Annick Ternier. Documentaliste au C.N.R.S. Centre d'Ethnologie sociale et de Ps
Annick Ternier. Documentaliste au C.N.R.S. Centre d'Ethnologie sociale et de Psychosociologie. Machines à cylindre oscillants pour bateau remorqueur, à détente et condensation. Extrait de «Portefeuille» de John Cockerill. Annick Etre ingénieur Ternier. d'hier à aujourd'hui. Résumé. La synthèse documentaire qui compose la première par- tie de Varticle vise à orienter le lecteur dans la consultation de la bibliographie qui lui fait suite, ha thématique générale est abordée selon trois facettes : 1. L'identité sociale de l'ingénieur à travers l'histoire et parmi le groupe social des cadres. 2. La formation des ingénieurs. 3. Leur vie professionnelle. Les ressources bibliographiques sur le thème des ingé- nieurs, de la formation de ce groupe social jusqu'à ces caracté- ristiques les plus actuelles, ne forment pas un ensemble homogène mais se présentent comme l'assemblage de docu- ments de nature diverse. De façon schématique, deux types de textes peuvent être distingués : d'un côté, les écrits d'ingénieurs qui sont des documents bruts sur le sujet, de l'au- tre, des travaux sur les ingénieurs produits par des organismes d'études et des chercheurs en sciences sociales. Nous devons beaucoup aux recherches documentaires antérieures et, en particulier, au travail considérable réalisé par Bruno Jacomy à l'occasion du colloque qui s'est tenu au Creusot en octo- bre 1980 sur le thème «Ingénieurs et société» [15] 1. L'étude documentaire présentée ici s'inscrit dans le prolongement de cette importante bibliographie. FRESQUE SOCIO-HISTORIQUE D'UNE PROFESSION QU'EST-CE QU'UN INGÉNIEUR ? On peut répondre à cette première question en repre- nant la définition donnée par l'Unesco en 1968 et citée par René Alquier dans son ouvrage d'orientation générale sur la carrière d'ingénieur [62] : «L'ingénieur est un homme dont la tâche est de rassembler et de mettre en œuvre des idées, des moyens matériels et des hommes pour réaliser des objets, pro- duits ou projets susceptibles de sanctions économiques. » Cette formule bien vagu% cache les difficultés rencontrées dès que l'on cherche à attribuer des caractéristiques plus précises à cette profession. Selon une approche juridique et protectionniste de l'ap- pellation ingénieur, c'est le titre d'«ingénieur diplômé» qui est défini à partir de la loi du 10 juillet 1934 relative «aux conditions de délivrance et à l'usage du titre » et en accord avec les décisions de la Commission des titres [68]. Cette définition fondée sur la légitimité de la formation reçue —être ingé- nieur, c'est sortir d'une école habilitée par la Commission — sert de base aux importants travaux d'enquête de la Fédéra- tion des associations et sociétés françaises d'ingénieurs diplô- més (FASFID). Elle est néanmoins restrictive car elle ne reflète qu'une partie de la réalité du monde des ingénieurs : l'ingénieur « maison » qui accède au grade d'ingénieur par pro- motion au sein de l'entreprise est un ingénieur à part entière par les fonctions assumées, même s'il n'est pas diplômé. La définition de l'ingénieur à partir des fonctions qu'il est amené à remplir s'avère également une entreprise fort dif- ficile. Toutes les analyses s'accordent pour souligner la diver- sification extrême du métier d'ingénieur à l'heure actuelle. Les entreprises de regroupement des fonctions en quelques caté- gories dont le nombre varie selon les études —direction, fabrication, recherche et bureau d'études, technico-commer- cial, gestion... — ne doivent cacher ni la complexité croissante des fonctions exercées ni la montée récente de nouvelles spé- cialités comme celle des ingénieurs informaticiens [173, 200, 189]. On en vient alors à trouver un point de rassemble- ment : la maîtrise de la technique : l'ingénieur est l'homme de la technique. Dans cette perspective, René Alquier nous interroge : que serait le monde actuel sans les ingénieurs ? «Les ingénieurs ont créé le navire, le train, l'auto, l'avion ; ils ont construit des usines et des logements. Ils utilisent et créent les matériaux et les objets, fabriquent les vêtements et les pro- duits alimentaires, exploitent les terres... Dès qu'une techni- que apparaît et fait appel à des connaissances scientifiques et techniques et notamment aux calculs mathématiques, l'ingé- nieur apparaît et la technologie se développe. » [62, p. 105]. Pour finir de situer l'ingénieur, R. Alquier se place dans son cadre : l'entreprise. Georges Ville qui fut délégué général de la Société des ingénieurs civils de France se place dans la même perspective dans son ouvrage intitulé : Le Rôle de l'in- génieur [226]. Partant d'une analyse de l'entreprise moderne, cellule économique et sociale, il dégage les fonctions et niveaux d'intervention de l'ingénieur en son sein. Pour ces auteurs, l'archétype de l'ingénieur est l'ingénieur industriel totalement impliqué dans la vie de son entreprise. Ce mode de présentation de l'ingénieur, particulièrement développé dans les écrits des centraliens, demande à être replacé dans une perspective historique permettant de dégager la genèse et le développement de la profession d'ingénieur au cours des XIX e et X X e siècles 2. INGÉNIEURS D'ÉTAT, INGÉNIEURS CIVILS A U X I X e SIÈCLE. Pour Terry Shinn, c'est vers 1850 que naît un nouveau groupe d'ingénieurs civils dont la fonction est d'appliquer aux problèmes concrets de la production industrielle savoir théo- rique et connaissances empiriques [24]. Avant cette date, tous les ingénieurs étaient des fonctionnaires au service de l'Etat. Jugeant dégradante leur participation à l'industrie privée, ils laissaient agir des techniciens pour se consacrer à la fonction publique. André Grêlon s'appuyant sur différents travaux historiques [2, 9,17,18] analyse les facteurs qui ont favorisé la montée du groupe professionnel des ingénieurs civils : l'in- dustrialisation du pays et la diffusion des idées saint-simo- niennes qui affirment la prévalence de l'industrie sur l'ensem- ble des activités humaines. La création de l'Ecole centrale en 1829 puis celle de la Société des ingénieurs civils de France en 1848 sont des étapes importantes [105, 70 ]. Les centra- liens deviennent un groupe socio-professionnel important : Georges Ribeill a dégagé dans le cadre du colloque «Ingé- nieurs et Société» [14 ] l'évolution de leur profil au cours du XIX e siècle et leur confrontation à la fin de ce siècle avec d'au- tres ingénieurs civils — ingénieurs sortant de nouvelles éco- les spécialisées puis polytechniciens abandonnant le service de l'Etat pour l'industrie. A L'AUBE DU X X e SIÈCLE, L'INGÉNIEUR ROI EST A LA TÊTE DE L'EXPANSION INDUSTRIELLE [70]. La montée de deux courants idéologiques, le catholi- cisme social et l'organisation scientifique du travail, se combi- nent pour motiver l'ingénieur à remplir un rôle social jugé essentiel. La croissance et l'influence de l'Union sociale des ingénieurs catholiques, USIC, durant la première moitié du X X e siècle a été étudiée par André Thépot et Luc Boltanski [14, 29 ]. Aimée Moutet, spécialiste de l'étude de la diffusion du taylorisme en France, présente le point de ses travaux dans ce numéro. A la suite de l'ingénieur des mines Henry Le Chatelier [4, 5, 6], certains ingénieurs revenant des USA entreprennent dans les années vingt la propagande des idées de Taylor et cherchent parfois à définir un taylorisme à la française qui permette d'améliorer le rendement industriel [19, 20, 22 ]. LA CRISE DES ANNÉES TRENTE. L'INGÉNIEUR : UN CADRE PARMI D'AUTRES. Luc Boltanski analyse dans le premier chapitre de son ouvrage sur les cadres [29] le choc de la crise économique sur les ingénieurs. Le chômage ne les épargne pas, il leur faut défendre leur titre —cf. la loi du 10 juillet 1934— et leur profession [11,16 ]. Les ingénieurs prennent également cons- cience de leur appartenance aux classes moyennes, de leur situation intermédiaire entre la classe ouvrière et le patronat. L. Boltanski constate que, durant cette période, «le terme cadre est de plus en plus souvent employé pour distinguer seul le vaste agrégat auquel les ingénieurs sont désormais ratta- chés ». DE LA LIBÉRATION A U DÉBUT DES ANNÉES SOIXANTE: L'ÉPOQUE DES MANAGERS [29, chap. 2]. En premier lieu, la nation doit se relever de la guerre. Les ingénieurs ont à jouer un rôle de premier plan dans ce redres- sement [13]. Pierre Alamigeon, président de l'Association des anciens centraliens déplore dans «les cadres de l'indus- trie » la non-compétitivité de la France suivi quelques années plus tard par F. Jacquin [26, 42]. Une nouvelle idéologie importée des USA envahit la France: c'est l'introduction de l'human engineering et du management, l'éveil au marketing. Le modèle des business schools fascine [38]. L'INGÉNIEUR : TECHNOCRATE OU NOUVEAU PROLÉTAIRE ? Deux doctrines s'opposent : d'après la première, la complexité technique croissante du processus de production fonde la prééminence sociale des ingénieurs qui doivent connaître un pouvoir croissant. Th. Veblen, observateur cri- tique de la société américaine dans la première moitié de notre siècle peut être considéré comme le père de ce courant théori- que poursuivi par James Burnham qui annonce en 1941 dans The Managerial Révolution la prise de pouvoir de l'ingé- nieur, groupe professionnel en ascension inéluctable, mana- ger imposant sa loi au capital. J.K. Galbraith développera l'analyse en définissant le terme de technostructure [30, 37, 48]. Le second axe doctrinal énonce dans les années soixante la thèse de « la nouvelle classe ouvrière » dans laquelle se trou- vent placés cadres et ingénieurs salariés [44]. uploads/Ingenierie_Lourd/ c-amp-t-1984-12-337-ingenierie-pdf 1 .pdf
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- Publié le Oct 26, 2021
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