philosophiques qui font de l’orientation un concept central1. Le travail le plus emblématique est peut-être celui d’Emmanuel Kant, publié en 1786 dans la revue mensuelle berlinoise Berlinische Monatsschrift, où il avait rédigé, deux ans auparavant, la Réponse à la question : qu’est-ce que Les Lumières ? Dans Que signifie s’orienter dans la pensée ? (Was heißt: sich im Denken orientieren?), Kant fait de l’orientation géographique l’occasion de penser celle de la raison afin d’y appliquer une maxime. Parce que l’individu s’oriente dans l’espace selon le « sentiment d’une différence subjective2 », il est naturel qu’il ressente un sentiment analogue lorsqu’il s’agit de penser des « objets suprasensibles » tel que Dieu. Dieu, à la différence de tout autre objet suprasensible, exprime le « sentiment du propre besoin de la raison3 » (das Gefühl des der Vernunft eigenen Bedürfnisses), c’est-à-dire le sentiment impérieux d’un manque que le sujet éprouve rationnellement. Aussi, ce sentiment est ambivalent, car il est à la fois théorique et pratique. Sur un plan théorique, il apparaît, lorsque le sujet cherche à expliquer le 1 L’orientation est quasiment absente du champ de la philosophie alors qu’elle se retrouve dans d’autres champs : en géographie (l’orientation en rapport à une carte), dans les sciences physiques (l’orientation d’un mobile), en psychologie et en médecine (l’orientation sexuelle ou la désorientation en tant que symptôme), dans les sciences de l’éducation (l’orientation scolaire), en littérature (si nous faisons un peu diverger la notion vers l’orientalisme), dans la religion (dans son rapport symbolique à l’Orient). En philosophie, le terme est souvent employé sans précision conceptuelle avec soit le sens général de « conception » (telle « orientation » théorique), ou en rapport à la directivité des choses (telle chose est orientée vers). Notons tout de même les ouvrages de Karl Jaspers Philosophie : orientation dans le monde, éclairement de l’existence, métaphysique (1986), de Pierre Macherey S’orienter (2017), et ceux du philosophe allemand Werner Stegmaier qui déplie la notion selon différentes modalités (morale, métaphysique, physique, etc.). 2 E. Kant, « Que signifie s’orienter dans la pensée ? », in Vers la paix perpétuelle. Que signifie s’orienter dans la pensée ? Qu’est-ce que les Lumières ? et autres textes, Paris, GF Flammarion, Introduction, notes, bibliographie et chronologie par Françoise Proust, traduit de l’allemand par Jean-François Poirier et Françoise Proust, 1991, [1786], p. 57. 3 E. Kant, Que signifie s’orienter dans la pensée ?, op. cit., p. 59. Souq 7 monde, son ordre, ses causes, car il lui manque toujours un premier principe intelligible lui permettant de formuler les connaissances liées à la perfection des choses et de leur caractère infini4. Sur un plan pratique, il est une idée régulatrice – « un postulat de la raison pure pratique5 » – qui oriente l’action du sujet selon le plus grand bien, car il lui est impossible de savoir si les effets réels de son action seront bons. Ainsi, Dieu, nous dit Kant, est un objet suprasensible que notre raison produit afin de satisfaire un besoin irrépressible qu’elle ressent, permettant à la fois d’expliquer le monde et d’agir au nom d’un bien universel. Dieu est une « croyance pure » qui oriente la pensée et les actions des Hommes, c’est-à-dire un concept dont l’objet réel n’est pas connaissable (ce qui n’enlève pas la possibilité de son existence), dont la présence au sein de la raison est un besoin et où le sentiment fait office de « poteau indicateur », de « boussole », d’outil permettant de guider le sujet sur le « chemin » de sa pensée6. Alors, qu’il s’agisse de s’orienter dans la pensée ou dans le réel, le sujet s’oriente selon le « sentiment subjectif d’une différence » qui, en tant que guide, l’aide à formuler des principes ne garantissant pas une vérité absolue mais, faute de mieux, l’assurance d’une croyance pure. Cela nous semble problématique pour au moins trois raisons. Premièrement, si le recourt au terme de « sentiment » montre le refus d’une raison pure, spéculative et dogmatique, afin de penser le concept de Dieu, son apparition est due à un besoin, à un désir même, c’est-à-dire à une faculté « plutôt » sensible. Cette tendance quasiment vitale – organique – est d’autant plus manifeste chez Kant que son raisonnement part de l’orientation sensible pour retrouver, dans celle de la raison, quelque chose qui relève du sentiment, donc d’une certaine réceptivité ou passivité de la part du sujet vis-à-vis d’un phénomène qui le dépasse, dont il n’a pas le contrôle, et qu’il ne peut pas connaître. Deuxièmement, si Kant parle d’« analogie » [Analogie] pour décrire le mouvement d’un raisonnement d’« élargissement » (Erweiterung) qu’il juge, dès la première ligne du texte, d’« expérimental » (Erfahrungsgebrauch), il s’apparente fortement à une réduction phénoménologique puisqu’il s’agit de remonter aux principes de l’orientation, en d’autres termes à son essence, et de décrire ce qu’elle est pour le sujet en tant que vécu d’expérience. Anticipant ainsi sur les travaux d’Edmund Husserl liés au « Renversement de la doctrine copernicienne dans l’interprétation de la vision habituelle du monde » et ses « Notes pour 4 Ibid., p. 60. 5 Voir notamment le paragraphe V du Livre II, Chapitre II, de la Première partie de la Critique de la raison pratique (1788), qui s’intitule « L’existence de Dieu comme postulat de la raison pure pratique ». 6 E. Kant, Que signifie s’orienter dans la pensée ?, op. cit., p. 66. ANNALES DE PHÉNOMÉNOLOGIE 18/2019 8 la constitution de l’espace »7, Kant décrit la perception d’un sujet qui occupe la Terre à partir d’un « point-zéro8 » (Nullpunkt) où l’espace ne fait pas tant partie d’un monde extérieur que de sa sensibilité. Troisièmement, si le « sentiment » est manifeste à la fois pour uploads/Industriel/ annales-de-phenomenologie-18-2019.pdf

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