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HAL Id: hal-01872692 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01872692 Submitted on 12 Sep 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Béton : les mots et les choses Cédric Avenier To cite this version: Cédric Avenier. Béton : les mots et les choses. Sacré béton ! Fabrique et légende d’un matériau du futur, 2015. hal-01872692 (CH 1 – BETON DES ORIGINES – REFERENCE : AVENIER) Béton : les mots et les choses par Cédric Avenier Rien n’est immuable, ni la chose ni son nom. Aussi, étymologie et sémantique donnent-t-elle une image assez juste des choses resituées dans une histoire longue. Ciment n’est pas ciment, béton n’est pas béton, et mortier n’est que supposition. Cela résume la complexité du matériau et de son histoire loin d’être achevée. Aujourd’hui, le béton est un mélange de granulats, de sables, et d’un liant à caractère hydraulique (c’est-à-dire qui prend sous l’eau) comme la chaux ou le ciment, et d’eau. Le mortier est fait uniquement de sable et de chaux ou de ciment, sans granulats. Cela n’a pas toujours été le cas. Pour les Romains, qui ne connaissent que la chaux aérienne, très pure, adjuvantée de pouzzolane (note ?) à partir du 1er siècle après J.-C. (1) pour en faire une chaux hydraulique, le ciment, le caementum c’est le moellon, une pierre cassée non taillée, un déchet de carrière ou de brique, que l’on ajoute au mortier de chaux pour réaliser l’opus caementicium. Un appareil qui a permis de réaliser murs et voûtes en béton plein, dites voûtes concrètes. Par extension ou plutôt par glissement sémantique, par métonymie, le ciment a désigné peu à peu l’ensemble chaux et moellons, à partir de la Renaissance, puis le liant lui-même au XIXe siècle. De la même façon, le mot mortier viendrait de mortarium, récipient dans lequel on fait un mélange, puis le mélange de chaux, de sable et d’eau lui-même. Quant au terme béton, un mauvais agrégat médiéval d’origine vernaculaire, il remplace ciment lorsque ce dernier est classé parmi les liants hydrauliques, au début du XIXe siècle, puis devient incontournable une fois armé et maîtrisé au début du XXe siècle. À l’époque des constructions gothiques L’histoire de la construction n’ayant pas fait de progrès majeurs durant le Moyen âge, le mot ciment n’est peu ou pas employé. En revanche, le terme béton apparaît à l’époque des constructions gothiques, notamment dans le Roman de Troie de Bernard de Saint-Maure, écrit entre 1165 et 1170 – « de fort betun et ciment ». Vers 1250, le registre consulaire de Lyon mentionne des « bectons qui sont en la chastellenie de Miribel pour mectre es pilles du Pont du Rône »(2), et l'on trouve vers Genève, un dépôt de cailloux agglomérés où coule le Rhône, un lieu-dit Béton (3). En Savoie, on trouve aussi « betton » ou « betonnet », mais ailleurs, en Poitou et en Vendée, « bétin » signifie mauvaise terre ; dans le nord de la France il désigne des « gravats » voire des « immondices », en tout cas un matériau mélangé et de faible résistance. Littré avait fait dériver l'étymologie du latin bitumen, bitume (4), et lui préfère l'ancien français « bestonner », « bétorner »(5), qui signifie « tourner en tous sens, agiter », comme le maçon fait sa gâchée dans une auge, en rajoutant que le béton a traditionnellement mauvaise réputation. Mais Jean-Baptiste La Curne de Sainte-Palaye précise dans son Dictionnaire historique de l’ancien langage françois, à l’article « béton », que « bestourné » ou « bestorné » signifie bien renversé, tourné, agité, mais pour une personne, dans le sens de bouleversé. La Curne propose encore à Béton ou Betton le sens de « lait caillé », qu'il emprunte au dictionnaire de Monnet lisant dans les Contes de Cholières (6) : « Colostrum, le betton, c'est-à-dire premier laict d'une accouchée qui se fait dur et trouée comme une éponge » ; sens que l’on peut rapprocher des laits de chaux et de ciments, ciments de laitiers. Les liens entre la minéralogie et la médecine sont plus 2 clairs à la lecture des études scientifiques de Louis Vicat, qui essaie de comprendre l’hydraulicité des chaux en analysant comment les calculs, du calcaire, de la pierre, se forment dans le corps, en milieu humide et à l’abri de l’air. Durant le Siècle des Lumières, siècle des sciences par excellence, le populaire béton utilisé par les constructeurs ou maîtres maçons va faire l’objet de recherches par les « mécaniciens ». Quant au savant ciment, qui réapparaît à la Renaissance grâce à la traduction des ouvrages de Vitruve, il va plutôt être étudié par les « chimistes ». Mais aucune définition n’est encore établie, de même qu’aucune réalité scientifique tangible. En 1753, dans leur Encyclopédie, Diderot et D’Alembert écrivent encore à l’article « ciment » : « En terme d’architecture on entend particulièrement par ciment, une sorte de mortier liant qu’on emploie à unir ensemble des briques ou des pierres… Il y en a de deux sortes : le chaud et qui est le plus commun ; il est fait de résine, de cire, de brique broyée et de chaux bouillis ensemble. Il faut mettre au feu les briques qu’on veut cimenter et les appliquer toutes rouges l’une contre l’autre avec du ciment entre deux. On fait moins usage du ciment froid : il est composé de fromage, de lait, de chaux vive et de blanc d’œuf ». Au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, ciment est toujours employé comme équivalent de mortier ou béton, une poudre de brique (ou tuileau) à laquelle on ajoute des pierres. Bernard Forest de Bélidor, dans son Traité des fortifications de 1729, essaie de découvrir le rôle de la pouzzolane dans l’hydraulicité des chaux pour fabriquer un bon ciment (7). En 1824, on lit encore : « Les meilleurs ciments se préparent avec les morceaux cassés des briques et tuiles réfractaires bien cuites ; […] On fait aussi un excellent ciment avec les débris de cazettes à porcelaine ; mais comme ces matériaux sont fort durs et difficiles à écraser, les marchands de ciment y mêlent ordinairement les débris des briques et des tuiles tendres dites de pays ou de Paris ; ils préfèrent même employer ceux-ci seulement. Le ciment que l’on en obtient est de mauvaise qualité et c’est à tort que quelques constructeurs, recherchent, dans le ciment qu’ils achètent, la couleur rouge qui caractérise la plupart des briques, tuiles et poteries mal cuites » (8). Un ciment dur et résistant à l’eau En 1756, l’Anglais John Smeaton, en charge de l’édification du phare d’Eddystone, découvre que l’argile joue un rôle dans l’hydraulicité des chaux et renverse la théorie antique et vitruvienne, selon laquelle les bonnes chaux viennent des calcaires les plus purs. Il produit une chaux hydraulique sans pouzzolane. À sa suite, le vicaire anglican James Parker, découvre des galets aux bonnes propriétés sur les plages de l’île de Sheppey (Kent). Il en tire « un mortier ou ciment plus fort et plus dur que n’importe quel mortier ou ciment aujourd’hui préparé de manière artificielle ». Il fait breveter son « ciment de Parker » ou « ciment aquatique » (water cement) en 1796. Pour Parker, le ciment est encore du mortier ou béton, mais il s’associe à l’architecte du roi James Wyatt, puis enregistre sa découverte sous le nom commercial de « ciment romain » vers 1799. C’est alors que sa chaux – une chaux hydraulique à prise rapide, soit un ciment naturel à prise prompte, selon la terminologie actuelle – prend le nom de ciment. Le terme ciment romain a vite été dénoncé, mais il persista, car il fit la fortune des fabricants, laissant croire qu’un « secret des Romains » avait été percé. En 1800, le ciment devient un liant, une chaux hydraulique, un plâtre voire un mastic. Pour éviter les amalgames commerciaux et lutter contre les brevets, on appela parfois plâtre-ciment, le ciment naturel à prise rapide découvert à Boulogne par un Anglais en 1802. Les Anglais avaient aussi un plaster cement. Le ciment romain est bien le premier liant moderne à porter le nom de ciment avec l’acception actuelle. Victime de son succès, il va bientôt renvoyer à une quantité de 3 produits d’autant plus différents qu’ils proviennent de carrières diverses. Debauve utilisait comme équivalents au terme « ciment romain » ceux de ciment à prise rapide et de ciment prompt de Vassy (9). Émile Candlot employait les termes de ciment romain, ciment naturel à prise rapide, et ciment prompt (10). Ce ciment étant naturel, produit avec une gangue ayant naturellement uploads/Ingenierie_Lourd/ 1a-textebeton-avenier1.pdf
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- Publié le Mai 05, 2021
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