Économie rurale Agricultures, alimentations, territoires 296 | Novembre-décembr

Économie rurale Agricultures, alimentations, territoires 296 | Novembre-décembre 2006 Varia Mesure de l’efficacité technique des agricultrices de cultures vivrières en Côte-d’Ivoire The measure of technical efficiency of food farming women in Ivory Coast Ekou Nuama Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/economierurale/1892 DOI : 10.4000/economierurale.1892 ISSN : 2105-2581 Éditeur Société Française d'Économie Rurale (SFER) Édition imprimée Date de publication : 30 décembre 2006 Pagination : 39-53 ISSN : 0013-0559 Référence électronique Ekou Nuama, « Mesure de l’efficacité technique des agricultrices de cultures vivrières en Côte- d’Ivoire », Économie rurale [En ligne], 296 | Novembre-décembre 2006, mis en ligne le 28 octobre 2009, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/1892 ; DOI : 10.4000/ economierurale.1892 © Tous droits réservés La problématique En Côte-d’Ivoire, comme dans bien d’autres pays d’Afrique au sud du Sahara, l’agricul- ture est le secteur dominant de l’économie. Elle génère en moyenne 30 à 35 % du PIB et constitue la principale source de revenu et d’emploi pour plus de 60 % de la population active (Banque mondiale, 2003). Elle est formée de deux grandes composantes : l’agriculture d’exportation et l’agriculture vivrière. La première constitue le fer de lance de l’économie ivoirienne tant par l’ac- tivité industrielle intérieure qu’elle suscite que par l’importance des exportations qu’elle génère. La seconde composante est principalement dominée par cinq grandes cultures, à savoir : l’igname, le manioc, la banane plantain, le maïs et le riz. Le secteur de la production vivrière en Côte-d’Ivoire est caractérisé par de petites exploitations tra- ditionnelles à faible productivité et essen- tiellement destinées à l’autoconsommation. La région du N’Zi Comoé, située au centre-est de la Côte-d’Ivoire, représentant environ 4 % du territoire, était considérée comme la boucle du cacao de 1960 à 1980. Elle fournissait l’essentiel de la production de fèves de cacao. Mais à partir de 1980, cette région a subi plusieurs calamités natu- relles : la sécheresse, l’apparition de cri- quets pèlerins et la mauvaise pluviosité. L’effet combiné de tous ces facteurs l’a appauvrie. Il faut ajouter à cela l’effet de la culture sur brûlis dont la pratique continue, et qui a entraîné l’épuisement des sols, à tel point que les cultures pérennes y poussent difficilement. Face à la nouvelle situation écologique, les paysans de l’ancienne boucle de cacao ont développé de nouvelles habitudes. Les cultures vivrières, qui jadis étaient déve- loppées pour l’autoconsommation, sont devenues les principales cultures généra- trices de revenus. Les femmes de cette région en sont non seulement les produc- trices essentielles mais aussi les bénéfi- ciaires quant aux revenus. Pourtant, malgré la présence massive des femmes dans la production de produits vivriers, aucune étude empirique n’a évalué, à notre connaissance, l’efficacité technique de ces agricultrices afin de déterminer réel- lement leur contribution. Face au nouveau défi qui est la lutte contre la pauvreté surtout en milieu rural, quelles sont les principales contraintes à lever en vue d’améliorer substantiellement le revenu des femmes agricultrices de pro- duits vivriers ? La réponse à cette interro- gation nécessite d’analyser de façon empi- rique les efforts réels des femmes à travers l’évaluation de leur niveau d’efficacité tech- nique et d’examiner les déterminants de celle-ci. Certes, de nombreuses études ont per- mis d’évaluer le niveau d’efficacité écono- mique et technique des paysans africains en général et, en particulier, celui des agri- culteurs ivoiriens. Mais en ce qui concerne l’efficacité technique des femmes, notam- ment celles de la région du N’Zi Comoé, ces études sont semble-t-il inexistantes. Ainsi, cette étude dont l’objectif est de mesurer le score moyen d’efficacité technique des pro- ductrices de cultures vivrières, vise à com- bler cette absence. Dans cet article, la première partie pré- sente une revue de la littérature. Puis la ÉCONOMIE RURALE 296/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2006 • 39 RECHERCHES Ekou NUAMA Mesure de l’efficacité technique des agricultrices de cultures vivrières en Côte-d’Ivoire Ekou NUAMA • Enseignant/Chercheur à l’Unité de Formation et de Recherches en Sciences Économiques et Gestion (SEG) (Université de Cocody) et Centre Ivoirien de Recherches Économiques et Sociales (CIRES) méthodologie de collecte et d’analyse des données est exposée dans la deuxième par- tie ; la troisième partie en présente les résul- tats. Enfin, la conclusion offre quelques recommandations tant au plan technique qu’au plan institutionnel. Une revue de la littérature Il s’agit ici essentiellement de la notion de l’efficacité technique à travers la méthode d’estimation des frontières et de ses déter- minants. Le résultat d’une exploitation peut être le profit évalué en francs CFA ou la pro- duction évaluée en kilogramme. Dans le cas d’une entreprise privée, les actionnaires recherchent le maximum de profit. Mais, dans le cas de petites exploitations agri- coles de produits vivriers, dont la production est essentiellement destinée à l’autocon- sommation et dont seul le surplus est écoulé sur les marchés urbains proches ou loin- tains, l’objectif des exploitantes est la maxi- misation de la production en vue de satisfaire les besoins alimentaires de leur famille. 1. La notion d’efficacité Dans la littérature, la notion d’efficacité fait l’objet de deux grandes composantes : l’effi- cacité technique et l’efficacité allocative. • La première se réfère à l’organisation matérielle de la production. Ainsi, une exploitante est techniquement efficace, si pour un niveau de facteurs et de produits uti- lisés, il est impossible d’augmenter la quan- tité d’un produit sans augmenter la quantité d’un ou plusieurs facteurs ou sans réduire la quantité d’un autre produit. L’exploitante la plus efficace techniquement est celle qui, à niveau de production égal, a utilisé le moins d’intrants. • La seconde efficacité se définit par rapport au système de prix auquel fait face l’ex- ploitante et suivant un comportement d’op- timisation économique (minimisation du coût, maximisation du profit). À titre d’exemple, une agricultrice est déclarée allocativement efficace si, à niveau de pro- duction donné, le coût de production est minimum. L’exploitante qui est à la fois techniquement et allocativement efficace est dite économiquement efficace. Elle a un comportement de maximisation de pro- fit. En situation de concurrence, son profit est maximum lorsqu’elle égalise le coût mar- ginal de production de chaque facteur de production à son prix sur le marché. Selon la théorie micro-économique tra- ditionnelle, les études d’efficacité technique ou économique n’ont pas leur raison d’être car le producteur est supposé être rationnel et « maximisateur » de profit. Par consé- quent, chaque exploitant se trouverait tou- jours sur la frontière de production ou sur la frontière de coût. Mais dans la réalité, les études montrent le contraire. En fait, l’ex- périence indique que les producteurs ou les productrices en général ne se situent jamais, du moins dans leur majorité, sur les fron- tières de production et de coût. C’est ainsi que de nombreuses études empiriques ont été menées dans tous les domaines et dans presque tous les conti- nents pour quantifier exactement le niveau d’efficacité atteint par les producteurs (Thiam et al, 2001). Compte tenu du nombre important de publications dans le domaine, nous ne mentionnerons que les écrits les plus récents et ceux qui ont eu pour champ d’investigation les petites exploitations agri- coles. Nuama (2003) a évalué l’efficacité tech- nique des exploitations ovines en Côte- d’Ivoire. L’étude montre, d’une part, que les éleveurs d’ovins pourraient encore accroître leur production de 28 % sans aucun apport additionnel d’intrants et, d’autre part, qu’il y a un énorme gaspillage de ressources pro- ductives, principalement des dépenses affec- tées à la prophylaxie des animaux et celles liées à leur alimentation. Audibert et al. (2003b) ont analysé l’ef- fet du paludisme sur l’efficacité technique des producteurs ivoiriens de coton dans le nord de la Côte-d’Ivoire à l’aide de la méthode Analyse d’enveloppement des don- 40 • ÉCONOMIE RURALE 296/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2006 Côte-d’Ivoire : cultures vivrières et efficacité technique ÉCONOMIE RURALE 296/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2006 • 41 RECHERCHES Ekou NUAMA nées, DEA (Data Envelopment Analysis). Les indices d’efficacité obtenus ont été uti- lisés comme variable dépendante dans un autre modèle Tobit pour expliquer le taux de morbidité du paludisme entre les producteurs de coton et leur famille ainsi que la cohésion sociale et les comportements culturels. Cette étude montre que la densité d’infection para- sitaire a un impact négatif direct et indirect sur l’efficacité dans la production de coton. L’étude montre également que plusieurs producteurs de coton ont amélioré leur score d’efficacité technique et que dans les villages où la production de coton est importante, l’on observe une plus faible cohésion sociale. Au Cameroun, Nyemeck et al. (2004) ont évalué l’efficacité technique de 450 petits producteurs d’arachide et de maïs en monoculture et de ces cultures en association à travers 15 villages. Le niveau moyen d’ef- ficacité technique obtenu par les trois types de producteurs est respectivement de 0,77, 0,73 et 0,75. Les causes des écarts obtenus au niveau de leur efficacité technique sont essentiellement dues au crédit, à la fertilité des sols, l’accès à l’encadrement et à la route. Battese et Coelli (1995) ont utilisé un modèle stochastique avec des données de panel à effets fixes individuels et tempo- rels. Dans ce modèle, le terme non négatif représentant l’inefficacité technique est sup- posé être une fonction des variables uploads/Industriel/ economierurale-1892.pdf

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