Chimie des processus biologiques M. Marc Fontecave, membre de l’Institut (Acadé
Chimie des processus biologiques M. Marc Fontecave, membre de l’Institut (Académie des sciences), professeur Enseignement a Cours : De la chimie biologique aux biotechnologies : recherche et applications Pour reprendre une vision très originale développée par J.-M. Lehn, la chimie est marquée à la fois par une grande diversité mais également une faible complexité moléculaire tandis qu’à l’inverse la biologie met en œuvre une grande complexité moléculaire basée sur une diversité limitée (20 acides aminés, 4 bases nucléiques, etc.). Si l’on veut exploiter la puissance grandissante des concepts et des outils de ces disciplines, qui continuent à s’étendre après la grande révolution scientifique du xxe siècle, pour inventer de nouveaux procédés de synthèse, qu’on appellera « biotechnologiques » (plus efficaces, plus respectueux de l’environnement, plus économes en énergie et moins coûteux), il convient de renforcer la recherche à l’interface de la chimie et de la biologie. Le cours tente de montrer quelques directions de cette recherche qui consistent à utiliser la chimie pour étudier des systèmes moléculaires de plus en plus complexes, pour modifier les organismes vivants et la biologie pour transformer les cellules en usines cellulaires pour la production de molécules non naturelles. Cette science nouvelle, qui combine chimie bioinspirée et biologie de synthèse, est amenée à développer des organismes synthétiques, des biocatalyseurs et des enzymes artificielles à travers le développement de méthodologies nouvelles : ingénierie métabolique, mutagénèse et évolution dirigée pour des applications biotechnologiques originales. Cours 1. Chimie et biotechnologies : vers des organismes synthétiques Dans ce premier cours est présentée une courte histoire des biotechnologies, en partant de l’Antiquité, période lors de laquelle les levures étaient déjà utilisées pour a. Les cours et les séminaires sont disponibles en audio et vidéo sur le site internet du Collège de France : http://www.college-de-france.fr/site/marc-fontecave/course-2014-2015. htm [NdÉ]. 250 Marc fontecave faire le pain, les fromages et les alcools, et en passant par toute une série d’étapes clés comme les travaux de Louis Pasteur au milieu du xixe siècle, la découverte des enzymes par Büchner (1897), les premières productions industrielles biotechnologiques (1915-1930), la révolution des antibiotiques (1940), qui ouvrent l’ère de la microbiologie industrielle, la révolution génétique avec la découverte de la double hélice de l’ADN par Watson et Crick (1953) et la mise au point des techniques de séquençage et de production de protéines recombinantes (1970-1980), pour finir avec le séquençage de génomes entiers (1995-…), y compris celui de l’homme (2001), leur synthèse chimique (2003-2008) et enfin l’avènement des cellules synthétiques (2010). Tous ces outils permettent d’envisager une nouvelle biologie, dite « synthétique », s’appuyant sur des organismes génétiquement et chimiquement modifiés à un degré inégalé (introduction de voies métaboliques non naturelles) pour produire des médicaments, des carburants, etc. Ce concept est illustré avec la présentation des travaux de F. Romesberg au Scripps Institute, qui vient de réussir ce formidable exploit de construire un génome avec 6 et non 4 bases nucléiques, et de mettre au point un organisme vivant capable de répliquer cet ADN. Cours 2. Biocatalyseurs : usines cellulaires et enzymes Les procédés biotechnologiques utilisent aussi bien des microorganismes, comme la levure ou Escherichia coli, que des systèmes enzymatiques. Dans ce cours sont présentées les différentes familles d’enzymes les plus utilisées, l’histoire de l’ingénierie enzymatique ainsi que les méthodes à haut débit pour les modifier, dans le but d’améliorer leur activité, d’élargir leur spécificité de substrat, accroître leur résistance, etc. Ces méthodes modernes sont en général classées sous le terme de « méthodes d’évolution dirigée » : mutagénèse aléatoire (PCR pro-erreurs), mutagénèse à saturation de site, brassage génétique. Plusieurs exemples concrets de travaux récents d’évolution dirigée illustrent la puissance de ces méthodes. Enfin, plusieurs exemples de réalisations industrielles (production de médicaments, de sirop de fructose, d’acrylamide, de vitamines, d’antibiotiques, etc.) sont présentés. Cours 3. De l’ingénierie métabolique à la biologie de synthèse Pour la production de molécules d’intérêt, les laboratoires disposent aujourd’hui, et depuis longtemps, de la synthèse chimique ainsi que – beaucoup plus récemment – des outils de l’ingénierie métabolique et de la biologie de synthèse. Une définition précise de ces différents domaines est donnée afin de faire apparaître leurs spécificités, leurs différences, leurs avantages respectifs et leurs inconvénients. Il semble qu’à l’avenir l’industrie utilisera ces différents outils, choisis en fonction de la cible visée. Par exemple dans le domaine pharmaceutique on observe que, malgré le développement de la biologie et les perspectives réelles des biomédicaments (anticorps, vaccins, hormones, etc.), de la thérapie génique et de la thérapie cellulaire, les médicaments mis sur le marché sont encore en grande partie de petites molécules de synthèse. Néanmoins, de grands succès ont été obtenus avec le développement de l’ingénierie métabolique qui utilise des organismes modifiés pour la production biotechnologique de molécules d’intérêt. Plusieurs exemples intéressants sont montrés en détail : synthèse d’une vitamine par un champignon, Chimie des processus biologiques 251 synthèse d’alcools par des levures ou des bactéries modifiées, synthèse de l’artémisinine, un antipaludique en plein développement. Cours 4. Oxydations enzymatiques sélectives : monooxygénases Les réactions d’oxydation sont sans doute les plus difficiles à réaliser en chimie industrielle. Les organismes fournissent cependant des systèmes enzymatiques fascinants qui utilisent l’oxygène de l’air comme oxydant pour des insertions d’atomes d’oxygène dans divers substrats – y compris très inertes chimiquement comme les alcanes – avec d’étonnantes sélectivités (régio-, chimio-, stéréo- sélectivité). Dans ce cours sont présentés les structures et les mécanismes d’action des monooxygénases à cytochrome P450, des hydroxylases à flavines (à un ou deux composants) ainsi que quelques applications biotechnologiques qui mettent en œuvre ces enzymes : synthèse de l’hydrocortisone, de la pravastine, d’antibiotiques, de composés halogénés ainsi que biodégradation de composés toxiques. Cours 5. Oxydations enzymatiques sélectives : développements biotechnologiques Un intérêt particulier est porté sur les monooxygénases à flavine à deux composants, à la fois parce qu’il s’agit de systèmes possédant de fortes potentialités de développement biotechnologique et parce qu’ils sont étudiés au laboratoire. Elles sont composées d’une flavine réductase qui produit des flavines réduites libres. Ces dernières sont captées par le partenaire monooxygénase où elles réagissent avec l’oxygène de l’air pour donner un hydroperoxyde de flavine intermédiaire qui est responsable de l’oxydation du substrat. Ces enzymes sont ubiquitaires et sont impliquées dans les cellules (bactériennes en particulier) pour une large gamme de réactions d’oxydation. On montre deux réactions catalysées par ces monooxygénases, qui ont fait l’objet de recherches poussées y compris au niveau industriel : l’oxydation de composés soufrés dans le contexte de la mise au point de procédés de désulfurisation des pétroles ; l’époxydation de styrènes pour obtenir des époxydes énantiomériquement purs. Dans ce cours est discuté également le cas des Baeyer-Villigérases, des monooxygénases à flavine à un composant, qui catalysent des réactions de conversion stéréosélective de cétones cycliques en lactones, réactions très utiles pour l’industrie chimique. Après une présentation des structures et des mécanismes d’action de cette classe d’enzymes, on montre quels développements biotechnologiques sont attendus (systèmes d’oxydation de terpénoïdes, de stéroïdes et transformations asymétriques). Cours 6. Évolution et adaptation des protéines : vers des activités non naturelles Le cyrochrome P450 BM3 est un cytochrome bactérien qui a fait l’objet de l’étude la plus poussée à ce jour du point de vue de l’application des techniques d’évolution dirigée. Ces études, essentiellement menées par F. Arnold (Caltech, États-Unis) et exposées dans ce cours, illustrent la possibilité qui nous est offerte de transformer par mutagénèse à haut débit une enzyme douée pour l’oxydation d’un substrat naturel (acide gras à longue chaîne dans ce cas précis) en une enzyme douée pour l’oxydation d’un substrat très différent et non naturel (propane, alcane à chaîne 252 Marc fontecave courte). Ce travail permet de nous éclairer à la fois sur les chemins que les processus d’évolution et d’adaptation des protéines doivent prendre, et, peut-être, sur les chemins pris par l’évolution naturelle des organismes vivants. On observe que plus une protéine est mutée et instable, moins elle est capable d’évoluer. Ce sont donc les variants les plus stables, c’est-à-dire possédant les mutations les moins déstabilisantes, qui auront les plus grandes chances d’évoluer pour améliorer une activité. Les autres disparaîtront. Un des mécanismes par lesquels la sélection naturelle favorise la capacité à évoluer est la stabilisation des protéines qui font l’objet d’une évolution adaptative, ou les compensations qui sont trouvées aux effets des mutations déstabilisantes. Par ailleurs la capacité qu’a une protéine d’évoluer est liée à sa capacité à avoir des activités accessoires et une grande liberté de substrats. Séminaires Théorie et pratique de la xénobiologie Séminaire du 11 mars 2015 : Philippe Marlière, directeur scientifique, Institute of Systems and Synthetic Biology Le principal apport de la biologie moléculaire au xxe siècle fut de démontrer l’unité de constitution des organismes vivants ainsi que la conservation des procédés informationnels (réplication, transcription, traduction) qui régissent la condensation covalente des composants canoniques (4 désoxynucléotides, 4 ribonucléotides, 20 acides aminés et 3 surnuméraires, une dizaine de coenzymes) par l’écheveau intra- et intermoléculaire de liaisons non-covalentes. Une telle unité organisationnelle du vivant suscite l’interrogation quant à ses fondements théoriques au regard des principes de la physique et quant à uploads/Industriel/ chimie-des-processus-biologiques.pdf
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- Publié le Jul 26, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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