revue technique des entreprises de travaux publics n° 891 octobre 2012 Patrimoi
revue technique des entreprises de travaux publics n° 891 octobre 2012 Patrimoine & rehabilitation. Chateau de Versailles. INNOVA- TION ET SAVOIR-FAIRE AU SERVICE D’UN GRAND CRU MeDOCAIN. Le Louxor : renaissance d’un cinema. Adapter la technique de la paroi moulee a la preservation du Patrimoine. Reha- bilitation des digues fluviales ET maritimes. Les entre- pots Macdonald. renforcement et elargissement du Pont National sur la Seine. La deuxieme vie des ponts d’Edea Coupole de la chapelle du lycée Hoche à Versailles © 2BDM Architecture & Patrimoine OCTOBRE 2012 Travaux n° 891 1 editorial revue technique des entreprises de travaux publics n° 891 OCTOBRE 2012 Frédéric DIDIER Architecte en Chef des Monuments Historiques E n ces temps de crise, où sonne pour la puissance publique l’heure de choix parfois douloureux, la question incontour- nable à se poser est celle du nécessaire et du superflu. Disons-le crûment, dans quelle catégorie ranger le patri- moine ? Serait-ce, comme le laissait entendre un récent article publié dans le Monde, une vieille lune synonyme de repli et d’im- mobilisme, bridant la création et l’inventivité, aussi coûteuse qu’inutile ? Même s’il peut paraître oiseux de rouvrir un débat que l’on croyait clos depuis quelques décennies, tant le vent de l’histoire semblait avoir balayé ces réticences, il n’est pas mauvais de revenir aux fondamentaux pour avoir les idées claires. Tout d’abord, inutile de réveiller une querelle stérile des anciens et des modernes : ces derniers ont gagné, il suffit de comparer les masses en jeu. Que pèsent les 44 000 monuments protégés en France, les quelques milliers de sites répertoriés ou la petite cen- taine de secteurs sauvegardés face à l’urbanisme conquérant des villes en perpétuel mouvement ? Le rapport est d’un à cent, et le débat n’a pas lieu d’être. Que les tenants inconditionnels de la modernité se rassurent, les espaces de création sont encore immenses, et sont loin d’avoir atteint leurs limites, même s’il y a des garde-fous à cette liberté. Pour être dans l’air du temps, examinons maintenant le patrimoine sous deux angles : le « développement durable » et l’économie. Nul ne peut nier que le patrimoine s’inscrit par essence dans la durée, dans la mesure où sa survie à travers les années ou les siècles est déjà le fruit d’une sélection. Ses modes de construc- tions, qui font appel, avant l’ère industrielle, à l’exploitation des ressources locales dans un circuit court, anticipent largement nos réflexions actuelles, tandis qu’ils sont mis en œuvre dans un évi- dent souci de transmission intergénérationnelle, et non dans une optique consumériste. Parallèlement, ce patrimoine est vecteur d’utilité sociale : les maisons sont toujours habitées, les édifices publics ont pu varier dans leur vocation, mais rares sont ceux qui ne trouvent pas d’usage, et il ne saurait être question de transfor- mer en musée chaque monument. Plus prosaïquement, dans une société qui affiche sa vertu en triant ses poubelles, le premier réflexe doit être d’éviter de les remplir inutilement : commençons simplement à regarder nos besoins collectifs ou individuels d’un côté, le parc immobilier disponible de l’autre, parmi lequel le bâti ancien, sans les opposer mais en faisant l’effort intellectuel d’une dialectique ouverte entre l’existant et le programme : sans s’interdire de créer, nous éviterons bien des ruines conduisant à des démolitions aussi stupides que dispen- dieuses. L’économie du patrimoine est à la fois directe, à travers les emplois et les compétences attachées à sa pérennisation, et indirecte, à travers le tourisme qui s’attache aux lieux patrimoniaux, mais aussi, et cela est rarement analysé, à travers l’attractivité globale d’un territoire, fixant une population sédentaire. Les métiers de la restauration, qui sont avant tout ceux du bâtiment mais vont jusqu’aux métiers d’art, ont pour point commun de constituer des prestations à forte densité de main d’œuvre, au point que les études menées sur ce sujet font ressortir un rapport qui est pratiquement d’un à trois par rapport au BTP moderne. En ces temps où l’emploi est une priorité nationale, nous avons un gise- ment qui mérite que l’on s’y attache, d’autant plus que celui-ci est par essence non délocalisable ! Quant aux retombées annexes, imagine-t-on que notre pays, en voie de désindustrialisation, puisse se passer des ressources que lui procurent son statut de première destination touristique euro- péenne, voire mondiale ? Nous bénéficions certes de paysages naturels, de côtes et de montagnes attractives, mais comment serions-nous considérés sans Le Louvre, Versailles, le Mont-Saint- Michel ou les châteaux de la Loire, pour ne citer que les « stars » ? Que serait la Bretagne sans ses chapelles gothiques, la Bourgogne ou le Roussillon sans leurs églises romanes ? Méfions-nous à ce propos que notre statut de vedette ne nous fasse oublier qu’il doit se mériter et nous crée des obligations. Il n’est que de voyager en Europe par exemple pour mesurer la concurrence, qui doit être comprise comme une saine émulation. J’étais cet été en Croatie, visitant Split et Dubrovnik où j’étais loin d’être seul, et c’est tant mieux lorsqu’il s’agit de partager la beauté : le patrimoine a fait ici l’objet de soins si attentifs que l’on oublierait que le pays étant en guerre il y a encore un peu plus de quinze ans, et que Dubrovnik assiégé était en feu, il y a à peine 20 ans... Qui peut nier qu’en restaurant son patrimoine, le pays a fait un choix stratégique qui porte des fruits, tant sur le plan éco- nomique que sur le plan du « vivre ensemble ». Car c’est une dimension que l’on oublie, celle des villes ou des bourgs qui pré- servent leur patrimoine en tant qu’attractivité pour leur population. Ainsi Versailles, qui n’est guère une ville touristique si l’on excepte le château, est une ville où il fait bon vivre et qui ne cesse d’attirer une population sans cesse renouvelée, séduite par une qualité évidente de l’espace, une intelligence de l’urbanisme à l’échelle humaine. Enfin, parmi les valeurs attachées au patrimoine, la plus intime est certainement l’humanisme. Chaque création, chaque lieu qui nous a été légué par l’histoire témoigne avant tout de l’intelligence et de la fertilité de l’esprit humain, aussi bien dans sa quotidienneté, exprimée par l’humble lavoir de campagne, que dans le dépasse- ment de soi illustré par les grandes cathédrales ou les palais les plus démesurés. On y trouve à la fois le geste de l’artisan que le souffle de l’esprit des plus grands créateurs, mais c’est bien l’hu- main qui nous y côtoie et nous émeut. Et puis, nous touchons aussi à l’un des vieux mythes de l’humanité, ce désir d’être les maîtres du temps, de parvenir, par un don d’ubiquité, à être à la fois soi- même au XXI e siècle, et ailleurs, l’espace d’un instant. Que l’on se projette en anticipation ou dans le passé, c’est en définitive cette part du rêve qui nous aide à vivre le présent en l’enrichissant d’autres expériences vécues, sans tomber dans une vaine nostalgie. Voilà pourquoi, que l’on se place du côté du cœur ou de la raison, la patrimoine est plus que jamais nécessaire et doit être considéré comme un atout, un compagnon de route qui ne saurait être laissé au bord du chemin. Liste des annonceurs : ARCADIS, 2e de couverture - PRO BTP, P.19 - SMA BTP, P.39 - STRRES, P.45 - SOLETANCHE BACHY, 3e de couverture - MATIERE, 4e de couverture Photo couverture : Coupole de la chapelle du lycée Hoche à Versailles. Chef d’œuvre de l’architecture de la fin du XVIII e siècle, la chapelle du couvent de la Reine, construite entre 1770 et 1774 sous la direction de Richard Mique, architecte de Marie Leszczynska, a été restaurée entre 2008 et 2011 sous la direction de Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments Historiques. Directeur de la publication Patrick Bernasconi Directeur délégué Rédacteur en chef Michel Morgenthaler 3, rue de Berri - 75008 Paris Tél. : +33 (0)1 44 13 31 03 Email : morgenthalerm@fntp.fr Comité de rédaction Laurent Boutillon (Vinci Construction Grands Projets), Jean-Bernard Datry (Setec TPI), Stéphane Monleau (Solétanche Bachy), Louis Marracci (Bouygues), Jacques Robert (Arcadis ESG), Anne-Sophie Royer (Vinci Construction Grands Projets), Claude Servant (Eiffage TP), Philippe Vion (Systra), Jean-Marc Tanis (Egis), Michel Duviard (Egis), Florent Imberty (Razel), Michel Morgenthaler (FNTP) Ont collaboré à ce numéro Rédaction Monique Trancart, Marc Montagnon Service Abonnement et Vente Com et Com Service Abonnement TRAVAUX Bât. Copernic - 20 av. Édouard Herriot 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : +33 (0)1 40 94 22 22 Fax : +33 (0)1 40 94 22 32 Email : revue-travaux@cometcom.fr France (10 numéros) : 190 € TTC International (10 numéros) : 240 € Enseignants (10 numéros) : 75 € Étudiants (10 numéros) : 50 € Prix du numéro : 25 € (+ frais de port) Multi-abonnement : prix dégressifs (nous consulter) Publicité Emmanuelle Hammaoui 9, rue de Berri 75008 Paris Tél. : +33 (0)1 44 13 31 41 Email : ehammaoui@fntp.fr Site internet : www.revue-travaux.com Réalisation et impression Com’1 évidence Immeuble Louis Vuitton 101, avenue des Champs-Élysées 75008 PARIS Tél. : +33 (0)1 uploads/Ingenierie_Lourd/ 891-patrimoine-et-rehabilitation.pdf
Documents similaires










-
30
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 27, 2022
- Catégorie Heavy Engineering/...
- Langue French
- Taille du fichier 5.3174MB