1 Les obstacles au développement industriel de l'Afrique Armand TOTOUOM Univers
1 Les obstacles au développement industriel de l'Afrique Armand TOTOUOM Université de Dschang, Cameroun Courriel: tofolucar@yahoo.fr/armand.totouom@univ-dschang.org Résumé : Les statistiques indiquent que la part de l’Afrique dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale n’est que d’environ 1,6% en 2014 (UNIDO, 2016). Cette faible performance industrielle du continent africain est quelque peu décevante au regard du potentiel d’attraction des investissements qu’il dispose. L’objectif de cet article est d’identifier les obstacles au développement industriel de l’Afrique. L’argumentation développée s’appuie à la fois sur la littérature et sur les statistiques existantes. L’article montre que le faible niveau des infrastructures des pays africains, en particulier les infrastructures de transport, de télécommunications, et d’énergie constitue un frein majeur à l’émergence industrielle du continent. Le manque de vision politique, l’instabilité politique, la faiblesse de la taille du marché, les difficultés d’accès au financement, et le faible niveau du capital humain sont également mis en évidence comme entraves majeures à l’industrialisation du continent. Mots clés : Obstacles, Développement industriel, Afrique 2 Introduction Définie à la fois comme étant une multiplication des activités industrielles et comme transformation des processus de production par utilisation de machines, l’industrialisation est au centre de tous les développements économiques (Bikoué, 2010). Il existe un lien statistique relativement claire observable à l’échelle mondiale depuis 1950 mettant en relation l’importance de l’industrie dans une économie et son niveau de croissance économique (Rodrik, 2008, 2009 ; cités par Goujon et Kafando, 2011). Le graphique 1 ci-dessous permet notamment de se rendre compte de la corrélation entre le taux de croissance économique en Afrique subsaharienne et son taux d’industrialisation. Le graphique montre qu’en général, l’industrialisation en Afrique subsaharienne a évolué au fil du temps en parallèle avec son taux de croissance économique. Graphique 1 : Evolution du taux de croissance du PIB et de la valeur ajoutée du secteur manufacturier en Afrique subsaharienne Source : Auteur, à partir des données de la Banque mondiale (2016) Le secteur industriel comprend les industries manufacturières, les industries extractives et la construction. Les études tendent à montrer que le secteur manufacturier est la branche d’activité industrielle qui offre les plus grandes opportunités en termes de croissance durable, d’emplois et de réduction de la pauvreté en Afrique (CNUCED et ONUDI, 2011). -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 Taux de croissance PIB VA 3 Conscient de l’importance de l’industrie comme moteur du développement, de nombreux pays africains en avaient fait une priorité au lendemain des indépendances, accompagnés dans cette démarche par la communauté internationale dont l’ONUDI1 et la CEA2 qui consacrera la décennie 1980, « Décennie du développement industriel de l’Afrique ». C’est dans cette optique que la majorité de ces pays vont adopter le modèle d’industrialisation par substitution aux importations dans les années 1960 et 1970, modèle consistant à produire localement les biens nécessaires pour satisfaire la demande intérieure et à protéger les entreprises locales de la concurrence étrangère. Au cours de ces dernières années, les pays africains se sont de nouveau engagés en faveur de l’industrialisation dans le cadre d’un plus vaste programme visant à diversifier leur économie, mieux résister aux chocs et se doter de capacités productives qui permettent une croissance économique forte et durable, la création d’emplois et une réduction notable de la pauvreté (CNUCED et ONUDI, 2011). Malheureusement, cette politique volontariste n’a pas toujours produit les fruits escomptés et l’Afrique reste à la traine au niveau de l’industrie mondiale, et particulièrement au niveau de l’industrie manufacturière. En effet, bien que la valeur ajoutée manufacturière créée sur le continent ait positivement évolué passant par exemple de 79 milliards de dollars US à 144 milliards de dollars US entre 1990 et 2014, elle reste très modeste comparée à la valeur ajoutée manufacturière mondiale qui a quasiment doublé sur la même période, passant de 4753 milliards de dollars US à 9228 milliards de dollars US (UNIDO, 2016). Le graphique 2 ci-dessous montre que l’Afrique est la région du monde dont la part dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale est la plus faible. Cette part a très peu évolué dans le temps et se situe à seulement 1,6% en 2014 pendant que celle de la région d’Asie et du Pacifique était en hausse constante. Au même moment, la part de la valeur ajoutée manufacturière dans le Produit intérieur brut (PIB) en Afrique dégringolait de 12.8 % en 1990 à 10.1% en 2014 (UNIDO, 2016). 1 Organisation des nations unies pour le développement industriel 2Commission économique des nations unies pour l’Afrique 4 Graphique 2 : Part (%) de chaque région dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale Source : adapté d’UNIDO (2016) Les statistiques relatives aux faibles performances industrielles du continent africain sont quelque peu surprenantes au regard du potentiel d’attraction des investissements qu’il représente. Le continent africain regorge notamment d’importantes ressources naturelles. Il regorge près de 12% des réserves mondiales de pétrole, 40% des réserves d'or et 80 à 90% des métaux du groupe du chrome et du platine, en plus de ses vastes terres arables et de ses ressources en bois (CEA et CUA, 2012). En dépit de ces importantes dotations en ressources qui devraient pourtant servir d’inputs en industrie et d’éléments attractifs pour les industriels, le continent peine à décoller sur le plan industriel. Les taux d’investissement y sont encore très bas. L’Afrique en 2014 n’a pu capter que 54 milliards des 1230 milliards de dollars des flux d’Investissements directs étrangers (IDE) dans le monde (UNCTAD, 2015). Bien plus, l’essentiel de ces IDE sont concentrés dans l’extraction des ressources naturelles plutôt que leur transformation locale. Or, comme le disent Chaponnière et Lautier (2014), la vitesse de transformation d’une économie dépend du taux d’investissement et de la qualité de ces investissements. D’après les économistes du développement, du « Big Push » de Rosenstein-Rodan au « Take off » de Rostow, le rattrapage exige l’élévation du taux d’investissement. Cet article identifie les obstacles à l’essor industriel du continent africain. Les arguments développés s’appuient à la fois sur la littérature et sur les statistiques existantes. L’article met 1.7 1.5 1.5 1.6 6.8 6.7 6.2 5.5 23 25.6 21.1 20.9 40.7 34.5 29.2 27.5 27.8 31.8 41.9 44.6 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1990 2000 2010 2014 Afrique Amerique latine Amerique du nord Europe Asie et Pacifique 5 l’accent sur divers types d’entraves au développement industriel de l’Afrique. Dans les sections 1 à 6 sont évoquées tour à tour, le déficit en infrastructures, le manque de vision politique, l’instabilité politique, la faiblesse de la taille du marché, les difficultés d’accès au financement et le faible niveau du capital humain. La section 7 conclut l’article. I. Le déficit en infrastructures Dans les enquêtes évaluant le climat des investissements, les entreprises classent généralement le déficit d’infrastructures comme un obstacle important à leur développement. À titre d’illustration, une évaluation faite par la Banque mondiale sur le climat des investissements a indiqué que pour une grande proportion de firmes enquêtées (20% en Asie de l'Est et le Pacifique, et 55% au Moyen-Orient et Afrique du Nord, ainsi que l'Amérique latine), l'électricité, les télécommunications ou encore les transports constituaient les obstacles majeurs à leurs activités (Straub, 2011). L’infrastructure constitue également une contrainte aux affaires dans de nombreux pays africains, réduisant la productivité des entreprises d'environ 40% (BAD et BM, 2011). Dans la suite on s’intéresse particulièrement aux infrastructures de transport, de télécommunications, et d’énergie. I.1. Les infrastructures de transport Le rôle joué par les infrastructures sur le développement n’est plus à démontrer. Barro (1990) dans son modèle mettait déjà en évidence le lien existant entre les dépenses en infrastructures et la croissance économique. Un faible niveau des infrastructures ainsi que des services de transport et de commerce limités renchérissent les coûts de transaction et de logistique, rendent les produits non compétitifs, limitent la production rurale et l'accès des populations aux marchés avec des incidences négatives sur l'activité économique et la pauvreté (Escribano et al., (2010). Le continent africain fait face à des coûts de transport et de logistique élevés. Ces coûts élevés résultent en partie du déficit que connait le continent en matière d’infrastructure, tant au niveau des voies terrestres, aéroportuaires, portuaires, et ferroviaires. Concernant les voies terrestres qui constituent le moyen de transport le plus utilisé en Afrique, la BAD (2010a) indique que l’ensemble du réseau routier de l'Afrique subsaharienne est seulement 6 de 204 km pour 1000 km2 de superficie (soit l’équivalent de 3,6 km de route pour 1000 habitants), parmi lesquels seulement 25% sont pavés, alors que la moyenne mondiale est de 944 km pour 1000 km2 de superficie3 (soit l’équivalent de 7 km pour 1000 habitants). Le continent ne s’en porte pas mieux en matière de voies ferrées. En 2007, il dispose de 69000 km de voies ferrées parmi lesquels 55000 km sont effectivement opérationnels. 13 pays n’ont pas de réseau ferroviaire opérationnel. La densité du réseau routier dans la majorité des pays varie entre 30 et 50 par millions d’habitants avec un nombre réduit de pays (Gabon, Botswana et Afrique du Sud notamment) ayant uploads/Industriel/ 4-96-3-totouom.pdf
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- Publié le Apv 13, 2021
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