83 Recherche et développement l’actualité chimique - juin-juillet-août 2013 - n
83 Recherche et développement l’actualité chimique - juin-juillet-août 2013 - n° 375-376 Les polymères biodégradables et biosourcés Des matériaux pour un futur durable Luc Avérous Résumé Les matériaux polymères biodégradables, et plus particulièrement ceux obtenus à partir de ressources renouvelables, présentent actuellement un attrait indiscutable dans le cadre du développement durable. Ils connaissent un fort développement (10 à 20 % par an) et cette croissance va se poursuivre dans le futur. Cependant, ils restent des matériaux « de niche », utilisés essentiellement dans certaines applications ciblées (emballage, agriculture, loisirs…), principalement à courte durée de vie, et ne sont donc pas totalement destinés à remplacer massivement les matières plastiques conventionnelles. Ces polymères biodégradables et biosourcés sont néanmoins très attractifs car ils ont des architectures macromoléculaires originales tout en proposant une nouvelle fin de vie, par exemple par compostage. Ce sont par ailleurs des matériaux à valeur ajoutée qui permettent de préserver l’équilibre et la pérennité des bioraffineries. Enfin, ils peuvent être considérés comme une réponse aux limitations des ressources pétrochimiques, tout en participant à la réduction des émissions de CO2. Mots-clés Polymère, biodégradable, biosourcé, amidon, poly(acide lactique), polyhydroxyalcanoate. Abstract Biodegradable and biobased polymers: materials for a durable future The biodegradable polymer materials, especially those obtained from renewable resources, are now an indisputable evidence for a sustainable future. This evolution is translated by a growth rate (around 10-20% per year) and their development will continue in the future. However, they are mainly used in some “niche” applications (packaging, agriculture, recreation...), essentially for short lifetimes, and then are not considered to fully replace conventional plastics. Biobased and biodegradable polymers are attractive because they have unique macromolecular architectures while providing a new end of life, for example by composting. In addition, these materials are added values that preserve the balance and sustainability of biorefineries. Finally, they may be a response to the limitations of petrochemical resources while contributing to the reduction of CO2 emissions. Keywords Polymer, biodegradable, biobased, starch, polylactic acid, polyhydroxyalkanoate. l est actuellement évident que l’utilisation de polymères ayant une longue durée de vie pour des applications de courte durée (emballage, restauration, chirurgie, hygiène...) n’est pas tout à fait adéquate. Ceci est d’autant plus peu justifié que la préoccupation de préserver les écosystèmes et l’envi- ronnement est de plus en plus forte parmi nos concitoyens. En effet, les polymères durables et non renouvelables sont une source importante de pollution lorsqu’ils sont « disper- sés » dans la nature. Les sacs plastiques par exemple sont bien connus pour affecter la vie sous-marine et constituent une source de pollution croissante. Par ailleurs, les matières plastiques conventionnelles affectent la gestion globale des déchets. Aussi les collectivités (municipalités, organismes régionaux ou nationaux) prennent de plus en plus conscience des économies importantes que permettraient des déchets maîtrisés et compostables, la valorisation clas- sique des déchets plastiques présentant en effet certains inconvénients. La valorisation énergétique génère certaines émissions toxiques (dioxine par exemple) lorsqu’elle est mal maîtrisée. Quant à la valorisation matière, elle implique cer- taines limitations liées aux difficultés de trouver des débou- chés économiquement viables ; elle peut créer en outre un bilan écologiquement négatif, qui se traduit sur l’analyse du cycle de vie (ACV) du matériau en raison de la nécessité, dans presque tous les cas, de laver les déchets des matières plastiques. À ceci est associée une consommation d’énergie importante liée aux processus de broyage et de retransfor- mation des matières plastiques. Par conséquent, le potentiel des polymères biodégra- dables, et plus particulièrement ceux obtenus à partir de ressources renouvelables, est utilisé depuis longtemps, notamment pour des applications à courte durée de vie [1]. Toutefois, même s’ils connaissent des taux de croissance importants de 10 à 20 % par an, ces polymères sont utilisés à ce jour uniquement dans certaines applications ciblées (emballage, agriculture, loisirs...) [2]. Si l’on considère, par exemple, l’ensemble des polymères biodégradables et/ou biosourcés, une étude de marché récente présentée par l’association European Bioplastics [3] montre que leur capacité de production mondiale n’était en 2011 que d’environ 1,2 million de tonnes (Mt), dont 0,5 Mt pour les polymères biodégradables. Ceci est à comparer à la consommation de matières plastiques de 265 Mt au niveau mondial, dont 67 Mt rien que pour l’Europe en 2010 selon I 84 Recherche et développement l’actualité chimique - juin-juillet-août 2013 - n° 375-376 Plastics-Europe [4]. Les études prospectives récentes, et notamment celle présentée par European Bioplastics, montrent que ces polymères en très forte croissance reste- ront des matériaux de niche pour les dix prochaines années et ne représenteront que quelques pourcents du marché global des matières plastiques. Ils ne sont donc pas envisa- gés pour remplacer totalement les matières plastiques conventionnelles. Les polymères biodégradables et biosourcés sont cependant une approche intéressante pour notamment : - développer des architectures macromoléculaires origi- nales, qui pour certaines seraient difficiles à obtenir par des voies chimiques conventionnelles ; - proposer une nouvelle fin de vie pour ces matériaux ; il est à noter que les matériaux compostables peuvent aussi être, par exemple, valorisés par recyclage classique ; - obtenir des produits souvent à forte valeur ajoutée, partici- pant à la viabilité et à la pérennité de certaines bioraffineries ; - répondre aux limitations de ressources pétrochimiques à venir, notamment surcertaines fractions qui deviennent rares. En effet, certaines ressources fossiles limitées (pétrole…) pourraient être partiellement remplacées par des sources plus écologiques, renouvelables et issues de ressources agricoles ou du milieu marin, tout en participant à la réduction des émissions de CO2. Dans ce panorama, les évolutions récentes autour des gisements et productions de gaz de schiste (principalement C1àC4)brouillent totalement unevision d’avenir quiétaitdéjà initialement complexe. Sans prendre en compte la probléma- tique de la gestion de la ressource hydrique, il est à noter que les ressources agricoles correspondantes peuvent entrer en compétition avec le domaine alimentaire. Il n’existe cepen- dant plus aucun projet industriel sur les matériaux biosourcés qui ne prenne pas en compte cette dernière problématique. De plus, il n’y a pas de réponses toutes faites à ces questions qui touchent plus particulièrement les ressources amidon- nière, protéique et oléagineuse, par exemple. En effet, les ressources lignocellulosiques (bois, paille…) sont générale- ment moins en compétition avec le domaine alimentaire, ceci d’autant plus qu’elles sont souvent des coproduits (déchets) de diverses industries bien établies. Seule une étude longue, approfondie et dialectique permet d’obtenir une vision éclai- rée sur cette problématique, et ceci cas par cas. Un certain nombre de termes utilisés dans cet article (biopolymère, biomacromolécule, biosourcé...) ont été récemment définis par l’IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry) et sont présentés dans un article de référence [5]. Concepts : biodégradabilité et renouvellement Biodégradabilité et compostabilité Il existe un certain nombre de normes, telles que la norme américaine ASTM D-5488-94d ou la norme européenne har- monisée EN 13432m, définissant des termes tels que biodé- gradable, compostable... qui sont largement utilisés, parfois mal, comme argument de promotion de matériaux dits « environnementaux ». La norme NF EN 13432:2000 énonce les exigences relatives aux emballages valorisables par compostage et biodégradation. Acceptée par décision de la Commission européenne (2001/524/CE) et publiée au Journal officiel des Communautés européennes, elle est une référence en Europe dans le domaine. Elle définit la valorisation par com- postage et biodégradation comme suit (selon que l’on se trouve en milieu aérobie ou anaérobie) : « sous l’action de micro-organismes en présence d’oxygène, décomposition d’un composé chimique organique en dioxyde de carbone, eau, et sels minéraux (minéralisation) avec apparition d’une nouvelle biomasse ; en l’absence d’oxygène, décomposition en dioxyde de carbone, méthane, sels minéraux et création d’une nouvelle biomasse. » Il est à noter que les matériaux et constituants d’embal- lages d’origine naturelle qui n’ont pas été modifiés par des méthodes chimiques, tels que les lignocellulosiques, ami- dons…, sont reconnus comme biodégradables sans avoir besoin d’être soumis aux essais prévus par la norme corres- pondante. Ils doivent cependant être caractérisés chimique- ment (identification des constituants, teneurs en métaux lourds, en carbone organique, en solides secs, en solides volatils…) et être conformes aux critères de désintégration et de qualité du compost, notamment en termes d’écotoxicité des résidus. La norme NF EN 13432 a servi de base à l’élaboration de lanorme NFU 52-001 « Matériaux biodégradables pourl’agri- culture et l’horticulture », qui a pris effet le 20 février 2005. Il existe d’autres normes pour les matériaux biodégradables ; certaines sont équivalentes, comme la EN 14046:2003 et l’ISO 14855:1999 qui traitent de la détermination de la biodé- gradabilité en compost. Une série de normes permet de définir les conditions d’essai de biodégradabilité suivant le médium utilisé, comme par exemple les normes EN ISO 14851:2004 (aqueux, système aérobie, mesure de l’oxygène consommé), 14852:2004 (aqueux, système aérobie, mesure du CO2 dégagé), 14853:2004 (aqueux, anaérobie), 17556:2004 (sol) et 14855:2005 (compost). Tous ces tests sont réalisés par comparaison avec un témoin. • Biodégradable : afin de qualifier un matériau d’emballage biodégradable, la norme EN 13432:2000 prévoit la réalisa- tion de tests : - Conditions : (i) tests réalisés dans un milieu défini (eau douce, eau salée, sol) ; (ii) uploads/Industriel/ les-polymeres-biodegradables-et-biosources-des-materiaux-pour-un-futur-durable.pdf
Documents similaires










-
28
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 20, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
- Taille du fichier 1.1143MB