connaître, reconnaître et nommer le bois | 29 Connaître, reconnaître et nommer

connaître, reconnaître et nommer le bois | 29 Connaître, reconnaître et nommer le bois Paul Corbineau Sculpteur sur bois, anatomiste Nicola Macchioni Ingénieur, enseignant chercheur cnr – ivalsa, Centre national italien de la recherche – Institut du bois et de l’arbre Photographies de Wilfried Beaujouan Une matière Le bois est la matière qui se trouve sous l’écorce de la tige, “une substance dure, com- pacte, solide, qui constitue la racine, la tige et les branches des arbres et arbrisseaux” (dic- tionnaire Littré). Cette définition nous indique que le bois est une matière première produite à partir de plantes ligneuses, mais elle ne nous dit rien de sa constitution et de son rapport à l’homme. En effet, pour la plupart des gens, le bois est un objet du quotidien, tels la chaise en hêtre, la poutre en chêne, la table en meri- sier, la rambarde en iroko, la guitare en épicéa et en érable sycomore ondé, la latte en châtai- gnier, le pont de voilier en teck, la sculpture en tilleul, la cagette en peuplier, le bardage en douglas, le lambris en pin maritime, la bi- bliothèque en padouk, la bûche en charme, le coffret en cyprès, l’armoire en noyer, la com- mode en acajou, le manche d’outil en frêne, la moulure en pin sylvestre, l’établi en bossé, le piquet de la vigne en robinier, le parquet en wengé, l’arc en if, l’escalier en sipo, la frisette en platane, le pilier en cocotier, le bardeau en mélèze, le moyeu de roue en orme… Faut-il alors parler du bois ou plutôt des bois ? Beaucoup de plantes différentes éla- borent du bois mais, en dépit de leur diver- sité, toutes les plantes ligneuses sont des organismes végétaux aux caractéristiques communes. Elles sont des plantes vivaces, c’est-à-dire capables de vivre pendant plu- sieurs années, contrairement aux plantes an- nuelles comme le blé dur (Triticum durum) ou le maïs (Zea mays). Les plantes ligneuses gran- dissent en ajoutant de nouvelles couches de cellules au-dessus de celles des années précé- dentes. Chez les végétaux, les tissus capables de se diviser pour former de nouvelles cellules sont appelés méristèmes. Les méristèmes pri- maires génèrent des tissus primaires et per- mettent l’allongement de l’axe de la plante. Les méristèmes secondaires des plantes vivaces forment les tissus secondaires et assurent ainsi la croissance en diamètre de cet axe. Pour comprendre le comportement du bois en tant que matière première, il est es- sentiel de connaître sa nature. Il est, en effet, impossible de comprendre les qualités tech- nologiques du bois si on ignore ses fonctions dans un organisme végétal. Son origine La fonction du bois dans l’arbre Quelle est la fonction du bois à l’intérieur des arbres ? Pourquoi cette matière s’est-elle dé- veloppée au cours de l’évolution des plantes ? Tous les organismes vivants doivent prin- cipalement survivre, donc se nourrir et se reproduire. Autotrophes, les organismes vé- gétaux synthétisent l’eau et les sels minéraux puisés dans le sol grâce à la photosynthèse qui a lieu au niveau des organes d’assimila- tion de couleur verte, les feuilles dans le cas des plantes arborescentes. La reproduction des organismes végétaux est assurée par des cônes ou des fleurs, lieux de production des gamètes puis des graines. Les tiges, les feuilles et les fleurs se développent depuis les bour- geons contenant le méristème primaire. À ce niveau de définition, le bois ne semble pas en- core concerné par ces fonctions. La plante doit acheminer une grande quantité d’eau pour maintenir la turges- cence des cellules de la feuille et permettre la transpiration, l’échange de gaz avec l’exté- rieur ainsi que la photosynthèse. Un peu de cette eau sera combinée avec le dioxyde de carbone de l’air pour synthétiser un liquide nourricier composé d’hydrates de carbone, autrement dit des “sucres”. Ce liquide est ap- pelé sève élaborée. Fig 1 – Poste d’observation du bois de chêne, Quercus sp., dans le laboratoire d’anatomie de l’École supérieure du bois à Nantes. Fig 2 – Échantillon de wengé, Milletia laurentii : coupe sur dosse (voir figure 4). Ce “veinage” flamboyant illustre les trois fonctions du bois, avec les stries des vaisseaux pour le transport de la sève brute, des couches de fibres de soutien de couleur très sombre et des couches de cellules de réserve d’aspect blanchâtre. connaître, reconnaître et nommer le bois | 31 30 | racines Consommée par les feuilles, l’eau provient entièrement du sol. La première fonction du bois est donc de transporter de l’eau et des sels minéraux, puisés dans le sol, vers les feuilles. Ce mélange porte le nom de sève brute. Les feuilles effectuent la photosynthèse grâce à l’énergie transmise par le rayonne- ment solaire. Afin de profiter de ces radiations solaires, les plantes entrent en concurrence et chacune d’entre elles cherche à développer un houppier le plus élevé possible associé à une large couronne. Au travers des racines, de la tige et des branches, la deuxième fonction du bois est alors de fournir un soutien mécanique adapté pour supporter le poids et les sollicitations apportés par la couronne. Enfin, la troisième fonction du bois est de stocker, à l’intérieur de certaines cellules spé- cialisées, une partie de la sève élaborée non consommée. Selon les besoins, ces réserves d’énergie, stockées sous forme d’amidon, peuvent être remises en circulation dans le cycle de la sève brute. Les principales fonctions exercées par le bois dans l’arbre sont donc le transport de la sève brute des racines aux feuilles, le support mécanique de la couronne et le stockage des réserves. Un tissu Le tissu d’un être vivant est un ensemble de cellules, de même morphologie, agencées de manière particulière et reliées entre elles pour assurer une fonction spécialisée. Chez les co- nifères et les feuillus, les tissus assurant les fonctions de transport, de soutien et de stoc- kage composent le xylème secondaire. Constitué de cellules initiales, un méris- tème secondaire, appelé cambium ou assise génératrice cambiale, élabore les nouvelles cellules du xylème secondaire. Celles-ci sont formées d’une paroi primaire peu épaisse et sont soudées entre elles par une lamelle, dite moyenne, contenant des pectines. Ces cel- lules vont ensuite subir une maturation qui les rend aptes à exercer les fonctions décrites ci-dessus. Le processus de maturation va provoquer un agrandissement et un élargis- sement des cellules du bois. Ces dernières se- ront beaucoup plus longues que larges. La paroi cellulaire est ensuite renforcée par la déposition d’une autre paroi, dite pa- roi secondaire. Organisée en trois couches diversement orientées, elle est particulière- ment riche en cellulose et en lignine. Au fur et à mesure, les contenus cellulaires et la plupart des pectines sont éliminés. Le xylème secon- daire devient alors un tissu formé principale- ment par des cellules vides, biologiquement mortes, à paroi cellulaire épaisse et résistante. C’est au début de l’ère primaire que les plantes, alors constituées principalement de cellulose, développent les lignines afin d’as- surer une meilleure performance en compres- sion des tiges, et ainsi croître vers la lumière. C’est au cours de cette période qu’elles sont devenues des plantes ligneuses. À l’ère secon- daire, avec l’essor des Gymnospermes, plantes à graines nues, cette matière lignifiée donne le bois des conifères ou résineux. À la fin du Se- condaire, et alors que cette matière ligneuse devient plus élaborée et diversifiée, appa- raissent les Angiospermes, plantes à fleurs et à graines abritées par un fruit. Les Monocotylé- dones, comme les palmiers, sont édifiées avec une matière ligneuse différente de celle du bois des Dicotylédones, comme les feuillus. Donc une définition scientifique plus com- plète du bois pourrait être la suivante : “Ma- tière première sous l’écorce de la tige, des branches et des racines d’arbres et d’arbustes, formée par un ensemble de tissus d’origine secondaire, à parois lignifiées, résultant du fonctionnement, vers l’intérieur, de l’assise génératrice cambiale 1.” Les parois cellulaires À ce stade, il est nécessaire d’apporter quelques précisions sur le cycle de la sève brute. Constituer une colonne d’eau continue sur 100 mètres de haut pour les arbres les plus grands, tels les séquoias ou les eucalyptus, est en effet un défi à la loi de la gravité. L’eau et les sels minéraux – constituants de la sève brute – sont puisés dans le sol par les poils des radicelles situés aux extrémités des racines. À travers le système de transport constitué par le xylème, la sève brute atteint la voûte foliaire. Une grande partie de l’eau qu’elle contient se transforme en vapeur au niveau des feuilles exposées au soleil. Cette eau est libérée dans l’atmosphère afin que la feuille ne chauffe pas trop. La force princi- pale qui tire la colonne d’eau est donc cette évapotranspiration au niveau foliaire, qui provoque un différentiel négatif de pression au sommet de l’arbre. À lui seul, ce processus de tension ne suffit cependant pas à conduire la colonne d’eau vers la cime. La cohésion des molécules d’eau, la faible pression de l’eau accumulée dans l’extrémité des racines, les phénomènes de capillarité ascendants au sein des lumens cellulaires étroits du xylème uploads/Ingenierie_Lourd/ connaitre-reconnaitre-et-nommer-le-bois.pdf

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