Implants cochléaires chez l’adulte et l’enfant R Dauman B Carbonnière V Soriano

Implants cochléaires chez l’adulte et l’enfant R Dauman B Carbonnière V Soriano S Berger-Lautissier J Bouyé E Debruge G Coriat JP Bébéar R é s u m é. – Les implants cochléaires sont des prothèses électriques qui ont pour ambition de pallier une déficience bilatérale de l’oreille interne, qu’elle soit profonde ou sévère, acquise ou congénitale. Contrairement aux prothèses auditives acoustiques, qui agissent par l’intermédiaire de l’organe de Corti, les implants cochléaires stimulent directement les neurones auditifs. Rarement une technique innovante aura connu un tel impact dans le domaine de l’audition. Et pourtant le développement des implants cochléaires ne manque pas de paradoxes. Leur disponibilité véritable, il y a une quinzaine d’années à peine, a été accueillie avec enthousiasme par certains, incrédulité voire hostilité par d’autres. Ce scepticisme était, selon les personnes concernées, de nature scientifique (simplicité du signal électrique jugée inconciliable avec la finesse d’analyse de la cochlée dans les conditions physiologiques), émotionnelle (difficulté à envisager une intervention chirurgicale sur un enfant privé d’audition dès la naissance) ou bien encore culturelle (crainte de voir disparaître la communauté des Sourds). Les travaux suscités depuis contrastent par leur multiplicité avec le nombre somme toute limité de sujets implantés à travers le monde (moins de 30 000 à ce jour). Les bénéfices attestés par ces publications sont indéniables, mais requièrent une équipe interdisciplinaire très bien organisée, disposant de moyens matériels et surtout humains adaptés aux besoins, tout particulièrement chez les jeunes enfants. Globalement, on est en droit d’estimer que le développement des implants cochléaires et les résultats qui en ont été le fruit, ont contribué à une meilleure connaissance de la surdité auprès du grand public et des divers organismes de soins, même si beaucoup de problèmes restent en suspens, notamment en France. On peut également espérer que la disponibilité des services auxquels les déficients auditifs ont droit bénéficiera des progrès technologiques des implants, ceux-ci pouvant servir en quelque sorte de « locomotive » dans la lutte à mener contre les conséquences négatives de la surdité. Introduction Nous limiterons notre propos aux implants multiélectrodes, les seuls à avoir réellement démontré leur fiabilité. Les implants à une seule électrode, qu’elle soit intra- ou extracochléaire, ont cessé d’être posés à partir du moment où la supériorité des systèmes multiélectrodes est devenue indiscutable [17]. René Dauman : Professeur des Universités, praticien hospitalier, département d’audiologie, service d’oto-rhino-laryngologie, CJF INSERM 97-04. Bernadette Carbonnière : Orthophoniste. Véronique Soriano : Psychologue. Sylvie Berger-Lautissier : Orthophoniste. Jany Bouyé : Orthophoniste. Eric Debruge : Pédopsychiatre. Géraldine Coriat : Audioprothésiste. Jean-Pierre Bébéar : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Centre hospitalier universitaire de Bordeaux et université Victor Segalen Bordeaux II, hôpital Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Dauman R, Carbonnière B, Soriano V, Berger-Lautissier S, Bouyé J, Debruge E, Coriat G et Bébéar JP. Implants cochléaires chez l’adulte et l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-185- D-10, 1998, 12 p. Actuellement, quatre dispositifs sont majoritairement utilisés à travers le monde, le pays d’origine étant indiqué pour chacun d’entre eux: Nucleust (Australie) [7, 37], Clariont (États-Unis) [39, 40], Digisonict (France) [6, 36] et MedElt (Autriche). D’autres systèmes multiélectrodes existent mais leur diffusion en France est encore limitée (Laurat, Belgique), ou bien interrompue (Ineraidt, États-Unis). Notre expérience personnelle se réduit, pour l’essentiel, aux systèmes Nucleust et Clariont, les seuls à avoir reçu à ce jour l’approbation de la Food and drug administration (FDA) pour l’adulte (1985 et 1996 respectivement) et l’enfant (1990 et 1997). Au-delà de notre propre choix, la compétition entre industriels doit être encouragée car elle est le meilleur garant des investissements consentis dans le domaine de la recherche. Principales composantes d’un implant cochléaire Traits communs de tous les implants cochléaires actuels Ils seront passés en revue rapidement sur un schéma représentant l’un d’entre eux (fig 1). Un faisceau d’électrodes est inséré dans la rampe tympanique de la cochlée, l’extrémité distale étant habituellement située à une profondeur de 20 à 20-185-D-10 ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 20-185-D-10 © Elsevier, Paris 25 mm. Chacune des électrodes constitutives est formée d’un circuit soigneusement isolé pour éviter tout passage de courant continu, une telle contamination risquant d’avoir des effets nuisibles aussi bien sur les tissus cochléaires avoisinants que sur l’électrode elle-même (corrosion). L’électrode intracochléaire fonctionne sous la commande d’un stimulateur implanté sous la peau derrière le pavillon de l’oreille (receveur). Le stimulateur sous-cutané est en contact avec une antenne externe grâce à deux aimants situés de part et d’autre de la peau. Cette antenne est munie, ou au voisinage immédiat, d’un microphone qui est lui-même relié par un cordon à un boîtier (processeur vocal) alimenté par piles ou batterie. Le signal mis en forme par le processeur vocal est transmis au stimulateur sous-cutané par couplage électromagnétique, assurant un passage transcutané à vitesse rapide. Un seul système, l’Ineraid, fait appel à une transmission percutanée par un piédestal, implanté dans l’os et sortant à travers la peau. Différences sensibles entre les systèmes disponibles Électrode intracochléaire Dans le Nucleust, le faisceau intracochléaire est constitué de 22 électrodes (et de 10 anneaux, électriquement inactifs, servant de maintien). Les premières électrodes (1, 2, 3, etc) stimulent des fibres nerveuses de fréquence aiguë, les dernières électrodes (22, 21, 20, etc) étant pour leur part chargées d’exciter des régions de fréquence grave. Dans le Clariont, il s’agit de 16 électrodes, disposées par paires (fig 1). Chacune des huit paires est formée d’une électrode médiale et d’une électrode latérale, la référence utilisée pour désigner l’emplacement de chaque électrode étant le modiolus. En effet, le faisceau d’électrodes est préformé, c’est-à-dire possède avant même son insertion une forme spirale idéalement adaptée à la morphologie de la cochlée, lui permettant de s’enrouler au contact du modiolus. Les premières électrodes (1, 2, 3, etc) stimulent des fibres nerveuses de fréquence grave, les dernières électrodes (18, 17, 16, etc) étant consacrées aux fréquences aiguës. Une seconde génération d’électrode a été mise au point il y a 1 an environ (version 1.2), de diamètre plus faible et d’extrémité un peu plus rigide que la précédente (modèle 1.0). Dans le Digisonict de MXM, les 15 électrodes sont disposées comme celles du Nucleust, c’est-à-dire électrodes 1, 2, 3, etc, pour les aiguës, électrodes 15, 14, 13, etc, pour les graves. Stimulateur sous-cutané Pour le Nucleust, des changements ont été effectués récemment (CI24), donnant une taille plus petite au receveur et une flexibilité plus importante à l’antenne réceptrice, qui épouse ainsi mieux la conformation du crâne chez le jeune enfant. Pour le Clariont, en dépit d’un amoindrissement significatif du volume du stimulateur dans la dernière version, l’épaisseur reste supérieure à celle du Nucleust. Ce désavantage nous paraît toutefois compensé par la grande facilité de mise en place de l’électrode à l’intérieur de la cochlée. Microphone Sur le Nucleust, il est porté par un contour d’oreille relié à l’antenne par un deuxième cordon, de petite dimension. Sur le Clariont, le microphone est logé sur l’antenne elle-même. Processeur vocal C’est, bien sûr, là que résident les différences essentielles entre les systèmes, conférant aux stratégies de codage possibles toutes leurs particularités. Parallèlement aux travaux de recherche considérables qui se sont déroulés ces dernières années pour optimiser la mise en forme de la parole (« traitement du signal »), des efforts importants ont été consentis dans le but de miniaturiser le processeur. C’est ainsi qu’un contour d’oreille, appelé Esprit, est proposé depuis peu par Nucleust en remplacement du boîtier. Un contour d’oreille devrait également être mis à la disposition des utilisateurs du Clariont au début de l’année 1999. Le choix, par le patient lui-même, entre plusieurs programmes de codage a depuis le départ été possible sur le Clariont, avec trois programmes mémorisables dans le processeur vocal, utilisables selon l’environnement d’écoute. Très récemment, Nucleust a proposé des options similaires pour permettre une plus grande flexibilité et donc un meilleur confort d’écoute (implant CI24). Pour sa part, le boîtier du Digisonict permet au patient de disposer de deux programmes, l’un pour la compréhension de la parole, l’autre pour l’écoute de la musique. Évaluation préopératoire des candidats à l’implantation Cette étape est primordiale, aussi bien pour l’adulte que l’enfant sourd profond. Contrairement à ce qui se passe dans le cas d’une surdité partielle pouvant bénéficier d’un appareillage auditif, la question n’est pas tant de savoir quel type de prothèse convient le mieux à l’individu concerné, mais plutôt de déterminer si l’implantation cochléaire est la solution la plus appropriée. Conséquences d’une implantation inconsidérée Préjudice ressenti par l’implanté ou sa famille Pour l’adulte devenu sourd : déstabilisation psychologique d’avoir accepté une opération chirurgicale qui s’avoue être un échec, désespoir que plus rien ne soit possible désormais pour retrouver l’audition. Pour les parents d’enfants sourds : sentiment de culpabilité pour ceux qui ont pris la responsabilité de faire implanter leur enfant. Leur vie a été bouleversée par l’annonce du diagnostic, ils ont dû consentir de nombreux efforts pour aider leur enfant à surmonter son handicap. On comprend, dans ces conditions, que la désillusion familiale puisse être extrêmement forte et revendicatrice. Technique elle-même Elle risque uploads/Ingenierie_Lourd/ implants-cochleaires-chez-l-x27-adulte-et-l-x27-enfant 1 .pdf

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