32 Le vocabulaire de la gastronomie : un vocabulaire éminemment français. Virgi

32 Le vocabulaire de la gastronomie : un vocabulaire éminemment français. Virginie Debaere 1. INTRODUCTION L’étude du champ lexical de la gastronomie constitue le deuxième volet de notre mémoire de licence1 qui comprend également une introduction consacrée au traitement des informations pragmatiques2 (marques d’usage, marques pragmatiques, etc.) dans les dictionnaires d’apprentissage3. La gastronomie, et la cuisine en général, est la résultante d’un grand nombre de facteurs. S’y retrouvent non seulement les apports d’usages étrangers, mais aussi l’empreinte de la religion, les effets de l’évolution des techniques, de l’économie, autarcique ou ouverte sur l’extérieur, l’influence des habitudes sociales et, naturellement, des modes et des conventions. Ainsi, au Moyen Age, plus on épiçait les plats, plus on faisait paraître son rang élevé dans la stratification sociale. Avec l’abandon de la cuisine épicée du Moyen Age, on exprimait le désir de retrouver le goût authentique des aliments. Un mouvement similaire a motivé l’apparition de la « nouvelle cuisine » à la fin des années 1960. L’exigence d’un retour aux saveurs naturelles s’est dessinée après les excès de la cuisine au beurre et des sauces. En d’autres termes, la cuisine s’est affinée et s’est perfectionnée à la cadence de la civilisation (Bollon et Buot 2000 : 92). Parallèlement, le vocabulaire gastronomique a évolué et s’est affiné pour rendre compte des techniques diverses, utilisées tant dans les grandes cuisines que dans le contexte non professionnel. L’objectif de notre étude lexicographique, c’est justement de fournir un « mini- dictionnaire » pour initier l’allophone au champ lexical de la source de plaisir et de délectation que constitue la gastronomie. Dans ce qui suit, nous expliquerons notre méthode de travail (v. 2). Ensuite, nous décrirons la macrostructure (v. 3) ainsi que la microstructure de notre « mini-dictionnaire » (v. 4), tout en illustrant le plan de la micro- structure par quelques extraits représentatifs de notre étude lexicographique (v. 4.2.). 2. MÉTHODE DE TRAVAIL Il importe de rassembler toutes les données susceptibles de contribuer à la réalisation de notre objectif principal, c’est-à-dire de fournir un « mini-dictionnaire », contenant toutes 1 Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur à notre mémoire de licence (Debaere : 2000), dirigé par les professeurs B. Lamiroy et J. Binon. 2 Un deuxième article, consacré aux informations pragmatiques sera publié ultérieurement dans Romaneske. 3 Les matériaux qui portent sur le vocabulaire de la gastronomie seront utilisés pour la réalisation du Dictionnaire d’apprentissage de français langue étrangère et seconde (DAFLES) qu’une équipe de profes- seurs de l’ « Interfacultair Instituut voor Levende Talen » de la KULeuven est en train d’élaborer avec l’aide d’un postdoctorat français. 33 les informations nécessaires pour employer correctement les notions-clés du champ lexical de la gastronomie. A ce dessein, nous avons eu recours à diverses sources : des ouvrages spécialisés sur la gastronomie, des dictionnaires généraux et spécialisés ainsi qu’un corpus électronique d’articles portant sur la gastronomie et comptant 2.577.801 mots. 3. LA MACROSTRUCTURE DU « MINI-DICTIONNAIRE » Une étude lexicographique du vocabulaire de la gastronomie couvre une réalité très étendue et parfois très spécialisée. Il va sans dire que nous ne pourrons envisager la totalité du vocabulaire gastronomique. Tel n’est nullement notre objectif. Notre étude vise plutôt à fournir un « mini-dictionnaire » des notions-clés du champ lexical de la gastronomie, en donnant toutes les informations dont l’allophone a besoin pour comprendre et produire le français propre à la bonne chère, et cela en maintenant un certain niveau de généralité. Les mots qui font l’objet d’une entrée autonome sont boire, manger, cuisine, gastronomie, assaisonnement, recette, plat. Le choix des entrées se justifie par leur fréquence dans le discours gastronomique et par leur importance primordiale dans la vie quotidienne dans le cas de boire, manger et cuisine. Pour chacune de ces entrées, nous avons également étudié leurs dérivés et les mots composés à partir du lexème de départ, comptant ainsi 670 mots. Le schéma ci-dessous présente l’ensemble des lexèmes analysés, classés ici dans l’ordre alphabétique : SUBSTANTIF (quoi?) SUBSTANTIF (qui ?) ADJECTIF VERBE un assaisonnement un assaisonneur, une assaisonneuse assaisonné, ée assaisonner une boisson le boire une beuverie une buvée un buvard une buvette un breuvage un pourboire un buveur, une buveuse buvable buveur, buveuse boire buvoter une cuisine une cuisinette une cuistance une arrière-cuisine un cuisinier, une cuisinière une cuisinière un cuisiniste un cuistot cuisiné, ée culinaire cuisiner gastronomie un, une gastronome gastronomique le manger une mangeaille une mangeoire un mange-tout un mangeur, une mangeuse mangeable manger mangeotter un plat un chauffe-plat un porte-plat un dessus-de-plat un dessous-de-plat une recette 34 Comme le montre le tableau des entrées et de leurs dérivés et des composés, le discours gastronomique emprunte beaucoup de mots au lexique général. En effet, un bon nombre de termes ont plusieurs sens, dont un seulement se rapporte à la gastronomie. Dans ce travail, nous nous limiterons aux acceptions qui relèvent du champ lexical qui nous préoccupe. Toutefois, par souci de complétude, nous avons retenu, à quelques reprises, un sens fréquent appartenant au français général. 4. LA MICROSTRUCTURE DES ENTRÉES Après avoir décrit le niveau macrostructurel de notre étude lexicographique, passons à la microstructure de nos articles, c’est-à-dire aux informations fournies sous chaque entrée selon une organisation interne préétablie. Cette microstructure, nous l’empruntons au DAFA (2000). Le plan microstructurel du DAFA se distingue de la plupart des diction- naires traditionnels par son approche onomasiologique. Les mots sont étudiés non séparément, mais en relation avec les notions qui s’y rattachent. Ainsi, les activités du cuisinier sont classées selon une organisation sémantique particulière, c’est-à-dire dans un ordre logique et chronologique de la préparation culinaire et donc non alphabé- tiquement. Les regroupements sémantiques que nous avons retenus sont les suivants : A. les opérations par lesquelles un aliment est réduit en morceaux : escaloper, concas- ser, … ; B. les opérations par lesquelles un aliment est préparé pour la cuisson, d’abord en ôtant ses parties non comestibles, et ensuite en faisant d’autres préparatifs précédant la cuisson : dérober, monder, lever, … ; C. toutes les variantes de cuisson de l’aliment : pincer, braiser, poêler, … ; D. les opérations par lesquelles on met au point le goût : relever, parfumer, adoucir, … ; E. les opérations de finition d’une préparation culinaire : fatiguer la salade, historier, …; F. les opérations indépendantes de la cuisson d’un aliment : imbiber, serrer, singer, … ; G. les opérations qui se rapportent aux pâtes et à de la pâte : souder, videler, fleurer, … Comme dans le DAFA, les informations fournies dans la microstructure visent à satisfaire les besoins de décodage et surtout d’encodage de l’apprenant (Binon et Verlinde 1998 : 438). Pour ce faire, conformément au DAFA, les relations entre les mots sont mises en valeur dans le but de résoudre les problèmes de communication d’apprenants de français langue étrangère ou seconde (FLES). Ainsi, les relations formelles entre les lexèmes sont présentées, plus particulièrement, par le biais de la mention systématique des dérivés de tous les mots traités dans nos articles. Les relations sémantiques entre les termes sont soulignées en traitant les notions sémantiquement reliées au mot-vedette4, synonymes et antonymes ou non, sous la même entrée et en les classant selon des repères sémantiques. Les relations syntaxiques sont explicitées par la mention des constructions syntaxiques possibles et les relations pragmatiques par le biais de multiples notes d’usage. En effet, l’article est organisé de manière à compléter pour l’apprenant en train de décoder ou d’encoder un message, les axes syntagmatique5 et paradigmatique6 sur lesquels se trouve le mot. 4 Le mot-vedette est synonyme de l’entrée. 5 L’axe syntagmatique est l’axe des collocations et des constructions syntaxiques. 6 L’axe paradigmatique est l’axe des corrélés : synonymes, antonymes, paronymes et homonymes. 35 4.1 Présentation détaillée de la microstructure 1. ENTRÉE + dérivés dans un tableau de dérivation. Substantifs : Qui ? Substantifs : Quoi ? Adjectifs Verbes 2. Unité lexicale : - prononciation - catégorie grammaticale 3. Définition + exemples : - marque d’usage - sens propre - sens figuré 4. Expressions : - à sens propre - à sens figuré 5. Collocations : définitions + exemples - collocations adjectivales - collocations nominales - collocations verbales 6. Pour en savoir plus : - synonymes de l’entrée - notes d’usage sur la fréquence d’emploi d’un mot - notes d’usage sur les contextes d’emploi d’un mot - notes sur la différence entre synonymes ou mots à sens proche - notes grammaticales et lexicologiques - notes métalexicographiques - lexèmes sémantiquement reliés à l’entrée - fonctions de communication - tableaux sémiques 7. Autres dérivés et composés de l’entrée 8. Liste de fréquence d’emploi 4.2 Illustration de la microstructure à l’aide d’extraits tirés de notre étude lexicographique Nous avons déjà souligné l’importance de l’approche onomasiologique pour l’apprenant de français langue étrangère ou seconde (FLES), étant donné qu’elle permet de résoudre ses problèmes de communication (v. 4). Les moyens lexicographiques pour présenter le vocabulaire gastronomique en rendant manifestes les relations sémantiques entre les mots sont multiples. Mentionnons à titre d’exemple les fonctions de communication pour évaluer un plat, la note d’usage uploads/Ingenierie_Lourd/ le-vocabulaire-de-la-gastronomie-un-vocabulaire-eminemment-francais.pdf

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