Hygiène et sécurité du travail – n° 253 – décembre 2018 54 ÉTUDES & SOLUTIONS L
Hygiène et sécurité du travail – n° 253 – décembre 2018 54 ÉTUDES & SOLUTIONS L es premiers équipements de protection (chasse-pierre, racleur…) installés sur les transporteurs ou convoyeurs à bande (cf. figure 1) n’avaient pas pour fonction première de protéger les personnes. En effet, ils étaient plutôt destinés à éviter la dété- rioration du matériel, principalement la bande et les tambours, dont les pannes étaient pénalisantes pour la production et constituaient une source de coûts élevés. Face au nombre d’accidents et sur- tout devant leur extrême gravité, des mesures de protection des personnes ont été imposées par voie réglementaire dans certains secteurs d’acti- vité [1] et des recommandations de la Sécurité sociale ont été formulées [2]. Accidentologie sur les bandes transporteuses Les convoyeurs à bande sont utilisés dans de nom- breux secteurs d’activité et l’étude de la sinistralité 2 reflète cette diversité d’emploi. Sur l’année 2016, la Cnam a enregistré 218 acci- dents avec arrêt impliquant un convoyeur à bande dont 23 accidents graves. La répartition par Comité technique national (CTN) (cf. figure 2) montre que les principaux secteurs professionnels concernés sont les suivants : • Services, commerces et industries de l’alimentation (CTN D : 37 % des AT), • Activités de service II (CTN I : 24 % des AT) ; • Industrie des transports / eau / énergies (CTN C : 9 % des AT) ; • Industrie de la chimie / caoutchouc / plasturgie (CTN E : 9 % des AT) ; • Et le secteur des industries du bois / papier-car- tons / textile / carrières (CTN F : 8 % des AT). Notons que les chiffres des années 2014 et 2015, bien que légèrement supérieurs, étaient du même ordre de grandeur. Pour rappel, les activités de ser- vices II (CTN I) regroupent les travailleurs temporaires qui exercent dans les différents secteurs d’activité. On note l’importance de la sinistralité dans ce secteur ,ainsi que dans les services, commerces et industries de l’alimentation. L’analyse de la base de données nationale Epicea, qui rassemble les enquêtes des Carsat, menées suite à des accidents graves ou mortels survenus à des Les convoyeurs à bande 1, utilisés pour transporter des matériaux en vrac, présentent des angles rentrants, qui sont source de dangers. Ils sont à l’origine, encore aujourd’hui, d’accidents souvent très graves, voire mortels. Cet article a pour objectif de sensibiliser l’ensemble des intervenants, du concepteur à l’utilisateur, aux dangers générés par ces angles rentrants. Notes techniques LA PROTECTION DES ANGLES RENTRANTS SUR LES CONVOYEURS À BANDE ALAIN LE BRECH INRS, département Expertise et conseil technique ANTOINE CANCELLIER contrôleur de sécurité, Cramif FRÉDÉRIC DERRIEN coordinateur technique et pédagogique, Prevencem JOËL BILDGEN directeur des investissements Béton et granulats, Eqiom RENÉ BRUNONE gérant de Brunone Innovation JEAN TRAON consultant PHILIPPE BLIARD Directeur de région Grand Paris, Carrières du Boulonnais FIGURE 1. Description d’un transporteur ou convoyeur à bande. Hygiène et sécurité du travail – n° 253 – décembre 2018 55 salariés du régime général de la Sécurité sociale, per- met d’identifier les circonstances et les causes prin- cipales des accidents survenus sur des convoyeurs à bande. Entre 1990 et 2016, 125 accidents ont été répertoriés dans la base Epicea. Sur ces 125 acci- dents, 106 (soit 85 %) ont pour origine l’entraînement d’un membre entre la bande et une partie tournante (tambour ou rouleau) et 53 (soit 50 %) sont des acci- dents très graves ou mortels. La répartition par secteur d’activité (cf. figure 3) fait ressortir quatre domaines fortement touchés par ces accidents graves : les industries extractives (19 %), les installations de traitement de déchets ou de recyclage de matériaux (19 %), les industries agro-alimentaires (17 %) et les industries de la préfabrication (13 %). Par ailleurs, l’analyse des récits d’accidents montre que les plus graves surviennent, dans la très grande majorité des cas, lors des opérations de nettoyage du tambour ou des rouleaux, ou lors de travaux de réglage de la bande. Ces analyses sont confirmées par Prevencem, l’orga- nisme de prévention du secteur des industries extrac- tives. Ainsi, en carrière, 95 % des accidents 3 liés aux angles rentrants (cf. définition p. 57) surviennent lors des opérations de nettoyage, de centrage de la bande, ou de traitement de débordements sur les convoyeurs en fonctionnement. Les récits présentés dans l’encadré 1 reflètent la succession de faits qui se répètent à chaque accident lié aux angles rentrants. Contexte réglementaire et normatif Sur le plan réglementaire, les convoyeurs à bande sont des équipements de travail qui, en matière de conception, entrent dans le champ d’application de la directive européenne « Machines » n° 2006/42/CE, transposée dans le Code du travail, au travers des articles R. 4312-1 et suivants [3]. Sur le plan normatif, les convoyeurs à bande pour pro- duits en vrac sont couverts depuis octobre 2002 par la norme européenne harmonisée NF EN 620 + A1 [4]. La version actuelle de cette norme (NF EN 620 + A1: 2011) est en cours de révision. Selon l’architecture réglementaire en vigueur, les convoyeurs construits selon les dispositions de la norme NF EN 620 sont présumés conformes aux exigences de la directive Machines. En matière d’utilisation, les employeurs sont soumis aux dispositions du Code du travail et, en particulier, à celles faisant l’objet des articles R. 4321-1 et suivants [3] qui traitent de l’utilisation des équipements de travail et des moyens de pro- tection. Pour les industries extractives, des disposi- tions spécifiques s’appliquent à ce secteur d’activité : elles sont contenues dans le Règlement général des q RÉSUMÉ Les convoyeurs à bande, équipements utilisés dans de nombreux secteurs d'activités, présentent des angles rentrants, sources de dangers importants pour les opérateurs. Cet article, rédigé par un groupe de travail expert, propose, après une revue de détail des risques et un rappel des textes et normes en vigueur, un ensemble de préconisations pour la prévention des risques liés à la présence d'angles rentrants sur les convoyeurs à bande. Un tableau récapitulatif synthétise l'ensemble des mesures de prévention. Protection of re-entrant angles on belt conveyors Belt conveyors, equipment used in many sectors of activity, have re-entrant angles, which are a source of significant danger for operators. This article, written by an expert working group, proposes, after a detailed review of the risks and a reminder of the texts and standards in force, a set of recommendations for the prevention of risks related to the presence of re-entrant angles on the belt conveyors. A summary table summarizes all the preventive measures. (CTN D) Alimentation 37 % (CTN E) Chimie/caoutchouc 9 % (CTN C) Transports/ énergies 9 % (CTN A) Métallurgie 7 % (CTN F) Bois/papier/ carrières 8 % (CTN H) Activité de services 2 % (CTN G) Commerce non-alimentaire 2 % (CTN I) Activité de services II 24 % (CTN B) BTP 2 % FIGURE 2. Répartition des accidents de travail avec arrêt par CTN, en 2016. Hygiène et sécurité du travail – n° 253 – décembre 2018 56 ÉTUDES & SOLUTIONS industries extractives (RGIE) et dans les textes [1,2]. Rappel sur la démarche de prévention En se fondant sur la norme NF EN ISO 12100 [5], qui représente en quelque sorte la traduction normative de la directive « Machines », le fabricant doit, lors de la conception d’un équipement, appliquer les prin- cipes suivants dans l’ordre indiqué (méthode dite des « trois étapes ») : 1) Éliminer ou réduire les risques, dans la mesure du possible, dès la conception. Les mesures de pré- vention intrinsèque se distinguent par le fait qu’elles sont incluses dans les caractéristiques géométriques, physiques et mécaniques de l’équipement. 2) Prendre les mesures de protection nécessaires vis- à-vis des risques ne pouvant être éliminés à l’étape précédente, en tenant compte de l’utilisation normale et du mauvais usage raisonnablement prévisible. Les mesures qui peuvent être mises en œuvre sont les suivantes : a. mettre en place de moyens de protection tels que : protecteurs fixes, protecteurs mobiles, dispositifs de protection, dispositifs de maintien à distance ; b. si les moyens de protection précédents ne peuvent pas être mis en place, prévoir des mesures com- pensatoires telles que : vitesse lente, commande à action maintenue, etc. Ces mesures ne protègent pas directement d’un phénomène dangereux, mais elles permettent d’éviter le dommage ou d’en limi- ter la gravité ; c. mettre en œuvre, si nécessaire, des mesures com- plémentaires telles qu’arrêt d’urgence, moyens de consignation, dispositifs d’alerte, etc. 3) Informer les utilisateurs des risques résiduels dus à l’efficacité incomplète des mesures de protection adoptées, indiquer si une formation particulière est requise et signaler s’il est nécessaire de prévoir un équipement de protection individuelle. Les moyens de protection Le choix d’un moyen de protection pour une machine donnée doit être fondé sur l’appréciation des risques engendrés par cette machine. Pour rappel, il existe ENCADRÉ 1 QUELQUES RÉCITS D’ACCIDENTS • La victime, âgée de 50 ans, responsable d’exploitation de l’activité recyclage de déchets de BTP et formateur sécurité des nouveaux embauchés, faisait une tournée d’inspection de la chaîne de uploads/Industriel/ nt68-pdf.pdf
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- Publié le Oct 12, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
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