LA FORME ET LE FLUX Figures urbaines et architecturales de la mobilité Serge Wa
LA FORME ET LE FLUX Figures urbaines et architecturales de la mobilité Serge Wachter Septembre 2002 La forme et le flux Figures urbaines et architecturales de la mobilité Sommaire Introduction : La forme et le flux : Ambiguïtés et contradictions urbaines de la mobilité 1 – Naissance des réseaux modernes : les circulations et les formes urbaines - La ville linéaire - Morphologie urbaine et viabilité universelle - Voirie et forme urbaine : le modèle haussmannien 2 – La densité, pour ou contre la ville ? - La vitesse et la densité - La ville disparaît 3 – La ville mobile, entre mégastructures et architecture proliférante - Utopies futuristes, flexibilités urbaines - Nappes et trames proliférantes 4 – La forme urbaine de la ville durable, enjeux et controverses - Le chaos et la ville - Le retour de l’ilôt et l’architecture urbaine - Décadences et grandeurs de la voirie urbaine Introduction : Ambiguïtés et contradictions urbaines de la mobilité On insiste beaucoup aujourd’hui sur les effets négatifs et indésirables qu’ont souvent produit les infrastructures routières sur les villes, les territoires et les paysages. On déclare que les routes, et encore plus les autoroutes ont été un instrument de déménagement du territoire. Dans les tissus urbains, en particulier dans les périphéries, la logique routière a produit des ravages, effets de coupure, ségrégation fonctionnelle et sociale, pollution de l’air, bruits et tutti quanti. A l’origine, pourtant, la route et les flux qu’elle véhicule ont été vus comme la condition d’une ville ouverte, apte aux échanges, aux brassages et à la démocratie. La route était un moyen de liberté et d’émancipation (1). On oublie sans doute « qu’une ville naît dans un endroit donné, mais c’est la route qui la maintient en vie. Associer le destin de la ville aux voies de communication est donc une règle méthodologique fondamentale »(2). Une telle recommandation est riche d’enseignements et elle pourrait donner lieu à de multiples développements et réflexions sur les rapports qu’ont entretenu les réseaux de communication et la forme urbaine ou la morphologie urbaine au fil du temps. Les relations entre les flux et la forme des villes ont évolué et il est difficile de dire lequel des deux termes de ce couple, en premier, a été à l’origine du mouvement. Ce point n’a pas vraiment besoin d’être tranché car on peut rappeler que parfois la ville a créé les routes et les flux qui s’ajustaient à ses besoins. Mais d’autre fois, dans certains lieux et certaines situations, les flux et les trafics ont submergé la ville, ou du moins certaines de ses parties, en créant des nuisances et des effets de congestion. Des points d’équilibre ont parfois été trouvés et des relations correctes ou harmonieuses ont pu s’instaurer entre l’impératif des circulations et la cohérence des tissus urbains. Mais des contradictions et des conflits n’ont pas manqué, où on a considéré que les trafics motorisés et leurs supports physiques que sont les réseaux de voirie ont dévasté la ville. Sous cet angle, un aspect important de l’histoire de l’œuvre urbaine s’éclaire quand on observe la dynamique des rapports qu’ont entretenu, au fil du temps, les flux et les formes urbaines. Pour n’évoquer qu’une période récente, on est passé en moins de vingt ans, d’une vision où les circulations motorisées et les routes tenaient un rôle hégémonique dans la ville à une autre représentation où il est nécessaire de restituer aux voies une valeur d’urbanité, c’est à dire de permettre une mixité des usages, de promouvoir le transport collectif et de mettre en valeur l’espace public. La légitimité montante de la ville durable assigne une place et un rôle différent aux réseaux de voirie dans la ville et elle invite à pacifier les flux pour atteindre à une morphologie urbaine réputée compatible avec l’élévation du bien-être urbain. Actuellement, de nouvelles représentations sociales de l’urbanité sont en plein essor qui entendent réexaminer les rapports des infrastructures aux territoires. Cette remise en cause est importante car elle entraîne la révision d’autres enjeux concomitants comme la place de la voiture dans la ville ou le rôle des déplacements dans la formation de la métropole contemporaine. La perception ou la représentation de la ville constituant une globalité, elle a aussi des incidences sur les jugements portés sur l’architecture, ou plus exactement sur les typologies architecturales, comme disent les spécialistes, qui semblent compatibles ou non avec la promotion d’une ville durable. Sous ce rapport, l’échelle de la ville est concernée comme celle du quartier, mais cela implique également l’échelle de l’édifice. Cet enjeu interroge directement le rôle du projet architectural, dans ses dimensions fonctionnelles mais (1)Cf R. Debray, « Rhapsodie pour la route », in Qu’est-ce qu’une route ? Les cahiers de médiologie, 2, pp 5-17, Gallimard 1996 (2) Marcel Poète, cité par Aldo Rossi, L’architecture de la ville, p 46, In folio, collection Archigraphy, 2001 aussi formelles et esthétiques, dans la contribution qu’il peut apporter au développement d’une ville où les modes de déplacement « doux » sont appelés à prospérer au détriment de l’usage de l’automobile. L’objet de ce texte est de réaliser un tour d’horizon historique des manières dont l’urbanisme et l’architecture ont pensé et plus ou moins formalisé, dans le discours et dans les pratiques, la mobilité ou les déplacements. Ce thème concerne, en particulier, la manière dont la question des infrastructures et du transport a été intégrée dans le corpus examiné. Les flux, les circulations, la ville et l’architecture entretiennent des relations et celles-ci ont eu des expressions diverses selon les lieux et les périodes. Pour ce préliminaire, quelques précisions sont nécessaires afin de mieux circonscrire ce que recouvrent les vocables de mobilité, de mouvement, de déplacement. Même si ces notions ou ces concepts on revêtu des significations diverses selon les étapes du développement urbain et des évolutions technologiques, on peut dire que la vie collective urbaine implique nécessairement le mouvement, le déplacement, et cela a été intégré avec plus ou moins d’ampleur ou d’influence dans les conceptions et réalisations urbaines et architecturales. De fait, la mobilité a existé de tout temps, à partir du moment ou des voies ont desservi des parcelles bâties, ou appelées à être bâties, et ce à des échelles plus ou moins vastes, hameaux, villages, bourgs, villes ou métropoles. Le déplacement est lié au chemin, à la voie ou à la route. Ces éléments sont les substrats matériels, et on peut dire conditionnels de la mobilité. La voie est un parcours, elle suit un tracé et elle dessert, mais elle est aussi généralement le support de l’édification. Cette donnée revêt une valeur quasi-universelle, elle est constitutive de la ville. Une telle propriété fondamentale est relevée par P. Panerai et D. Mangin, pour qui « le tissu urbain procède de l’imbrication de deux logiques : celle du découpage du sol en lots à bâtir et celle des tracés de la voirie qui les dessert »(1). En d’autres termes, on peut dire encore, en suivant la pensée des mêmes auteurs, que « la rue et le découpage parcellaire qui s’instaure de part et d’autre forment la base de l’édification de la ville »(2). De fait, cette structure et ce maillage des voies forment la permanence essentielle de la ville car « si le paysage urbain évolue et paraît chaque fois différent, le squelette de la ville demeure la rue » (3). Les aspects des problèmes qui nous intéressent, dans le cadre de cette approche, concernent les relations entre les réseaux de transport et les déplacements, la morphologie urbaine et l’architecture. Pour notre perspective, les mots mobilité ou déplacement désignent deux types de réalités. D’abord, cela renvoie aux circulations de véhicules motorisés d’une part, aux déplacements des piétons de l’autre, et à la façon dont ces flux ont été pensés en relation avec les réseaux de voirie. Ainsi, une rupture importante s’est produite quand a été conceptualisée et réalisée la séparation entre les flux des piétons et les circulations motorisées. Cela a produit de vastes conséquences sur les formes urbaines et architecturales. La rue a été bannie ainsi que sa fonction de desserte des immeubles et d’interface entre l’espace public et l’espace privé. Parallèlement, les dalles ont été vues comme des solutions pour sécuriser les déplacements des piétons et comme de nouveaux modèles d’urbanité. De même, la vogue actuelle des boulevards urbains marque un changement de registre par rapport à la vision des pénétrantes dont le rôle était de faire transiter un trafic important de véhicules à l’intérieur même du tissu urbain. Comme la précédente, cette évolution reflète aussi une autre conception des liens entre (1)P. Panerai, D. Mangin, Projet urbain, p 83, Editions Parenthèses, 1999. (2) P. Panerai, D. Mangin, « Les tracés urbains communs », in Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 32, octobre 1986, p 16, Dunod. (3) X. Malverti, « La rue, éléments pour une histoire technique », in X. Malverti, A. Picard, La fabrication des villes, p 96, Picard 1995 la voie et la ville et une autre approche de la fonction des circulations et uploads/Ingenierie_Lourd/ architecture-de-la-mobilite.pdf
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- Publié le Oct 30, 2022
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