Techniques & Culture Revue semestrielle d’anthropologie des techniques Varia |

Techniques & Culture Revue semestrielle d’anthropologie des techniques Varia | 2019 Le métier d’architecte et le BIM. Nouvelles répartitions des tâches et des responsabilités dans les métiers de la création BIM and the architectural trade. A new dissemination of roles and responsibilities in the creative industries Jérôme Guéneau Electronic version URL: https://journals.openedition.org/tc/10327 DOI: 10.4000/tc.10327 ISSN: 1952-420X Publisher Éditions de l’EHESS Electronic reference Jérôme Guéneau, “Le métier d’architecte et le BIM. Nouvelles répartitions des tâches et des responsabilités dans les métiers de la création”, Techniques & Culture [Online], Varia, Online since 14 January 2019, connection on 29 September 2022. URL: http://journals.openedition.org/tc/10327 ; DOI: https://doi.org/10.4000/tc.10327 This text was automatically generated on 29 September 2022. All rights reserved Le métier d’architecte et le BIM. Nouvelles répartitions des tâches et des responsabilités dans les métiers de la création BIM and the architectural trade. A new dissemination of roles and responsibilities in the creative industries Jérôme Guéneau « Les moyens jugent leurs fins. L’instrumentation est une affaire de morale. » Jean-Patrick Manchette, Chroniques, mars 1983. Questions de méthodes Au départ de cette interrogation sur les transformations actuelles et futures du métier de l’architecte par les nouveaux outils de Conception Assisté par Ordinateurs (CAO) et plus précisément le BIM, acronyme de Building Information Modelling, il y a une demande faite par des chercheurs du laboratoire MAP-GAMSAU, installé à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille1. Les travaux du laboratoire MAP-GAMSAU s’intéressent à « ce qu’on appelait autrefois l’informatique appliquée à l’architecture ». Ses travaux se sont élargis depuis « vers une véritable intégration des méthodes de conceptualisation, d’analyse et de traitement numérique au sein de la production de connaissances sur l’architecture et les patrimoines »2. Des chercheurs du laboratoire ont engagé dès avant 2016 des recherches sur le BIM, nouvelles procédures et suites logicielles qui s’imposent aujourd’hui, à tous les acteurs de l’aménagement et de la construction3. Les architectes, au premier chef concernés par la généralisation de ces outils, qu’ils s’en enthousiasment ou s’en défient, s’équipent « en BIM » sans que leurs paroles ou une réflexion critique de leur part ne s’entendent hormis celles de laudateurs employés à la promotion de ces nouveaux outils par les éditeurs de logiciels. Le métier d’architecte et le BIM. Nouvelles répartitions des tâches et des re... Techniques & Culture , Varia 1 Le MAP-GAMSAU cherchait donc à associer la parole d’architectes et d’enseignants des écoles d’architecture, à sa réflexion. Ce travail est né de leur apostrophe. C’est Isabelle Fasse-Calvet, enseignante et chercheur au MAP-GAMSAU qui, en 2016, avait alors sollicité mon intérêt. J’ai participé aux séminaires des Assises du BIM4, initiative du ministère de la Culture et de la Communication, assises pour lesquelles le MAP- GAMSAU organisait à Marseille, en avril 2016, le second séminaire avec entre autres les interventions d’Alexander Tzionis et Jacques Autran. Par Isabelle Fasse-Calvet, j’ai eu accès aux travaux de mémoire d’étudiants, encadrés par elle ou d’autres, traitant du BIM ainsi qu’aux contenus et recherches des enseignements des outils numériques dans les écoles d’architecture. Architecte, praticien exerçant depuis une vingtaine d’années, enseignant à l’école d’architecture de Marseille dans le champ de la Théorie et Pratiques de la Conception Architecturale et Urbaine (TPCAU)5, c’est donc, sans ingénuité, sachant ou croyant savoir à qui j’ai affaire que s’est entrepris le travail. C’est donc « de l’intérieur » que j’ai enquêté. C’est un premier écueil d’ordre méthodologique qui tient au fait qu’étant architecte je me confronte ipso facto au dilemme de « l’observateur participant » (Goody 1977 : 38). Le choix de la méthode d’investigation par entretiens, si elle est classique dans le champ de l’ethnographie, peut prêter ici le flanc à la critique. En effet, il n’y pas eu le temps long d’une immersion dans plusieurs agences d’architectures équipées ou s’équipant « en BIM », d’enquête chez les éditeurs de logiciels, non plus de questionnaires adressés ou d’entretiens tenus avec des « BIM Managers ». C’est mon expérience d’architecte et d’enseignant qui a prévalu6. Des auteurs convoqués dans la bibliographie, on trouvera peu de spécialistes ou observateurs des développements des outils numériques appliqués à l’architecture, hormis Antoine Picon et Georges Teyssot. Enfin, le caractère prospectif de l’article sur les évolutions du métier d’architecte à l’aune des développements des outils numériques, l’éloigne de l’objectivité que certains revendiqueront. Ainsi, l’essentiel des données utiles m’a été fourni dans le va et vient des échanges et des relations entre les travaux des séminaires et des ateliers de projets – tenus dans le cadre de mes enseignements depuis 2003 ou observations d’enseignements tenus par d’autres et dans d’autres lieux – et par ma propre pratique d’architecte confrontée comme celle de mes confrères, à l’accélération des transformations des moyens de production. 1 Mais il s’agissait pour autant de confronter les hypothèses concernant les catégories critiques que le texte distingue, à ses représentants. J’ai alors mené des entretiens sur trois journées pour le plus long et une journée pour les autres, avec entre autres, Lucien Kroll, Alain Guiheux et Tom Gray7. Tous les trois sont des personnalités reconnues dans les milieux de la construction et de l’architecture en particulier, leur audience dépasse le cadre national. Outre leur visibilité, ils me semblaient illustrer chacun, une position et parcours professionnel exemplaire des catégories que l’article distingue : Lucien Kroll est une des grandes figures d’une démarche « participative », d’une pratique de l’exercice du métier d’architecte attentive aux usages et paroles des habitants. Les propagandistes du courant de « l’éco-architectural8 » en revendiquent l’héritage. Alain Guiheux, architecte, professeur des écoles d’architecture, critique, auteur, ancien conservateur en chef du département d’architecture du centre Georges Pompidou, actant des mutations du métier de l’architecte, est en recherche de nouvelles formes d’exercices et de légitimité. Il recoure, par exemple, à des notions telles que « le marché de l’expérience ». Tom Gray, architecte, créateur associé de T/E/ S/S/, société d’ingénierie des façades, est impliqué dans la plupart des grandes opérations spectaculaires récentes en France et à l’étranger : la fondation Vuitton à Le métier d’architecte et le BIM. Nouvelles répartitions des tâches et des re... Techniques & Culture , Varia 2 Paris, la rénovation de la tour Montparnasse, et la rénovation et transformation des anciens entrepôts du boulevard McDonald à Paris en sont quelques-unes. Il participe à un marché des distinctions où de grandes signatures sont appelées, à une échelle mondiale, pour la conception de bâtiments « phare ». 2 Si l’article évoque – trop rapidement – les débuts et l’essor rapide du Digital Design, soit l’assistance des outils numériques pour la conception d’objets et artefacts, il cherche à préciser quelques fonctionnalités des outils de CAO/DAO appliqués à la construction et insiste peu sur le futur des interfaces actuellement proposées par les théories et laboratoires de recherche. Parce que son objet n’est pas le BIM. L’article s’intéresse avant tout à l’organisation du travail de l’architecte, son inscription dans les catégories des « métiers de la création » (Menger 2009) et, de là, cherche à estimer en quoi les processus mis en œuvre par le BIM, modifient sensiblement les catégories du travail et modes d’exercice des métiers de la construction et de l’architecte en particulier. Il s’agit donc moins de s’intéresser à l’objet BIM qu’aux pratiques que cet objet réorganise. S’il existe comme le rapporte Tim Ingold : « de longue date une tradition bien constituée de recherche, en anthropologie de l’art ». Il s’agirait moins pour lui de « replacer l’objet (art) dans un contexte social et culturel de (ses) producteurs » que de « concevoir la relation entre art et anthropologie à partir de leurs pratiques plutôt qu’à partir de leurs objets respectivement historiques et ethnographiques. […] Alors considérer l’œuvre d’art comme le résultat d’une recherche anthropologique plutôt que comme l’un de ses objets d’études » (Ingold 2017 : 35). J’ai considéré, paraphrasant Ingold ce que faisaient les architectes avec les nouveaux outils numériques et le BIM en particulier, ce qu’ils en disaient, comme résultats d’une anthropologie : anthropologie déduite d’un environnement qui la conditionne, environnement d’évolution et de transformation du métier de l’architecte, transformation de la commande et nouvelle division du travail dans les métiers de la création. Le développement des nouveaux outils de modélisation numérique, le BIM notamment, et les nouveaux modes de dévolution des marchés de la construction sont corollaires, ils se déduisent l’un de l’autre. Le BIM sert la mutation de la commande publique vers la commande privée et ses nouvelles formes de marché d’études et de travaux : PPP, VEFA, CPI9… Elles s’appuient plus sur la prévision des risques et rentabilité attendus des investissements qu’au bien être des usagers ou à l’intérêt public. « Le risque tend à devenir une catégorie centrale du contrat » (Campaignac 2009 : 35). La maquette numérique BIM, par les spécifications de plus en plus précises de chacun de ses composants, autorise – ou le croit-on – la prévision de la vie future et la maintenance déduite, d’un édifice. Ceci permet une comptabilité prévisionnelle du cycle complet de vie d’une construction, de son projet à son obsolescence et démolition ou uploads/Ingenierie_Lourd/ le-metier-d-x27-architecte-et-le-bim-nouvelles-repartitions-des-taches-et-des-responsabilites-dans-les-metiers-de-la-creation.pdf

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