Gestion des flux physiques et conditions de travail sur les chantiers Ghislaine

Gestion des flux physiques et conditions de travail sur les chantiers Ghislaine Doniol-Shaw Ingénieur de recherche CNRS, Ergonome avec la collaboration de Mokhtar Larbi LATTS-ENPC Laboratoire Technique, Territoires et Sociétés École Nationale des Ponts et Chaussées Études et Expérimentations Chantier 2000 décembre 1996 3 Sommaire 11 17 27 28 29 37 51 61 65 L’enjeu de la qualité et de la sécurité La gestion des flux physiques dans le second œuvre Spécificités du procès de travail, qualifications et sécurité Fiabilité de “système de production” et facteurs de risques Les activités du second œuvre, point de rencontre des enjeux et des contradictions Un diagnostic construit sur un chantier “classique” Synthèse et recommandations La nécessité d'une réflexion globale et dynamique Intégrer les spécificités des corps d'état secon- daires dans l'élaboration des plannings Une fonction logistique à déployer précocement au plus près de la réalisation Les moyens de manutention : une réflexion glo- bale, incluant les circulations et les stockages PREMIÈRE PARTIE Synthèse Le chantier étudié : Méthodologie Analyse du fonctionnement du second oeuvre et 'organisation de la logistique de chantier. Les entreprises intervenantes Le statut des salariés L'implantation des sièges et ateliers Les approvisionnements Conclusion La gestion dynamique du chantier : planification, circulation des informations et coordination La planification des travaux : un enjeu stratégique La circulation des informations et la transmission des plans d'exécution La commission de coordination : fonctionnement, avantages et limites Les points critiques : stockages, circulations et petits moyens de manutention Les zones de stockages : un enjeu stratégique mal perçu La conception des circulations : un révélateur La standardisation des outils de manutention La vision d'une activité standardisée Les manutentions manuelles dans le travail du menuisier intérieur et du maçon Le menuisier intérieur Les maçons : montage des murs en parpaings Le travail des électriciens : des écarts qui se creu- sent avec le gros oeuvre DEUXIÈME PARTIE Gestion des flux physiques et conditions de travail Conclusion LE CASANIER Les tuiles de bonne cuisson, Des murs moulés comme des arches, Les fenêtres en proportion, Le lit en merisier de Sparte, Le miroir de flibusterie, Pour la Rose de mon souci. René Char, La sieste blanche Cette étude repose sur l'observation longue et approfondie du déroulement d'un chantier en région parisienne. Nous tenons à remercier l'ensemble des personnes que nous avons rencontrées*, avec lesquelles nous avons largement discuté et qui se sont prêtées à l'observation, pour la qualité de leur accueil et leur contribution à la recherche. Nous avons disposé d'une totale liberté d'action et l'accès à tous les documents du chantier nous a été ouvert. Ces condi- tions sont déterminantes dans le travail de recherche mais notre expérience nous montre aussi qu'il est rare qu'elles soient aussi bien remplies. S'agissant d'une recherche-action, le but visé est à la fois de faire progresser les connaissances et de développer des outils pour l'action. Ici, il s'agissait de réfléchir aux conditions de l'amélioration de la gestion des flux physiques des entre- prises du second œuvre, en vue d'une moindre pénibilité et d'une meilleure sécurité pour les compagnons et de progrès quant à la qualité des ouvrages. L'analyse du chantier a constitué la base de la compréhen- sion des mécanismes conduisant aux dysfonctionnements et aux difficultés recensés, mécanismes sur lesquels il faudra agir pour apporter les améliorations souhaitées. Dans ce sens, le rapport fait ressortir et insiste sur les points critiques. Il donne de ce fait une image déformée de la réalité du chan- tier dont il hypertrophie les "défauts". La "vraie vie" du chan- tier, loin de l'accumulation de défauts, d'ailleurs bien vite oubliés, est avant tout à l'image de l'accueil qui nous a été fait : marquée par la convivialité, les coopérations, le souci de la qualité…, ce qui n'exclut pas certaines tensions, des débats parfois vifs, une certaine lassitude aussi, mais à l'évi- dence la vie d'une communauté qui partage le plaisir de "construire" et la fierté de l'œuvre produite. Avant-propos 7 *. Il s’agit, d’une part, des personnes appartenant à l’entreprise générale, responsable du gros œuvre et coordonnatrice des corps d’état secondaires et directement impliquée en raison d’un projet de REX devant s’appuyer sur les résultats de la recherche engagée et, d’autre part, des personnes appar- tenant aux différentes entreprises intervenant dans le cadre du second œuvre. PREMIÈRE PARTIE Synthèse La qualité et la sécurité d'un chantier sont deux enjeux majeurs et indissociables dans les métiers de la construction1. Simultanément, les pressions, qui s'ac- centuent, sur les délais et les coûts, dans une conjonc- ture économique fragile, peuvent apparaître comme potentiellement antagoniques aux enjeux précités. En effet, la qualité comme la sécurité, qu'il s'agisse de la définition ou de l'application des règles qui les sous-ten- dent, supposent un niveau de compétences élevé des salariés donc un niveau d'expérience et une qualification qui doivent logiquement s'accroître. Or, pour la majorité des entreprises du bâtiment, les pré- visions de charge de travail se font à très court terme et compte tenu de la concurrence sévère, les marchés sont très débattus. Ne pouvant planifier leur programme de travail sur le moyen terme nombre d'entreprises, notam- ment dans le cadre du second œuvre où les entreprises de taille petite ou moyenne sont très majoritaires, fonc- tionnent avec une main d'œuvre stable fixée au plus juste et font appel à des salariés sur CDD ou à d'autres sous- traitants pour ajuster leur main d'œuvre aux marchés obtenus. Ces ajustements en main d'œuvre sont souvent d'autant plus nécessaires que les entreprises du second œuvre sont soumises aux aléas du planning d'exécution du gros œuvre dont les retards fréquents, mais en même temps non prévisibles, pénalisent la planification de leurs propres interventions. Par ailleurs, qualité et sécurité sont des "consommatrices de temps" ce qui fait généralement apparaître d'abord comme un coût les actions engagées, ceci d'autant plus que leur rentabilité n'est pas aisément identifiable : la qualité impose, outre la compétence, des phases de préparation approfondie, de contrôle-vérification, de concertation sur l'avancement des travaux après valida- tion… Or, classiquement, on sait que ce sont ces étapes qui disparaissent les premières sous la pression du temps et les exigences de rendement. la sécurité, pour sa part, nécessite une formation approfondie sur les risques potentiels, ce qui est rare- ment le cas des salariés temporaires (dont le taux d'acci- dentabilité est d'ailleurs 4 fois plus élevé que celui des salariés fixes) et un temps de préparation soigneux des interventions, notamment en cas de co-activité dans un même espace. De plus la sécurité exige fréquemment la mise en œuvre de moyens de protection et de pratiques professionnelles qui accroissent le temps d'exécution : cheminements protégés, fractionnement des charges transportées, port de moyens individuels de sécurité qui peuvent rendre le travail plus difficile et donc plus long (le port d'une ceinture de sécurité réduit la mobilité, les gants font perdre la sensibilité tactile, le port d'un masque diminue la ventilation pulmonaire et accélère l'apparition de la fatigue (moindre oxygénation donc moindre récu- pération…) qui, on le sait, diminue les performances et augmente les risques…). Les deux hypothèses que nous formulons quant à la maî- trise de la sécurité et de la qualité portent donc, en prio- rité, sur la compétence des groupes d'une part, sur les exigences temporelles d'autre part. Les collectifs doivent être formés mais ils doivent aussi pouvoir garder la maî- trise du temps pour ne pas faire "sauter" en priorité les exigences liées à la qualité et à la sécurité. Or il apparaît que tant le resserrement des coûts que la pression sur les délais sont deux facteurs "perturbants". LA GESTION DES FLUX PHYSIQUES DANS LE SECOND ŒUVRE : POINT D'ANCRAGE DE LA RECHERCHE Dans la réflexion générale sur les conditions de travail, la sécurité et la qualité sur les chantiers, très brièvement exposée ci-dessus, le transport des produits et des maté- riaux, leur stockage ainsi que les problèmes globaux de 11 L’enjeu de la qualité et de la sécurité 1. Qualité, sécurité, les hommes de l’art, in Le Moniteur, 04/02/94. circulation sur le chantier occupent une place spécifique et les questions posées apparaissent pour le moins encore mal résolues. Conditions de travail et sécurité ont en effet bénéficié ces dernières années d'une attention soutenue, sans toutefois parvenir à des résultats qui puissent être qualifiés de véri- tablement satisfaisants. Surtout, les recherches se sont principalement focalisées sur le gros œuvre, à juste titre compte tenu des données relatives aux accidents, mais cela a néanmoins conduit à une certaine stagnation des efforts entrepris pour améliorer les conditions de travail et de sécurité dans le second œuvre alors même que celui-ci prend de plus en plus d'importance dans le pro- cessus de construction. Sur le plan des accidents du travail, le secteur de la construction reste celui qui contribue le plus massive- ment et le plus gravement à l'ensemble des accidents qui surviennent annuellement. Le BTP représentait en France, en 1992, 8,6 % des effec- tifs salariés mais 21,7 % des accidents avec arrêt et 26,7 % des journées perdues par incapacité temporaire ainsi que 26,2 % uploads/Ingenierie_Lourd/ gest-flux.pdf

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