28 Étant donné le cycle de la plupart d'entre elles, l'automne est propice à la
28 Étant donné le cycle de la plupart d'entre elles, l'automne est propice à la découverte des fougères. Voici un aperçu de ce monde méconnu bien qu’il participe grandement à l’enchantement des promenades en sous-bois. Pourquoi parler de fougères et de plantes alliées ? L’ensemble des plantes considérées ici constitue les ptéridophytes. Quoi qu'il comprenne des végétaux aussi diversifiés que les prêles, les lycopodes, les sélaginelles et divers groupes fossiles aujourd’hui disparus, il doit son nom à la forme très découpée des feuilles de nombreuses fougères évoquant plus ou moins une plume voire une aile. En effet, les mots ptéron et phyton du Grec ancien signifient à la fois la plume et l’aile, pour le premier, et la plante pour le second, tandis que ptéris désignait déjà une fougère dans cette langue qui contribue pour beaucoup à la formation des mots de la botanique et contrairement à ce que laisse entendre la notion de nom latin. Fougères et plantes alliées : les ptéridophytes PAR JEAN-PIERRE VIGOUROUX Le terme ptéridophytes désigne les fougères au sens strict et divers autres groupes végétaux qui en sont évolutivement proches (plantes dites alliées). Dans ce qui suit, l’expression fougères sensu lato (s.l.) sera employée comme synonyme de ptéridophytes tandis que fougères sensu stricto (s.s.) désignera… les « vraies » fougères, c’est-à-dire peu ou prou les fougères telles que se les représente le plus grand nombre. Allégorie de la plume-fougère Fougère s.s : ici un polypode commun (Polypodium vulgare) Les lycopodes forment un groupe allié (évolutivement proche) des fougères. Ici : le Lycopode inondé (Lycopodiella inundata), petite et rare ptéridophyte des tourbières parmi les sphaignes et les droséras, avec sa courte tige dressée et ses feuilles d’un vert gai, nombreuses et fines, érigées vers le haut. #11 ÉCHOS DES ÉCOLOS article paru précedemment sur le site https://histoiresnature.wordpress.com/ où vous retrouverez toutes les activités et formations botaniques proposées par Jean-Pierre dans le cadre de sa structure "Histoires naturelles" 29 Revenons à la feuille que, chez les fougères, on appelle fronde. Ce vocable rappelle celui de frondaison, employé pour désigner la masse formée par le feuillage des arbres. Mais pourquoi parler de frondes pour les fougères et de feuilles chez les autres plantes ? Au moins trois raisons à cela. La première : les feuilles des fougères se développent en formant une crosse qui se déroule et s’agrandit au fur et à mesure que la fronde se développe. Ce type de croissance, très original, justifierait à lui seul de donner un nom spécifique à la feuille des fougères. Par ailleurs, ce sont les frondes qui portent les organes producteurs de spores : seconde originalité. Un peu d'histoire La discrétion des ptéridophytes, par leur petite taille et l’absence de fleurs, ne doit pas faire oublier l’importance qu’elles ont joué dans les temps géologiques. D’ailleurs, toutes ne sont pas aussi discrètes qu’on le pense de prime abord : les fougères arborescentes qui demeurent sous les tropiques peuvent mesurer jusqu’à 15-20 mètres de haut. Les forêts du Carbonifère (-359 MA à -299 MA, étymologie : « porteur de charbon »), tropicales également, étaient dominées par de telles fougères s.l.. Leurs organes fossilisés dans les couches de charbon formées à cette époque en témoignent. Certaines d’entre elles pouvaient atteindre les 40 mètres. Fougère arborescente (Cyathaea sp.) en Nouvelle-Calédonie où l’on en trouve en forêts mais aussi plantées en tant qu’arbres d’ornement comme ici. D’un point de vue évolutif, les fougères présentent des innovations majeures par rapport aux mousses (bryophytes), apparues auparavant. La plupart d’entre elles possèdent une véritable tige (souvent souterraine, sous la forme d’un rhizome), de véritables racines, structurées pour absorber l’eau et les sels minéraux du sol, des feuilles bien développées et des tissus conducteurs dans lesquels circulent les sèves. En revanche, elles n’ont ni graines, ni fleurs (ni quoi que ce soit qui s’en rapprocherait comme c’est le cas chez les conifères), ni pollen. Jeunes frondes en crosses, émergeant de terre à partir du rhizome Les spores se forment à l’intérieur de petites sphères appelées sporanges. Ceux-ci sont regroupés en massifs, les sores, de forme variable selon les espèces. Ici : face inférieure d’une fronde de polypode (Polypodium sp.) #11 ÉCHOS DES ÉCOLOS 30 Plus étonnant et plus subtil : la nature des frondes n’est pas strictement similaire à celle des feuilles d’un frêne, d’un chêne ou d’un rosier, par exemple. Contrairement à ce qui existe chez les plantes à fleurs, on ne trouve aucun bourgeon logé à l’aisselle d’une fronde (c’est à dire dans l’angle formé par la tige et la base de la feuille). Il se pourrait en fait que la fronde soit fondamentalement un rameau (donc un bout de tige), souvent très ramifié lui-même et dont les ramifications se sont aplaties au cours de l’évolution pour mieux assurer la fonction photosynthétique. Cycle de développement du Polypode commun (Polypodium vulgare) Source : http://svt.ac-dijon.fr/schemassvt/IMG/polypode_cycl.gif Un peu de sexe On entend souvent dire que les fougères se reproduisent par des spores. Ce n’est pas faux, c’est aller un peu vite en matière de sexualité. Car les ptéridophytes en ont bien une ! Mais tandis que celle-ci a lieu dans des organes facilement observables chez les phanérogames (plantes à fleurs et conifères, étymologiquement des plantes « dont le mariage est visible »), elle se déroule dans des organes microscopiques chez les fougères s.l.. C’est aussi le cas chez les mousses et les algues et c’est la raison pour laquelle ces trois grands groupes – algues, mousses et ptéridophytes – sont qualifiés de cryptogames (étymologiquement : « dont le mariage est caché »). Qui plus est, ces organes de la reproduction sexuée ne sont pas portés par la fougère que nous voyons couramment mais par un individu bien plus petit, au ras du sol et passant souvent inaperçu. Voyons le cas le plus simple et le plus répandu, celui des fougères s.s.. Leurs feuilles produisent des spores, c’est entendu. Celles-ci se forment dans des organes, le plus souvent situés en face inférieure des feuilles, appelés sporanges, qui s’ouvrent lorsqu’ils sont à maturité. Les spores sont emportées par le vent ou par un simple courant d’air à une distance plus ou moins grande de leur pied mère. Si une spore arrive dans un endroit qui lui est favorable, elle germe pour donner, non pas une nouvelle fougère identique au pied dont elle est issue, mais une petite lame verte, plus ou moins en forme de cœur, d’un à quelques centimètres-carrés et aplatie sur le sol. A la face inférieure de ce petit cœur vert (le prothalle) se trouvent les organes microscopiques producteurs de cellules sexuelles (gamètes). Le gamète femelle se trouve au creux d’un organe évoquant plus ou moins une fiole à « ventre » rond (l’archégone). Il s’y trouve et, immobile, il y reste. Il sera fécondé par un des nombreux gamètes mâles, mobiles comme les spermatozoïdes, grâce à des flagelles, et produits par les organes reproducteurs mâles (anthéridies). A la faveur d’une pluie ou d’une forte rosée formant a minima une mince couche d’eau, ces spermatozoïdes végétaux (ou anthérozoïdes) nagent vers le gamète femelle qui émet, pour les attirer, une sorte de phéromone qui n’est autre que l’acide malique. #11 ÉCHOS DES ÉCOLOS 31 Écologie et modes de vie Leur sexualité nécessitant la présence d’eau liquide, il n’est pas surprenant que les ptéridophytes vivent principalement dans des zones à pluviométrie élevée ou dans des milieux présentant une hygrométrie notable (forêts notamment). C’est ainsi qu’on en dénombre beaucoup plus d’espèces sous les tropiques, qu’elles soient arborescentes ou herbacées vivaces comme celles qui, sous nos latitudes, sont vivaces par leur rhizome et leurs racines, seules les feuilles disparaissant à la mauvaise saison. Les fougères épiphytes sont également nombreuses en région tropicale. Plus rares sont les annuelles ainsi que celles s’avérant franchement aquatiques. En revanche, diverses espèces se sont adaptées à l’aridité en développant des mécanismes de résistance à la sécheresse très efficaces. Tel est le cas notamment de ces fougères modestes qui poussent sur les vieux murs et contribuent à leur caractère pittoresque. Un acide bien connu dans le règne végétal, notamment dans les pommes (Malus est le nom latin des pommiers), les poires, les raisins, où sa quantité décroît au fur et à mesure de la maturation. Comme si cet acide avait pour fonction, dans ces cas, de dissuader les frugivores de croquer la pomme tant qu’elle et ses pépins ne sont pas mûrs, pas prêts à être disséminés, alors que dans le cas des fougères, il invite au contraire les anthérozoïdes-spermatozoïdes à « croquer la pomme », au sens figuré. Bref, le gamète femelle (ou oosphère comme chez tous les végétaux) finit, dans le meilleur des cas, par être fécondé. Il devient un œuf (ou zygote) qui se divisera de nombreuses fois pour donner, toujours au creux de sa fiole-archégone, un embryon, nourri en parasite par le prothalle qui l’héberge. La suite est plus intuitive : l’embryon se développe peu à peu jusqu’à former une jeune tige, souterraine (rhizome) chez les espèces de climat tempéré à froid, porteuse de racines uploads/Ingenierie_Lourd/ article-pterido-euziere.pdf
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- Publié le Oct 25, 2021
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