dmt N° 76 Documents pour le Médecin du Travail N° 111 3e trimestre 2007 399 TA
dmt N° 76 Documents pour le Médecin du Travail N° 111 3e trimestre 2007 399 TA 76 Urticaires de contact d’origine professionnelle f i c h e d ’ a l l e r g o l o g i e - d e r m a t o l o g i e p r o f e s s i o n n e l l e M. N. CRÉPY (*) (*) Consultation de pathologie professionnelle, Hôpital Cochin, Paris, et Hôpital Raymond Poincaré, Garches. L ’urticaire provient du mot latin urtica ou ortie. Elle se caractérise par des lésions, prurigineuses, érythémato- œdémateuses, d’apparition rapide après contact avec la substance responsable et dont la disparition survient en quelques heures après arrêt de ce contact laissant une peau normale. Parmi les dermatoses profession- nelles, les urticaires de contact sont moins fré- quentes que les eczémas mais probablement sous- estimées. Toute poussée aiguë d’urticaire impose de rechercher une cause déclenchante et tout particu- lièrement un contact professionnel. En résumé Parmi les dermatoses professionnelles, les urti- caires de contact sont moins fréquentes que les eczé- mas. Néanmoins, il est indispensable de les recher- cher à l’interrogatoire,en raison de leur gravité poten- tielle et du fait qu’un certain nombre de cas ne sont pas rapportés. Il est classique de distinguer deux mécanismes pour l’urticaire de contact : l’un immunologique et l’autre non immunologique. Les principales professions concernées sont celles de la santé, de l’alimentation, du secteur agricole ainsi que les vétérinaires,les personnels de laboratoire et les coiffeurs. Les protéines d’origine animale ou végétale sont les allergènes responsables.Les substances chimiques de bas poids moléculaire peuvent également être en cause. Le diagnostic étiologique est confirmé par des tests cutanés à lecture immédiate, essentiellement les prick-tests et parfois par la recherche d’IgE spé- cifiques. Le pronostic est conditionné par la possibilité d’ac- cidents anaphylactiques, menaçant le pronostic vital en cas de ré-exposition à l’agent responsable. La prévention est donc capitale. Elle nécessite l’éviction de tout contact avec le produit incriminé à la fois au poste de travail et dans l’environnement du patient. P H YS I O PAT H O L O G I E [1 à 4] La lésion d’urticaire est un œdème dermique provoqué par la diffusion du plasma à travers les vaisseaux san- guins vers le derme suite à l’activation des mastocytes cutanés. L’activation des mastocytes entraîne : - un relargage de médiateurs préformés dont l’hista- mine, facteur le plus important (qui par augmentation de la perméabilité vasculaire et vasodilatation provoque un recrutement du sérum dans le derme), ainsi qu’un relargage d’enzymes qui altèrent la membrane basale pro- voquant une hyperperméabilité capillaire ; - la synthèse de cytokines et chimiokines agissant sur le recrutement de leucocytes du sang dans le derme ; - et la synthèse de molécules à propriétés inflamma- toires (ou médiateurs néoformés), les leucotriènes et les prostaglandines. Les mécanismes d’activation des mastocytes diffèrent suivant qu’il s’agit d’une urticaire de contact immuno- logique ou non immunologique. Urticaire de contact immunologique [4] Il s’agit d’une hypersensibilité immédiate de type I dans la classification de Gells et Combs, IgE dépendante. Elle nécessite une sensibilisation préalable asympto- matique sur le plan clinique. Les protéines en sont les causes majoritaires. Il est actuellement bien établi que les protéines aller- gisantes peuvent pénétrer par voie cutanée. Elles ont sou- vent une activité enzymatique qui favorise le passage à travers l’épithélium [5]. Beaucoup plus rarement des substances chimiques de bas poids moléculaire sont en cause. Urticaire de contact non immunologique C’est la forme la plus fréquente. Elle survient sans sensibilisation immunologique antérieure et atteint de nombreux sujets exposés. Son mécanisme est mal Documents pour le Médecin du Travail N° 111 3e trimestre 2007 400 Récemment des cas ont été publiés d’urticaires de contact d’origine professionnelle dues à des chenilles processionnaires du pin [21]. Des cas trompeurs ont été décrits chez des coiffeurs dus à des hydrolysats de protéines animales comme la Crottein Q (Hydroxypropyl trimonium collagène hydro- lysé) présente dans des shampoings et des après-sham- poings [22]. Protéines d’origine végétale [14,23] L’exposition peut se faire lors du contact avec des plantes et dérivés de plantes, des bois ou des aliments (légumes, céréales et fruits). Un certain nombre de plantes et dérivés de plantes ont été incriminés : - les membres de la famille des Urticacées, dont la plus connue est la grande ortie (Urtica dioica), sont les plantes les plus souvent responsables d’urticaires de contact non immunologiques ; - des cas plus anecdotiques ont été rapportés avec la Camomille, les plantes de la famille des Compositae [24], le gerbera, les tulipes, le yucca [25] ; - parmi les dérivés de plantes, le latex est principale- ment en cause et exceptionnellement la colophane et la poudre d’amidon de maïs (de gants médicaux) ; - les principaux bois responsables d’urticaire de contact d’origine professionnelle sont l’obeche (Triplochiton scle- roxylon) utilisé notamment pour la fabrication de sau- nas dans les pays scandinaves, le mahogany (Shorea sp.), le bois de rose (Dalbergia latifolia) et le teck [26]. Parmi les aliments responsables d’urticaire de contact d’origine professionnelle peuvent être cités : - les légumes : ail, artichaut, asperge, carotte, céleri, chicorée, chou, ciboulette, concombre, cornichon, endive, haricot, laitue, moutarde, oignon, panais, persil, pomme de terre, tomate ; - les fruits : abricot, amande, banane, cacahuète, citron, fraise, graines de café, graines de sésame, graines de tournesol, kiwi, litchi, mangue, melon, noix, pêche, pomme, prune, orange ; - les céréales : les farines sont les principales causes d’ur- ticaire de contact chez les boulangers, surtout celle de blé mais aussi seigle, orge, avoine, maïs, sarrazin, riz ; - les épices : curry et paprika. Enzymes [11,14,27] Ce sont des protéines de diverses origines, bacté- rienne, pancréatique, moisissures ou issues des tech- niques génétiques et de la biologie moléculaire. Plus de 2 000 enzymes sont connues. Les boulangers représentent le groupe professionnel le plus exposé aux enzymes ; ces dernières sont égale- ment utilisées largement dans les détergents, dans l’in- dustrie alimentaire. connu ; il s’agit probablement de mécanismes d’activa- tion des mastocytes n’impliquant ni les anticorps ni les lymphocytes. Les réactions sont inhibées par les anti- inflammatoires non stéroïdiens et l’exposition aux ultra- violets mais pas par les antihistaminiques. Pour un certain nombre de substances, responsables d’urticaire de contact, le mécanisme est incertain. Tel est le cas pour les persulfates d’ammonium, des produits de décoloration chez les coiffeurs [6]. É T I O L O G I E S [7 à 13] Ce sont principalement les protéines d’origine ani- male ou végétale, et beaucoup plus rarement les sub- stances chimiques de bas poids moléculaire, qui sont à l’origine d’urticaires de contact professionnelles. Protéines d’origine animale [14 à 16] Différentes parties de l’animal vivant sont allergi- santes, surtout le pelage, la salive, le liquide amniotique mais aussi les plumes, la peau, le sang, les urines, les fèces, le placenta, etc. En Finlande le pelage de bovins repré- sente 45 % des causes d’urticaire de contact et/ou des dermatites de contact aux protéines d’origine profes- sionnelle. De nombreux animaux ont été incriminés. Chez le personnel de laboratoire, ce sont surtout les rats et les souris. D’autres animaux sont plus anecdotiques telle la drosophylle dans une observation personnelle chez une technicienne de laboratoire. L’urticaire de contact peut aussi apparaître après exposition à des produits d’origine animale notamment dans le secteur de l’alimentation : - viande (bœuf, poulet, porc, mouton) mais aussi peau (poulet) ou foie (veau, porc), sang et boyaux ; - produits laitiers tels que le lait ou les fromages ; - œuf (2 cas chez des confiseurs) ; - poisson (raie, hareng, aigle fin, morue…), crusta- cés et coquillages (crevettes, crabes, langoustes, huîtres…). Plusieurs cas décrits notamment chez des cui- siniers qui développaient de l’urticaire après contact cutané mais aussi après ingestion du produit de la mer responsable [17], - chair de grenouilles (cas décrits chez des éplu- cheuses de grenouille, [18]). Parfois les responsables sont des contaminants telles les moisissures présentes sur la viande (cas décrit pour le salami dont le contact a entraîné une urticaire chez un employé de fabrication de salami, [19]) ou des para- sites (anisakis simplex contaminant les poissons et res- ponsable d’urticaire de contact chez une employée mani- pulant des poissons surgelés, [20]). 107530 INT 399-410 14/09/07 10:57 Page 400 Documents pour le Médecin du Travail N° 111 3e trimestre 2007 401 - un cas d’urticaire de contact au MHHPA chez une ouvrière de l’industrie plastique [37], - un cas d’urticaire de contact à l’anhydride maléique en granulés chez un ouvrier en transvasant de grandes quantités [38]. D’autres constituants de matières plastiques ont été incriminés : durcisseurs de résines époxy de type poly- amines aliphatiques, le di(2-éthylhexyl)phthalate (DOP) des gants en polyéthylène [39], la résine phénolfor- maldéhyde et les acrylates de colles [40]. Dans les données statistiques finlandaises rapportées par Kanerva [31], le 2-éthylhexylacrylate a été incri- miné dans 5 cas d’urticaires de contact d’origine pro- fessionnelle. Colorants textiles [28,41,42] Les colorants réactifs sont incriminés lors de leur uploads/Industriel/ urticaires-de-contact-d-x27-origine-professionnelle-en-resume.pdf
Documents similaires
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 13, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2510MB