La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 21 1 Introduction DÉFIN
La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 21 1 Introduction DÉFINITION Pour commencer, il faudrait définir le terme amorphe. Amorphe veut dire sans forme. Cela fait référence à une observation visuelle. A l’échelle microscopique, l’état amorphe est celui de l’absence de cristallinité. Mais l’absence de cristallinité, n’a de sens que si on désigne la méthode qui a servi à la déterminer. Ce qui apparaît non-cristallisé aux rayons X peut se révéler cristallisé si le rayonnement utilisé a une longueur d’onde plus courte comme c’est le cas pour la diffraction des neutrons ou des électrons. Seulement, des micro-cristaux révélés à la diffraction des électrons sont instables et peuvent être considérés par l’utilisateur spécialiste de techno- logie alimentaire comme amorphes (voir figure 1). Amorphe n’est pas synonyme d’absence d’ordre. Il y a toujours un certain niveau d’organisation. Alors que l’état cristallisé pour une substance don- née est unique quelle que soit la méthode de cris- tallisation (froid, chaud…) il y a autant d’états amorphes que de méthodes pour obtenir cet état amorphe. L’information sur l’état cristallisé donne toujours la même structure cristalline, mais pour avoir une idée de l’état d’organisation du produit amorphe, il faut le recoupement de plusieurs tech- niques (calorimétrie, spectroscopies IR, Raman et RMN, sorption de vapeur d'eau…). OBTENTION Le sucre amorphe peut être obtenu par broyage à sec, refroidissement rapide du produit fondu (trem- Le sucre amorphe : structure, obtention et importance dans les produits alimentaires Mohamed MATHLOUTHI Laboratoire de Chimie Physique Industrielle, UFR Sciences, BP 347, F-51062 Reims Cedex CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉTAT AMORPHE • L'état amorphe n'est pas un quatrième état de la matière. • Suivant le mode de préparation de l'échantillon c'est soit un liquide sous- refroidi ou une solution sursaturée. • Amorphe veut dire sans forme (observation visuelle) • Amorphe = non cristallin (aux rayons X, par exemple) • Amorphe : se trouve dans un état thermodynamique hors équilibre • L'état cristallisé conduit à une structure unique quelque soit le mode de cristallisation. • L'état liquide correspond à un ordre à courte distance dans les conditions standard. • Pour l'état amorphe, à chaque mode de préparation de l'échantillon correspond une organisation moléculaire différente. Figure 1 : Caractéristiques de l’état amorphe. La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 22 pe), séchage instantané de la solution (atomisa- tion), cryoconcentration des solutions aqueuses et lyophilisation, évaporation et extrusion de solu- tions concentrées suivies de refroidissement (figure 2). une solution sursaturée appelée parfois solution concentrée amorphe. Les conditions thermodyna- miques de recristallisation sont remplies alors que la cinétique est tellement lente que le produit demeu- re presque indéfiniment dans un état métastable. Liquide sous refroidi, solution amorphe concentrée, et solide non organisé sont des états amorphes qui diffèrent par le degré d’humidité et le degré d’ordre de l’échantillon. A) SOLUTION AMORPHE CONCENTRÉE Ces solutions sont obtenues par cryoconcentra- tion ou par évaporation. Entre ces structures amorphes concentrées et la solution diluée, il existe une certaine continuité. L’analyse des interactions solvant-soluté en solution aqueuse de saccharose montre la prépondérance des interactions eau-eau (entre 0 et 22 % de saccharose) suivie d’une zone intermédiaire (22 - 45 % de sucre) et la prépondé- rance des interactions sucre-sucre au delà d'une concentration de deux tiers de la saturation. OBTENTION DU SUCRE AMORPHE • Broyage et poussières (au séchage) • Fusion et refroidissement • Concentration de la solution aqueuse • Séchage instantané (atomisation) • Lyophilisation • Extrusion STRUCTURE 1 Liquide sous-refroidi verre fondu et refroidi sucre broyé 2 Solution concentrée amorphe sucre atomisé sucre lyophilisé solution concentrée 1 + 2 = Sucre extrudé On peut décrire son état d’organisation par le terme vitreux ou caoutchouteux (rubbery) mais ce terme est impropre dans le cas du sucre. Car il n’y a aucune élasticité dans ce système. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’un état éloigné de l’équilibre, avec un temps de relaxation extrêmement long de sorte qu’il peut demeurer indéfiniment à l’état métastable. Sa structure est dérivée indirectement à partir de son comportement thermique ou de sa réactivité avec l’humidité relative de l’air qui l’en- toure, ou directement par des méthodes telles que la spectroscopie i.r. Son instabilité peut provoquer des défauts tels que le mottage, le collage ou la recristallisation. 2 Structure Suivant la méthode de préparation, le sucre amorphe peut être considéré comme un liquide sous-refroidi (sucre broyé, fondu et refroidi…) ou Figure 2 : Structures et méthodes d’obtention du sucre amorphe A B C Figure 3 : Représentation schématique des interactions eau-sucre : A- Solution diluée : seules les molécules d’eau ( < ) sont organisées ; B - Concentrations intermédiaires : organisation de l’eau et des molécules de sucre hydratées ; C - Solutions concentrées : début des interac- tions sucre-sucre. La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 23 Par ailleurs, plusieurs preuves expérimentales montrent le changement de structure du saccharo- se suivant la concentration (figure 3). En particulier la spectroscopie Raman montre un déplacement de la fréquence correspondant à la vibration COC (liai- son glycosidique) en fonction de la concentration (voir figure 4). s’il n’y a pas d’apparition de cristaux, il y formation d’essaims de molécules de saccharose et cet état s’appelle “prénucléation”. En congelant une solution de saccharose, on obtient une solution concentrée métastable dont la concentration n’est pas homogène et peut atteindre 80 %. On n’y observe ni nucléation, ni croissance de cristaux et les hydrates qui ont pu par- 375 370 365 360 355 350 345 0 20 40 60 80 (w/w) Saccharose cm-1 Déplacement defréquence (vibration C–O–C) en fonction de la concentration Nous en avions déduit (Mathlouthi, 1981), il y a quelques années que le saccharose était flexible autour de la liaison glycosidique et pouvait ne pas comporter de liaisons hydrogène intramoléculaires aux faibles concentrations (figure 5). Cette hypo- thèse intuitive a reçu l’appui de chercheurs comme Perez et al. (1993) et Hooft et al. (1993). L’état le plus désorganisé est celui de la solution diluée. Les interactions eau-sucre et eau-eau étant importantes, elles laissent peu de chance à l’établis- sement de liaisons intramoléculaires. Cet état est comparable au produit fondu et refroidi. C’est ce que l’on peut observer en spectroscopie i.r. à trans- formée de Fourier (Mathlouthi et al., 1986) (voir figure 6). L’augmentation de l’ordre en solution concentrée est nette d’après les spectres Ft-ir. Du reste, même Figure 4 : Déplacement des fréquences de la bande Raman correspondant à la déformation de l’angle δ ( C-O- C) de la liaison glycosidique en fonction de la concentra- tion en saccharose. O HO HO O CH2OH O HO CH2OHOH CH2OH OH 1 2 3 4 5 6 2' 3' 4' 5' 6' 1' O HO HO O CH2OH O HO CH2 OH C O H H H O H O H O HO HO O CH2OH O HO CH2 OH C O H H H O H O H Figure 5 : Formes possibles du saccharose en solution aqueuse : a/ Solution diluée (C < 22 %) pas de liaisons intramoléculaires ; b/ Concentrations intermédiaires (22 % < C < 45 %) une liaison H intramoléculaire) ; c/ Solutions concentrées (C > 45 %) deux liaisons intramoléculaires. a b c La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 24 fois être observés (Young et Jones 1949) sont pro- bablement des essaims de molécules hydratées ayant un degré d’ordre élevé mais de durée de vie très courte. tenir du saccharose à l’état amorphe solide. Quelle que soit la méthode, lyophilisation, atomisation ou fusion et refroidissement, la reproductibilité de l’état de l’organisation du sucre amorphe solide est pratiquement impossible à atteindre. Dans le cas de Figure 6 : Spectres FTIR du saccharose en solution aqueu- se à 22, 66 et 70 % et à l’état solide vitreux (V), lyophilisé (L) et cristallisé (C). A part la congélation, les solutions amorphes concentrées sont obtenues par ébullition. Si l’on refroidit rapidement, on obtient un verre. La pré- sence d’impuretés telles que la gélatine ou d’autres sucres permet d’augmenter la viscosité et d’élever la concentration jusqu’à atteindre des zones où la croissance des cristaux n’est plus possible. C’est le cas des bonbons cuits. Ce sujet sera bien sûr évoqué dans une autre conférence mais les produits de confiserie peuvent comporter des cristaux dont le nombre et la taille ont un effet sur la qualité du produit. C’est surtout la disponibilité de l’eau dans ces milieux solides non cristallisés qui semble être le paramètre critique. B) SUCRE AMORPHE OU ATOMISÉ Le Professeur Dedek disait : “le sucre ne demande qu’à cristalliser”. C’est pourquoi, il est difficile d’ob- Figure 7 : Diffractogrammes des rayons X du saccharose à l’état solide vitreux (V), lyophilisé (L) et cristallisé (C). La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 25 la lyophilisation, Carstensen et Van Scoik (1992) ont récemment obtenu une certaine reproductibilité avec des gouttes de solutions sucrées plongées dans l’azote liquide et lyophilisées. Ces gouttes sont amorphes “aux rayons X” avec une surface spéci- fique très élevée (3,9 m2/g). Nous avions il y a main- uploads/Industriel/ mat-03.pdf
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- Publié le Mar 21, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
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