1 Pratiques collaboratives de mutualisation en univers frais : une analyse du c
1 Pratiques collaboratives de mutualisation en univers frais : une analyse du canal de distribution par la théorie des coûts de transaction Olivier Mevel Université de Brest/ICI - IUT de Brest Olivier.mevel@univ-brest.fr Thierry Morvan Université de Rennes 1/ICI - IUT de Saint Malo Thierry.morvan@univ-rennes1.fr Nélida Morvan Université de Rennes 1/I IUT de Saint Malo nelida.morvan@univ-rennes1.fr Résumé : En rapprochant l’émergence d’un puissant courant lié au phénomène de mutualisation logistique dans le canal de distribution à la théorie des coûts de transaction, cet article basé, sur une approche empirique du terrain, a pour but d’interpréter l’évolution des comportements de certains chargeurs, tout particulièrement dans la domaine des filières alimentaires, du point de vue de l’organisation et de la restructuration actuelle de leurs logistiques aval autour des nouvelles pratiques collaboratives de mutualisation des flux. Mots clés : Collaboration - Mutualisation logistique - Coûts de transaction - Prestataire de Services Logistiques - Relation Industrie/Commerce 2 INTRODUCTION Quelques mois après la disparition de Ronald Coase, il nous semble opportun de rendre hommage au brillant théoricien qu’il fût en rapprochant très directement la théorie des coûts de transaction (1984) de l’émergence d’un puissant phénomène de mutualisation des flux logistiques dans le canal de distribution (Livolsi et Camman, 2012, Pan et al., 2011, Hiesse, V., Paché, G. 2010). L’économiste de l’Université de Chicago, nobélisé1 en 1991 pour ses travaux liés à l’existence2 de l’entreprise, a constamment pointé du doigt l’un des grands trous noirs de l’économie néoclassique à savoir pourquoi des acteurs se réunissent- ils au sein d’entreprises afin de produire plus efficacement sous contrainte hiérarchique alors même que le marché demeure la forme ultime de l’organisation commerciale ? La question de recherche vise ici à repositionner le questionnement originel de Coase dans le canal de distribution du commerce de détail français dans le but d’interpréter l’évolution des comportements de certains chargeurs, tout particulièrement dans la domaine des filières alimentaires, du point de vue de l’organisation et de la restructuration actuelle de leurs logistiques aval autour des nouvelles pratiques collaboratives de mutualisation des flux (Camman et al., 2013, Senkel et al., 2013, Gozé-Bardin, 2009). En France, depuis l’application de la circulaire Fontanet3 (1961), les relations Industrie-Commerce se caractérisent par une très forte asymétrie informationnelle en faveur des distributeurs. Ce faisant, dans un tel contexte d’asymétrie de l’information, les négociations commerciales restent inlassablement dominées par les différents jeux de pouvoir mais aussi par l’opportunisme développé par les sept supers centrales d’achat de la grande distribution vis-à-vis de leurs fournisseurs (Colla, 2006). Sur le terrain et en réponse à une situation de négociation commerciale sous contrainte des GMS, certains industriels, définis à l’instar de Coase comme des agents autonomes devant discuter en permanence des volumes de prestations et des prix de marché dans le seul but d’optimiser leurs processus, renoncent aujourd’hui à négocier contractuellement avec les Prestataires de Services Logistiques (PSL) pour 1 Il obtient en 1991 le Prix de la Banque de Suède en Sciences Economiques « pour la découverte et la clarification de l'importance des coûts de transaction et des droits de propriété dans la structure institutionnelle et dans le fonctionnement de l'économie » 2 La nature de la firme, publiée en 1937 3 La circulaire du 31 mars 1960 relative à l'interdiction des pratiques commerciales restreignant la concurrence, dite « circulaire Fontanet » vient sanctionner le refus de vente mais aussi donner le vrai coup d’envoi à l’essor de la grande distribution en France. 3 agencer et sous-tendre leurs chemins logistiques autour de nouvelles relations inter-organisationnelles verticales avec les distributeurs et/ou horizontales avec d’autres industriels (Mével, et al., 2014). Plus précisément, en s’engageant dans un processus complexe de mutualisation, les industriels tendent actuellement de contourner le mur logistique (l’importance du coût logistique par rapport à la valeur du produit) dressé par les PSL (Mével et al., 2014) alors même que ces derniers n’ont prospéré, à partir des années 90, que par la seule volonté des industriels et des distributeurs de confier à un tiers une fonction transport qui leur semblait devenue une simple activité support de leur chaine de valeur respective (Fimbel, 2004 ; Lièvre et Tchernev, 2004). En effet, au travers du contexte économique de crise qui frappe les industries agro-alimentaires fraîches et ultra-fraîches en Europe depuis 2008 et des exigences actuelles des distributeurs en termes de logistique, le PSL a définitivement acquis, en France, une fonction normative, intégrative mais également organisationnelle nouvelle au cœur des relations Industrie-Commerce (Filser et al., 2012 ; Camman et Livolsi, 2007). Ce faisant, la réallocation des processus logistiques au profit des PSL a eu aussi pour corollaire de favoriser la revendication par ces derniers d’un nouveau partage de la valeur ajoutée plus orientée vers le service logistique. En menaçant très directement la rente ricardienne détenue par les distributeurs depuis l’application de la Loi Galland4, cette revendication pose néanmoins question aux différents maillons des filières alimentaires puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, pour les PSL de rejoindre industriels et distributeurs dans une relation triadique complexe (Mevel et al., 2013). Pour répondre à notre problématique dans un premier développement (1), nous présentons un état des lieux transactionnel de la logistique dans le canal (1.1) avant de confronter le concept de mutualisation à une analyse par la Théorie des Coûts de Transaction (1.2). Dans un second temps (2), nous avons souhaité mener une enquête empirique in vivo auprès d’un échantillon représentatif d’industriels des différentes filières des industries agroalimentaires bretonnes. Les aspects méthodologiques seront présentés en 4 Loi du 1er juillet 1996 qui a facilité l’explosion des marges arrière payées par les industriels au profit des enseignes de distribution. 4 premier lieu (2.1) avant de discuter des principaux résultats liés à l’étude empirique et d’analyser les implications managériales (2.2). I- La mutualisation des services logistiques au sein du canal de distribution Dans un premier temps, nous présentons un état des lieux de la situation transactionnelle de la logistique dans le canal (1.1) avant de conceptualiser la mutualisation au travers de la Théorie des Coûts de Transaction (1.2). 1.1. Un état des lieux de la situation transactionnelle de la logistique dans le canal de distribution En amont du canal, face aux exigences actuelles des distributeurs (circuits imposés, heures de livraison sur plateformes par métier, temps de réactivité de plus en plus court, etc.), les PSL sont désormais devenus les seules organisations en mesure de proposer une formule de services logistiques pertinente pour assurer, au coût le plus juste, la projection rapide des flux des industriels en quantité et en qualité (Tyan et al., 2003) vers les cinq principaux formats de magasins des enseignes de grande distribution : hypermarchés, supermarchés, proximité, hard-discount et drive (Mével et al., 2013). Cette situation est consubstantielle d’un puissant mouvement d’externalisation des activités logistiques des industriels vers les PSL qui, paradoxalement, commence sérieusement à poser problème aux chargeurs mais aussi aux distributeurs (Fulconis et al., 2011). En effet, c’est le prix auquel est facturée la relation de service désormais étendue à de multiples activités (transport, couche industrielle, système d’information) par le PSL qui paraît souvent excessive aux chargeurs (Mével et al, 2014), durement confrontés aux exigences de compétitivité du distributeur, lui-même soumis à une exigence en termes de leadership des coûts (Camman et Livolsi, 2007). En aval, la présence d’un consommateur recherchant constamment les prix les plus bas possibles tout en déplorant in fine les emplois perdus près de chez lui, incite le distributeur, contre toute logique économique, à bloquer ses marges à la vente en linéaires au profit de la construction d’importantes marges à l’achat réalisées pendant la phase de négociations commerciales et de référencement des industriels (Allain et Chambolle, 2003). Ce faisant, la pression sur les prix de cession des industriels est 5 intense et cette tension se transmet aux différentes filières, remontant depuis les distributeurs jusqu’aux producteurs en impactant la formation des prix agricoles mais aussi le mix- logistique des industriels (Samii, 2004). Aussi, face à la logique d’affrontement tarifaire qui prévaut, en France, depuis plus de cinquante ans, le PSL semble un coupable d’autant plus désigné que la radicalisation de la politique stratégique des distributeurs autour de la logique des seuls prix bas, implique l’impérieuse nécessité, pour les distributeurs, d’infléchir le coût logistique total des chargeurs (Hertz et Alfredsson, 2003). D’un point de vue transactionnel, la radicalisation du distributeur, vent debout contre les hausses tarifaires présentées par les chargeurs lors des négociations commerciales 2014, fait alors apparaitre une asymétrie5 majeure entre les besoins en prestations logistiques des industriels et les métiers développés aujourd’hui par le PSL. Confrontés aux exigences des centrales d’achat en termes d’ajustement à la baisse de la taille des lots livrés, de nombreux industriels6 se voient contraints de se positionner sur des flux inférieurs à 300 kg qui les situent systématiquement sur la partie la moins favorable des conditions générales de vente des PSL. Dorénavant confrontés à un double jeu de pouvoir imposé par les distributeurs et les PSL, les industriels s’engagent donc progressivement vers des pratiques verticales et horizontales plus collaboratives en termes de mutualisation des coûts logistiques dans l’espoir de uploads/Industriel/ re-fe-rence-4.pdf
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- Publié le Mar 04, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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