UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et litt

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008 LA FÉMINISATION Les noms de fonctions dans l’HORECA BEUZART Emilie Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Peda-B-412-A) 2 Introduction Avant d’entrer dans l’analyse du sujet, une première question, d’ailleurs récurrente lorsque le syntagme « féminisation de » est évoqué, émerge : pourquoi féminiser ? S’en suit dès lors une seconde : est-ce nécessaire ? Répondre à ces interrogations relève d’un acte téméraire dans un débat où de nombreux enjeux sont présents. Si les uns, favorables à une féminisation partielle ou totale, parlent d’égalité des chances et d’égalité des sexes, les autres, plus réticents, opposent l’argument de la neutralité des dénominations de fonctions. Alors que quelques uns, progressistes, créent des néologismes curieux, ou non, certains, plus conservateurs, s’obstinent dans le maintient des anciennes terminologies. La problématique de la féminisation des noms de fonctions et de métiers n’est pas seulement liée à des règles de grammaire ; elle fait également intervenir la sociologie, avec la place des femmes dans le monde du travail, la phonétique, avec les impressions de lourdeurs sonores des féminins ainsi créés ou bien encore la linguistique qui doit s’occuper de la polysémie de certains termes. En effet, si les avis des grammairiens, bien qu’ils ne convergent pas toujours, peuvent résoudre les problèmes de la féminisation, c’est dans la prononciation du féminin que se déplace la difficulté. Et si, enfin, tout cela s’accorde, l’embarras surgit dans l’application concrète des nouveaux termes. Voilà un des principaux freins à la féminisation générale : les intervenants du débat sont nombreux et leurs buts ne concordent pas forcément. Pourtant, si les femmes, puisqu’il s’agit bien d’elles, occupent massivement des postes dont l’accès était initialement réservé aux hommes, il devrait s’en suivre une féminisation automatique du nom de la profession. Or les avis divergent. Dès lors il convient d’en donner un bref aperçu. Au premier plan, il y a les femmes, de fait. Celles-ci peuvent à l’occasion revendiquer un titre au masculin dans l’exercice de leur fonction, poste qu’elles occupent parfois après de longues études, dans le but d’être plus visibles et de prouver l’égalité de leurs compétences à celles des hommes. De plus, les titres au 3 féminin semblent générer une sorte de hiérarchisation aux yeux de certains. D’autres pensent, au contraire, que la féminisation des termes permettrait de mieux percevoir la place des femmes dans le monde du travail. Les soucis ne sont pas, comme dit précédemment, seulement sociologiques. Que faire des noms qui n’ont pas d’équivalent féminin (pensons à écrivain, auteur, ministre) ? Et de ceux qui, féminisés, désignent alors deux types de réalités (cafetière, saucière) ? Cependant quelques-uns uns estiment que c’est à l’usage de décider. Mais une évocation complète des multiples obstacles à la féminisation serait trop longue. En conclusion de cette brève introduction, il importe de préciser l’importance de la mise en relation et de la mise en parallèle de cette étude consacrée aux usages dans l’Horeca avec les nombreux acteurs de la féminisation. Il ne pourrait en découler qu’une meilleure perception des pratiques générales, des solutions proposées, et des vues des différents intervenants. 4 1. Les noms de fonctions dans l’Horeca Le présent travail ne traitera que de l’Horeca en Belgique francophone et prendra donc uniquement pour base les fonctions officielles de référence dans ce secteur et dans ce pays. 1.1. L’établissement de la liste des fonctions officielles Le 29 juin 1997, au terme de longues années de discussions et d’études sur le terrain1, la Commission paritaire de l’industrie hôtelière approuvait l’instauration d’une nouvelle classification des fonctions de l’Horeca – « Horeca » est l’acronyme utilisé pour désigner le secteur qui comprend l’hôtellerie, les restaurants, et les cafés. Les 26 membres effectifs de cette Commission étaient des représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs. Ils s’entendirent tous à l’époque pour clarifier la classification des 156 fonctions de référence afin de les hiérarchiser selon une pondération précise qui permettait ensuite de les insérer dans une échelle salariale. Ensuite, une fois l’arrêté royal approuvé et paru au Moniteur belge, la Commission publia un guide destiné aux employeurs. Celui-ci renseigne systématiquement l’organisation, l’objectif et les tâches principales de chaque fonction dont le nom est maintenant référencé explicitement. Ainsi, comme il est important que tous les agents du secteur respectent les mêmes codes, 1 L’étude des usages dans les différents restaurants, hôtels et cafés a été menée par la société d’expertise Berenschot Belgium. 5 le texte officiel de la C.P. 3022 stipule à l’article 3 du chapitre III « La liste exhaustive des fonctions de référence reprise en annexe mentionne les dénominations de fonction que les employeurs doivent utiliser. Il est interdit à l’employeur d’utiliser d’autres dénominations dans le contrat de travail et sur la fiche de rémunération […] »3. C’est précisément à partir de cet extrait que naît la réflexion du présent travail. En effet, le guide présenté aux employeurs propose un nom officiel pour chaque fonction et exclut toute utilisation de termes qui lui sont étrangers. Pourtant, après une étude de cette liste selon le prisme de la féminisation, il apparaît que la majorité des noms fonctions de l’Horeca ne sont pas féminisés. Or la même convention explique « Pour l’application de la présente convention collective de travail, il y a lieu d’entendre « travailleurs » les travailleurs masculins et féminins […] »4. Dès lors si ces fonctions peuvent être occupées par des hommes et par des femmes, pourquoi la Commission paritaire 302 n’a-t-elle pas établi une liste où chaque fonction masculine aurait un équivalent féminin ? Cette question ne reste pas sans réponse. Mais avant il importe de décrire l’ébauche de féminisation présente dans le guide. 1.2. Une féminisation douteuse Tous les noms de fonctions5 ne sont pas féminisés. De plus, ceux qui le sont ne respectent pas les codes en matière de référence, mais nous y reviendrons. Ce qui apparaît plus nettement et qui peut surprendre le lecteur c’est le caractère disparate de la mise au féminin dans cette liste. 2 La Commission paritaire de l’industrie hôtelière porte le numéro de commission 302. 3 Bruxelles, Commission paritaire l’industrie hôtelière, Classification des fonctions, chapitre III, article 3, Moniteur belge, 23 octobre 2007. 4 Bruxelles, Commission paritaire l’industrie hôtelière, Classification des fonctions, chapitre I, article 1, Moniteur belge, 23 octobre 2007. 5 Afin d’éviter une lecture lourde du texte, le terme « fonction » ne sera plus utilisé que dans le sens précis « fonction de référence officielle de l’Horeca ». 6 En effet, pour citer quelques exemples, nous relevons pâtissier(ère6) (p. 9) à côté de boucher (p. 10). Pourtant ces deux termes respectent la même règle grammaticale qui veut que le féminin s’obtienne par l’adjonction suffixale d’un - e. Mais alors que certains pourraient justifier la non-existence du féminin pour saucier (p. 22) (le féminin saucière renvoie au récipient utilisé pour servir la sauce), portier (p. 13) (la portière est effectivement la porte d’un véhicule) ou encore pour jardinier (p. 15) (le féminin jardinière est soit un plat composé de légumes coupés, soit un bac pour cultiver des fleurs) par l’argument de la polysémie, la liste propose plongeur(euse) (p. 21), rôtisseur(euse) (p. 21), caissier(ère) (p. 21), cuisinier(ère) (p. 21), veilleur(euse) de nuit (p. 23), termes qui peuvent tous renvoyer à plusieurs réalités. Quand la règle de l’utilisation du suffixe -esse pour arriver à une forme féminine est respectée pour la fonction hôte(esse) (p. 11), elle est ignorée pour le maître d’hôtel (p. 11). Cependant, il existe bel et bien le féminin maîtresse (Le Petit Larousse illustré, Paris, Larousse, 2000, s.v. maître, maîtresse, p. 617). Aurait-on eu peur d’une confusion de sens ? Le cas de gouvernante (p. 14) est encore plus surprenant. Cette fonction, réservée jadis à une femme, consistait en la garde et l’éducation à domicile d’enfants ou en la tenue de la maison et du soin d’une personne seule. Dans le cadre de l’Horeca, la gouvernante s’occupe de l’organisation et du planning quotidien des activités de nettoyage, et de la distribution du linge. Ce terme fait donc partie de ceux à partir desquels un masculin est formé. Seulement, comment se fait-il que le masculin de gouvernante (p. 14) soit gouverneur (p. 14) dans cette liste et non gouvernant ? 6 Nous avons pris le parti de ne jamais renseigner le déterminant qui devrait être joint au nom. En effet, ils sont absents du guide de référence et sont l’objet d’une règle particulière qui sera étudiée plus loin. De plus, tous les termes suivants écrits en italique sont tirés de : Bruxelles, Commission paritaire de l’industrie hôtelière, Guide de référence à la classification des fonctions de l’Horeca, 2002. 7 Notons également que si le barman (p. 11) est l’homologue masculin de la barmaid (p. 11), le nom de la fonction et la règle de la mise au féminin sont empruntés à l’anglais. Par contre, le front office manager (p. 15) ne devient pas, en vertu pourtant du même principe, la front office manageress. Tout uploads/Industriel/ noms-de-fonctions-horeca.pdf

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