LES CLUSTERS AU MAROC : VERS L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE POLITIQUE INDUSTRIELLE

LES CLUSTERS AU MAROC : VERS L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALE Rajae Amine L'Harmattan | « Marché et organisations » 2016/2 n° 26 | pages 93 à 120 ISSN 1953-6119 ISBN 9782343092515 DOI 10.3917/maorg.026.0093 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2016-2-page-93.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan. © L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) 93 LES CLUSTERS AU MAROC: VERS L’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALE Rajae AMINE Doctorante en Economie, Gestion et Société Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociales de Mohammedia Université Hassan II- Casablanca, Maroc rajae.a@gmail.com INTRODUCTION Depuis le début des années 70, la question autour de la forme d’organisation territoriale économique qui serait la plus pertinente a suscité de plus en plus l’intérêt des chercheurs (Raffestin (1986), Beccatini (1989), Lévesque, Klein & Fontan (1998), Lartigue, Largier, Soulard & Tarquis (2008)). L’intégration de la donnée géographique – l’espace – pour comprendre les phénomènes économiques est depuis incontournable (Caron, Angeon, & Lardon, 2006). Diverses formes d’agglomération d’entreprises, entre districts industriels (Marshall, 1890), systèmes productifs localisés (Garofoli, 1992), clusters (Porter, 1990) et pôles de compétitivité (Lartigue et al, 2008) offrent, sur une base territoriale, des réponses à la concurrence de plus en plus accrue grâce aux mécanismes de l’économie de marché mondiale. Grâce à la proximité géographique, ces différentes formes de pôles, permettent aux entreprises de développer des relations de coopération et de compétition, et de créer un écosystème favorable à l’échange, au transfert des connaissances, à l’innovation et à la production de valeur ajoutée au niveau local. Des success stories telles que les districts de chaussures italiens en Émilie-Romagne, Hollywood, la Silicon Valley en Californie, la Silicon Wadi à Tel-Aviv, Sophia Antipolis en France et les clusters High-tech en Inde, en Grande-Bretagne ou en Chine ont inspiré plusieurs régions et territoires de par le monde pour la création et le développent de pôles de compétences dans différents secteurs d’activité, et en ont fait un outil indispensable pour le développement territorial et l’appui à une économie basée sur la connaissance et l’innovation. Ainsi, les pays développés et ceux en voie de développement ont fait le pari des pôles et des agglomérations d’entreprises (Porter, 2004), sous leurs différentes © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) 94 formes. Ne faisant pas l’exception, le Maroc s’est investi dans le renforcement de la compétitivité territoriale, à travers des politiques volontaristes, économiques et industrielles, afin de permettre l’éclosion d’une industrie forte en valeur ajoutée et l’ancrage d’une logique d’innovation et de compétitivité territoriale. Dans ce contexte, la question est de savoir dans quelles mesures le Maroc a pu mettre en marche un redéploiement industriel basé sur une approche territoriale ? Et quelle forme d’agglomération reflète le mieux la cohérence des politiques industrielles menées avec les réalités économiques et sociales marocaines ? De nature exploratoire, cet article vise à approfondir la compréhension du phénomène d’agglomération d’entreprises au Maroc. L’objet de cette recherche est d’abord d’identifier la place des phénomènes de polarisation des compétences et leurs formes à travers les politiques industrielles marocaines, et puis de dresser une grille d’évaluation (matrice SWOT) de l’expérience marocaine des Clusters afin d’en déduire des essais de réponses à notre problématique. Pour ce faire, dans un premier temps nous avons effectué une exploration préliminaire de littérature grise (article de presse ; sites internet ; etc.) complétée par une littérature spécialisée (ouvrages ; rapports ministériels ; documents internes des Clusters, de MedZ, etc.). Par la suite, nous avons recueilli des informations par entretiens avec des responsables (Directeurs et chargés d’affaires de Clusters marocains et étrangers ; Responsable du service de développement des Clusters au ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie Numérique ; Responsable à la direction d’Industrie au sein du même ministère). En outre, la participation à des séminaires et ateliers sur le sujet, a permis de croiser les données et de nous orienter vers certaines pistes de recherches. Le présent article est organisé comme suit : une première partie donne un aperçu théorique sur différentes formes d’agglomération des entreprises, et sur le rôle des pôles de compétences dans le développement des territoires. Une seconde partie traite du développement des pôles de compétences au Maroc à travers les politiques publiques économiques et industrielles mises en œuvre depuis 1995 jusqu’aujourd’hui. L’article conclut par une synthèse de l’expérience marocaine résumée dans une matrice SWOT. © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) 95 1. LES CLUSTERS : VALORISATION DU TERRITOIRE DANS UNE ECONOMIE MONDIALISEE 1.1. L’évolution du phénomène de l’agglomération d’entreprises La théorie économique a présenté divers concepts d’agglomération d’entreprises, entre districts industriels, systèmes productifs localisés, clusters et pôles de compétitivité, mettant en avant des caractéristiques distinctes et des facteurs de succès et de performance différents. Ci- dessous, nous allons présenter les cadres d’analyse de chacun de ces types d’agglomérations d’entreprises. 1.1.1. Les agglomérations d’entreprises dédiées exclusivement à la croissance a) Le district industriel Il décrit un modèle de développement industriel qui a fleuri aux Etats Unis et en Europe entre les années 1970 et 1980, mais dont l’essor revient à l’expérience italienne. Il s’agit de « l’organisation industrielle de la Troisième Italie1 se caractérisant par une forte présence de PME ayant une faible capacité financière et une main-d’œuvre moins chère par rapport aux régions plus industrialisées d’Italie. […] Au contraire du principe d’intégration verticale, les PME ne participent qu’à certaines phases de production. Cela entraine l’introduction du couple coopération/compétition, un des caractères les plus spécifiques de ces districts industriels. » (Nguyen, 2009). C’est un concept qui trouve ses origines dans les travaux de Marshall (1890), ayant défini les districts industriels comme « des systèmes productifs, géographiquement définis, caractérisés par un grand nombre de petites et moyennes firmes qui sont respectivement impliquées dans les différentes étapes concourant à la production d’un produit homogène ». Il a démontré l’efficacité dont fait preuve une organisation industrielle basée sur un réseau de petites et moyennes entreprises, spécialisées dans un même domaine et liées par des relations marchandes ou non marchandes, du fait que « la concentration industrielle est une condition nécessaire à la réalisation de la division du travail, facteur principal de la loi de productivité croissante » (Courlet, 2001). Marshall (1890) a défini, toujours dans ses Principes de Politique Economique, le district industriel par trois caractéristiques : une main d’œuvre spécialisée, des industries complémentaires et un échange de connaissances permanent. Le développement et la circulation de la connaissance se faisant de manière spontanée, car tous vivants dans une « atmosphère industrielle ». Cette conception du district industriel a été confortée par les travaux de 1 Italie du nord-est et du Centre. © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) © L'Harmattan | Téléchargé le 09/01/2023 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 195.220.130.18) 96 Beccatini (1989), qui le présente comme « une entité socio-territoriale caractérisée par l’association active, dans une aire territoriale circonscrite et historiquement déterminée, d’une communauté de personnes et d’une population d’entreprises industrielles. Dans le district, à la différence de ce qui se produit dans d’autres milieux, par exemple la ville manufacturière, la communauté et les entreprises tendent, pour ainsi dire, à s’interpénétrer ». Beccatini (1989), dans sa définition, souligne les aspects caractérisant les districts industriels, à savoir : l’aspect de proximité géographique et l’aspect économique en plus de l’aspect social, qui ne figurait pas dans la définition de Marshall (1890). Les éléments clés d’un District se matérialisent dans : un mode de fonctionnement articulé autour du marché et des relations de coopérations et de relations non marchandes (échanges mutuels de services gratuits). Les districts industriels évoluent dans une atmosphère qui s'appuie aussi bien sur la proximité géographique que sur la spécialisation dans une même branche, constituant une « atmosphère industrielle » moins tangible que les institutions, mais tout aussi essentielle pour la coopération et l'innovation (Lévesque et al, 1998) : « Les secrets de l'industrie cessent d'être des secrets ; ils sont pour ainsi dire dans l'air, et les enfants apprennent inconsciemment [pour] beaucoup d'entre eux. On sait apprécier le travail bien fait ; on discute aussitôt uploads/Industriel/ maorg-026-0093.pdf

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