La valorisation de la matière grasse laitière est aujourd’hui de plus en plus d

La valorisation de la matière grasse laitière est aujourd’hui de plus en plus difficile du fait de l’évolution récente de l’«OCM lait» et de la réforme de la PAC avec la fin des restitutions. Les perspectives d’accroissement de la consommation de matières grasses lai- tières étant modérées (voire nulles), il sera probablement nécessaire à l’avenir de diminuer la production en baissant le taux butyreux des laits. En effet, une diminution par le biais de la production de lait entraînerait une diminution de la production de protéines qui sont bien valorisées par l’industrie fromagère et la production de caséinate. L’enjeu sera donc d’augmenter le rapport taux pro- téique sur taux butyreux. Les différents facteurs agissant sur la composition du lait ont déjà fait l’objet de nombreuses revues. Sommairement, les taux varient en fonction : de la race et de la variabi- lité intra-race (Bonaïti 1985), du stade de lactation et de l’âge, de la saison et de l’alimentation (Coulon et al 1991, Journet et Chilliard 1985). A l’échelle de l’animal, 3 voies peuvent être envi- sagées pour modifier le rapport taux protéique sur taux butyreux : 2 voies génétiques (inter et intra race) et une voie alimentaire. A l’échelle du trou- peau, il est possible de jouer fortement via la répartition des vêlages. Le changement de race (Montbé- liarde vs Holstein) permet d’augmenter le rapport taux protéique sur taux buty- reux, mais cela va généralement de pair avec une diminution du volume de lait. En revanche, au sein d’une race, il est actuellement possible de sélectionner des taureaux qui diminuent le taux butyreux sans modifier le taux pro- téique tout en apportant des gains de production laitière. Ainsi en race Holstein, il existe parmi les 100 meilleurs taureaux, des taureaux qui diminuent le taux butyreux de - 0,5 à - 6,0 g/kg tout en accroissant le taux protéique de + 0,5 à 3,0 g/kg respecti- vement (Institut de l'Elevage 2005). Les recherches sur les gènes majeurs avec la découverte du DGAT1 offrent pour l’avenir de sérieuses pistes pour réduire le taux butyreux par la sélection génétique (Kucerova et al 2006). Toutefois, le gène DGAT1 touche aussi la teneur en protéine des laits (Kucerova et al 2006). Le taux butyreux est un critère relati- vement variable d'un jour à l'autre, car il est fortement lié à la traite (son niveau variant de 1 à 10 entre le début et la fin de traite). Cependant, il est, parmi les solides du lait, l’élément qui est le plus fortement et le plus rapide- ment modifiable par l’alimentation (Hoden et Coulon 1991). En effet, il est connu depuis longtemps (années 40), que des rations riches en aliments concentrés ou en lipides insaturés apportés par les aliments concentrés ou le fourrage (herbe verte), ou des rations contenant des aliments dont les particu- les sont de petite taille peuvent causer des chutes importantes du taux buty- reux (- 10 g/kg voire - 30 g/kg). Ces baisses appelées «low-fat milk syndro- me» dans les pays de langue anglaise ont fait l’objet de nombreuses revues dans ces pays (Bauman et Griinari 2001, 2003, Davis et Brown 1970, Van Soest 1963). Les connaissances accu- mulées sur la synthèse des matières grasses du lait permettent de proposer des pistes pour comprendre ces chutes du taux butyreux. La matière grasse du lait est constituée à 98 % par des tri- glycérides eux-mêmes constitués d’aci- des gras et de glycérol. Les acides gras du lait à chaîne de carbone courte à lon- gue (C4:0 à C15:0) et la moitié du C16:0 dépendent de la fourniture d’acétate (origine endogène et prove- nant de l’acétate ruminal) et de β-hydroxybutyrate (origine endogène et provenant du butyrate ruminal). La moitié du C16:0 et la totalité des acides gras dont la chaîne carbonée est supé- rieure à 18 atomes de carbone provien- nent des acides gras à longues chaînes carbonées transportés par les chylomi- crons (origine exogène), les VLDL (origine endogène) et l’albumine (AGNE) (origine endogène) (Chilliard et Sauvant 1987). Le glycérol nécessai- re à la synthèse des triglycérides du lait est fourni par le glucose capté par la mamelle et le glycérol libéré par l’hy- drolyse des chylomicrons et des VLDL (figure 1). Tous les facteurs alimentaires suscep- tibles de faire varier ces précurseurs ou leur utilisation intra-mammaire sont donc susceptibles de faire varier le taux butyreux. Les recherches conduites en nutrition depuis une cinquantaine d’an- nées ont mis en évidence 7 nutriments modulant le taux butyreux. Il s’agit de 3 acides gras volatils du rumen (acéta- te, propionate et butyrate), du glucose digéré dans l’intestin et de 2 acides gras (trans10 C18:1 et trans10, cis12 C18:2 ou trans10, cis12 CLA) et le reste des INRA Productions Animales, Mai 2007 INRA Prod. Anim., 2007, 20 (2), 163-176 H. RULQUIN, C. HURTAUD, S. LEMOSQUET, J.-L. PEYRAUD INRA, Agrocampus, UMR1080 Production du lait, F-35590 Saint-Gilles, France Courriel : henri.rulquin@rennes.inra.fr Effet des nutriments énergétiques sur la production et la teneur en matière grasse du lait de vache Le taux butyreux varie en fonction de nombreux facteurs, dont l’alimentation qui a fait l’objet de très nombreuses études. Quatre théories successives ont vu le jour sur les moyens de le contrôler. Cependant, aucune d’elles ne permet de prédire actuellement de façon satisfaisante le taux butyreux ou la production de matière grasse. Une cinquième théorie est proposée. autres acides gras digérés dans l’intes- tin grêle. L’acide propionique, le gluco- se, le trans10 C18:1 et le trans10, cis12 CLA n’agiraient pas directement en tant que précurseurs, mais indirecte- ment soit sur la fourniture des précur- seurs à chaîne carbonée longue (AGNE ou triglycérides circulants) soit sur la synthèse «de novo» (figure 1). Toutefois, si l’effet de ces nutriments est aujourd’hui démontré, leurs effets sur les variations du taux butyreux ne sont pas quantifiés. L’objectif de ce papier est de décrire les lois de réponse du taux butyreux et du rapport taux pro- téique/taux butyreux à des apports croissants des premiers 6 nutriments [les lois concernant les autres acides gras ayant été données par (Chilliard et al 1993)] et de rappeler l’état des connaissances sur les mécanismes de régulation impliqués dans les effets de ces nutriments. La connaissance de ces lois de réponses est une première étape pour envisager la construction de recommandations alimentaires permet- tant de mieux maîtriser la production de matière grasse. 1 / Historique des théories avancées sur les nutriments jouant sur les variations importantes de taux buty- reux Les régimes à forte proportion de concentrés sont riches en glucides qui diminuent la proportion d’acide acé- tique et butyrique et augmentent la pro- portion de l’acide propionique dans le rumen et/ou celle du glucose dans l’in- testin grêle selon leur dégradabilité dans le rumen (Sauvant 1997). Ces nutriments ont été proposés comme étant à l’origine des chutes de taux butyreux. Historiquement, l’origine du «low-fat milk syndrome» a été attribuée vers les années 50 à la diminution de la production d’acides acétique et buty- rique dans le rumen, car ces acides ou leurs métabolites (β-hydroxybutyrate) sont nécessaires à la synthèse «de novo» des acides gras du lait. Mais dans leur revue, Davis et Brown (1970) ont montré que la chute de taux buty- reux observée avec les régimes riches en aliments concentrés n’était que par- tiellement compensée par l’apport exo- gène d’acide acétique ou butyrique. Un peu plus tard, l’augmentation de la pro- duction ruminale d’acide propionique a été proposée par McClymont et Wallance (1962) comme étant à l’origi- ne du «low-fat milk syndrome». Ce fut la «théorie insulino-glucogénique» basée sur le fait que l’acide propionique dans le rumen ou le glucose dans le duodénum augmente la sécrétion d’in- suline qui diminue la libération des aci- des gras longs du tissu adipeux. Bauman et Griinari concluent, dans leur revue de 2001, que l’augmentation de l’insulinémie (multipliée jusqu’à 4 fois) ne conduit qu’à des baisses modérées du taux butyreux. L’origine des chutes importantes de taux buty- reux avec les régimes riches en concen- trés a donc été recherchée ailleurs. Dans les années 1995-2000, l’origine des chutes de taux butyreux a donc plu- tôt été recherchée dans la production de trans C18:1 et plus particulièrement dans celle du trans10 C18:1 (Griinari et al 1998). Depuis les années 2000, l’at- tention s’est tournée vers d’autres pro- duits de la dégradation des acides gras polyinsaturés dans le rumen, les acides linoléiques conjugués ou CLA, et plus particulièrement sur le trans10, cis12 CLA (Bauman et Griinari 2003). 2 / Constitution des bases de données et analyses effectuées Tous ces nutriments provoquent des baisses plus ou moins marquées du taux butyreux, mais leur effet n’a jamais été quantifié et comparé sur une base com- mune. Pour ce faire, nous avons rassem- blé les essais de la littérature dans les- quels ces nutriments avaient été apportés de façon contrôlée sous forme de perfu- sions ruminales (acide acétique, buty- rique et propionique) ou postruminale (glucose, trans10 C18:1, trans10, cis12 CLA). Nous nous sommes limités à ce type d’essai de façon à quantifier le plus précisément possible les variations d’ap- port du uploads/Industriel/ effet-des-nutriments-energitique-sur-la-production-et-la-teneur-en-mg-du-lait-de-vache.pdf

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