Jacques Méhu Recyclage des matériaux et évaluation environnementale Recyclage d

Jacques Méhu Recyclage des matériaux et évaluation environnementale Recyclage des matériaux et évaluation environnementale Professeur de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon, Jaques Méhu est directeur de la plateforme Provademse, une plateforme d’innovation technologique de Rhône-Alpes dédiée aux écotechnologies et en particulier à des études sur le recyclage et l’évaluation environnementale. Le bâtiment et travaux pu- blics (BTP) est à la fois un secteur industriel de grande consommation de matières premières et de grande pro- duction de déchets (voir aussi les Chapitres d’A. Ehrlacher et de P. Hamelin). C’est donc le domaine par excellence du recyclage des matériaux en boucle courte (déchets du BTP réutilisés en BTP) et en « import/export » (déchets du BTP réutilisés dans d’autres secteurs ou déchets d’autres secteurs industriels réutilisés en BTP). Compte tenu de la raréfaction des ressources naturelles mi- nérales et de la volonté d’en limiter le prélèvement dans le milieu naturel, la priorité actuelle va vers l’importation de déchets candidats à être réutilisés en BTP. Quel est l’état des lieux dans la valorisation des déchets1 de construction en Europe et dans l’évaluation environne- mentale pour chacun des deux secteurs, celui du bâtiment et celui des travaux publics ? Où en sont les règlementations ? 1 Recycler les matériaux de construction et pour la construction : un chantier de taille ! Le recyclage des maté- riaux représente un enjeu 1. Remarque : dans ce chapitre, les déchets métalliques ne seront pas abordés. 262 La chimie et l’habitat considérable pour le domaine du bâtiment et des travaux publics, et mobilise de nom- breux industriels et équipes de recherche. Et pour cause, en plus de générer d’énormes quantités de déchets de chantiers que l’on va cher- cher à valoriser, les activités de construction sont elles- mêmes amenées à utiliser des matières premières se- condaires, c’est-à-dire celles qui ont déjà connu un premier cycle de vie dans d’autres do- maines industriels ou urbains. Pour donner une idée de l’ampleur, trente-quatre mil- lions de tonnes de déchets de chantiers du bâtiment sont générées chaque année en France, aussi bien pour la construction et la réhabilita- tion que pour la démolition. Si l’on regarde la consom- mation dans le domaine des travaux publics, ce sont par exemple 20 000 tonnes de ma- tériaux par kilomètre qui sont utilisées pour construire les routes en France. C’est un défi de taille que de recycler les matériaux uti- lisés massivement dans la construction, et ce, à toutes leurs phases de vie. Une première phase correspond à l’élaboration, à partir de l’extraction de matières na- turelles comme l’argile ou le calcaire, de matériaux basiques tels que la chaux ou le ciment, lesquels vont permettre de construire des produits plus complexes, al- lant des briques jusqu’aux matériaux d’isolation les plus élaborés, recouvrant un do- maine industriel important. Arrive le domaine de « la vie en œuvre », également très important d’un point de vue règlementaire car on y est notamment confronté à la proximité de l’être humain qui va occuper les lieux. En- fi n arrive le domaine de la fi n de vie, c’est-à-dire la phase de déconstruction suivie de la phase de démolition (Fi- gure 1), du recyclage et in fi ne du stockage des matériaux non recyclables. Ces trois phases de vie – élaboration, vie en œuvre et démolition – génèrent des déchets que l’on envisage dé- sormais de plus en plus de valoriser… Aussi la commu- nauté européenne a fi xé des engagements en matière de li- mitation et de valorisation des déchets (voir le paragraphe 4). Mais il n’existe aujourd’hui pas de réglementation cadre et/ou spécifi que concernant l’usage de matières premières secon- daires dans les matériaux et produits de construction pour le bâtiment… Figure 1 Les trois phases du cycle des matériaux de construction – élaboration, vie en œuvre et déconstruction – génèrent d’immenses quantités de déchets. Comment les recycler ? 263 Recyclage des matériaux et évaluation environnementale 2 Bâtiments et travaux publics : des exigences différentes 2.1. Le secteur du bâtiment Le bâtiment et les travaux pu- blics représentent deux do- maines chacun aux exigences mécaniques et techniques propres : dans le bâtiment, les exigences techniques sont dues aux besoins de résistance mécanique, mais aussi de résistance aux in- tempéries, nécessitant d’uti- liser par exemple les bétons les plus performants, ainsi qu’illustré dans les Chapitres d’A. Ehrlacher, P. Hamelin et J.-P. Viguier. S’y ajoute une exigence sanitaire, liée à un souci croissant de la qualité de l’air qui règne à l’intérieur des bâtiments, comme l’abor- dent les Chapitres de M.J. Le- doux et V. Pernelet-Joly (Fi- gure 2). Sont également très surveillées les émissions de polluants par l’eau à travers un important réseau urbain d’eau captive. Des chercheurs de l’INSA travaillent sur l’hy- drologie urbaine et ont pour projet, avec le CSTB (voir le Chapitre de V. Pernelet-Joly, Encart : « Le CSTB et l’OQAI »), un programme de recherche sur le terme source du bâti. Le secteur du bâtiment uti- lise-t-il des déchets recy- clés ? Pour l’instant, on a peu de retours d’expériences de recyclage et de valorisation de matières premières secon- daires, tout au moins en ce qui concerne les matériaux dits de structures, c’est-à-dire ceux qui donnent la solidité aux bâtiments (les cendres de centrales thermiques au charbon sont depuis long- temps utilisées en substitu- tion ou en complément du ci- ment dans les bétons, comme nous le verrons dans le para- graphe 3). 2.2. Le secteur des travaux publics Le domaine des travaux pu- blics impose quant à lui des exigences techniques et mé- caniques plus faibles, avec une sensibilité moindre à l’impact sanitaire. Pourtant, il existe bien un impact sa- nitaire indirect à prendre en compte, à travers le milieu naturel, les sols agricoles, Figure 2 Les exigences du secteur du bâtiment sont multiples : résistance mécanique, résistance aux intempéries, mais également qualité sanitaire des matériaux pour les futurs occupants et performance énergétique (voir la partie 2 de cet ouvrage). 264 La chimie et l’habitat les nappes phréatiques et les eaux de surface auxquelles sont reliés directement les ouvrages de travaux publics. En revanche, ce contact direct avec le milieu naturel rend l’impact environnemental particulièrement sensible. Le retour d’expérience sur la valorisation des déchets de travaux publics est quant à lui très important, puisque depuis plusieurs dizaines voire cen- taines d’années, de grandes variétés de déchets ont été utilisés en technique routière. Pour construire ces routes, on a recours à plusieurs types de matériaux, en fonction des linéaires (autoroutes, routes nationales…), mais aussi en fonction des couches de routes (Figure 3). Leur nature diffère aussi selon les pays : en France, les routes sont gé- néralement construites avec des matériaux dits « noirs », c’est-à-dire avec beaucoup de bitumes à plusieurs étages (Figure 4), alors qu’aux États- Unis ce sont plutôt des maté- riaux dits « blancs », principa- lement constitués de béton et de ciment. Figure 3 Les chaussées bitumées sont composées de différents types de couches : la couche de roulement (généralement en béton bitumeux), la structure de chaussée (graves, granulats), l’ensemble reposant sur le sol par l’intermédiaire de la couche de forme et le remblai. Certaines chaussées sont plus perméables car conçues pour permettre de ralentir le ruissellement d’eau en cas de pluie, pour empêcher les inondations. On estime que selon son intensité, 10 à 30 % de la pluie peut s’infi ltrer dans les ouvrages routiers. Figure 4 En France, les routes sont construites avec du bitume, substance noire très visqueuse correspondant à un mélange d’hydrocarbures obtenus par distillation du pétrole. 265 Recyclage des matériaux et évaluation environnementale 3 Quels matériaux valorisés pour la construction ?2 Quelles sont les voies de valo- risation de déchets pour le bâ- timent et les travaux publics ? Pour rappel, les matériaux utilisés dans la construction sont de trois types : - les matériaux dits « non liés », constitués de granu- lats (Figure 5), fragments de roches (ou graviers) qui for- ment la base des systèmes et qui sont par exemple utilisés dans les remblais pour le ter- rassement des routes (voir la Figure 3) ; – les matériaux « liés » avec des liants hydrauliques (En- cart : « Le béton, un matériau de construction inégalé ») ; – les matériaux dits « noirs », liés avec du bitume. Pour fournir des granulats, les principaux flux de ma- tières premières secondaires (hors laitiers de haut four- neaux et cendres volantes de charbon) viennent du traite- ment des déchets ménagers, sous forme de mâchefers d’incinération d’ordures mé- nagères (MIOM). Leur valori- sation dépend des pays, avec par exemple une forte utili- sation proche de 100 % aux Pays-Bas, alors qu’elle est plus modeste en France où l’on dispose d’une importante réserve de granulats natu- rels (sable ou roche concas- 2. Nous nous limiterons aux ma- tériaux de structures, bien qu’il y ait également beaucoup à dire sur des matériaux fonctionnels, qui vont de la paille – déchet de l’agriculture qui peut être utilisé pour l’isolation de bâtiments uploads/Ingenierie_Lourd/ chimie-habitat-261.pdf

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