M M M Missions et évaluation des musées Une enquête à Bruxelles et en Wallonie
M M M Missions et évaluation des musées Une enquête à Bruxelles et en Wallonie DANS LA MÊME COLLECTION FRANÇOIS MAIRESSE M M M MISSIONS ET ÉVALUATION DES MUSÉES UNE ENQUETE A BRUXELLES ET EN WALLONIE L’HARMATTAN Collection Gestion de la Culture Dirigée par Jean-Michel TOBELEM © Editions de l’Harmattan, 2003 ISBN S S S SOMMAIRE Introduction Chapitre Premier. Définition, projet, mission La définition du musée De la définition au projet La réflexion stratégique dans les musées Chapitre 2. Evaluation/Justification/Projet : les indissociables Le concept d’évaluation Evaluation/justification L’évaluation à la lumière du projet Un essai de description Chapitre 3. A la recherche des méthodes d’évaluation Le temps des rapports d’activité Les enquêtes sur le public L’accréditation L’ouverture au marché : l’évaluation économique Les indicateurs de performance Le cas des bibliothèques Chapitre 4. Analyse d’un territoire de musées : Bruxelles et la Wallonie. Enquête sur les missions La méthode du questionnaire Les premiers résultats généraux Les missions des musées Une approche plus globale : la procédure logit Un essai de classification : le clustering Analyse/controverse Chapitre 5. Analyse d’un territoire de musées : Bruxelles et la Wallonie. Enquête sur l’évaluation Préparation de l’enquête Analyse générale Analyse des clusters Analyse factorielle des critères d’évaluation Conclusions Bibliographie Liste des principaux critères utilisés dans les deux enquêtes Index MISSIONS ET EVALUATION DES MUSEES 7 I I I INTRODUCTION La première évaluation Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre Et Dieu vit tout ce qu’Il fit. « Regardez », dit-t-Il « cela est très bon ». Il y eut un jour, il y eut un matin : ce fut le sixième jour. Le septième jour, Dieu se reposa. Son archange vint Lui demander : « Dieu, comment sais-tu que ce que tu as créé est « très bon » ? Quels sont tes critères ? Sur quelles données bases-tu ton jugement ? N’es-tu pas un peu trop proche de cet événement pour faire une évaluation juste et non biaisée ? » Dieu pensa à toutes ces questions durant le reste du jour et son repos fut fort troublé. Le huitième jour, Dieu dit « Lucifer, go to hell »1. On peut observer, depuis un quart de siècle, un véritable engouement pour le secteur patrimonial. Reflet des grandes 1 Dieu serait-il polyglotte ? (l’expression est difficilement traduisible). Halcolm, cité par NAGARAJAN N., VANHEUKELEN M., Evaluating EU Expenditures Programmes: A Guide, Luxembourg, Office for Offical Publications of the European Communities (DG XIX/02), 1997, p. 3 (ma traduction). MISSIONS ET EVALUATION DES MUSEES 8 mutations industrielles et du changement continu qui s’opère dans tous les secteurs de la vie, le recours au patrimoine apparaît comme un geste pour sauver la mémoire des années antérieures s’effaçant inexorablement. Tous les pays, toutes les villes veulent se doter de grandes institutions muséales, soit par la construction d’ensembles architecturaux grandioses à l’image de la prospérité future, soit par la restructuration de fond en comble des musées existants, afin d’accueillir un public toujours plus avide. Que l’on songe au Grand Louvre, au British Museum, aux constructions du Getty Institute ou de la Fondation Guggenheim. En Belgique, la construction du Parc d’Aventures scientifiques à Frameries, du Musée des Arts contemporains du Grand Hornu, du Centre de la Ville et de l’Architecture à Bruxelles ou du Musée de l’Industrie au Bois du Cazier présentent les reflets de cette bouillante activité constructrice. Paradoxalement, le monde des musées, reflet du passé, devient un secteur d’avenir, chargé de revitaliser une ville ou une région. Les musées ne sont d’ailleurs plus uniquement tournés vers la conservation du passé, mais de plus en plus vers l’exploration du présent et les perspectives du futur : l’art contemporain et les technologies de pointes s’offrent ainsi des vitrines importantes et spectaculaires. Un millénaire auparavant, l’Europe voyait surgir de toutes parts des cathédrales rivalisant d’audace architecturale et de splendeur pour magnifier la gloire de Dieu. En cette fin du XXe siècle, les musées semblent avoir repris le flambeau de la transcendance divine et le prestige des nouvelles constructions rejaillit sur les habitants du voisinage ou la communauté qui les environne, amenant les masses toujours plus nombreuses à s’interroger sur le passé, pour vivre le présent et préparer le futur. MISSIONS ET EVALUATION DES MUSEES 9 Cet élan constructeur génère toutefois des conflits sur la manière de concevoir et de gérer de tels projets. La croissance des musées, institutions du secteur non-marchand s’il en est, peut susciter des problèmes lorsque ceux-ci s’allient, afin de poursuivre leur développement, avec des partenaires issus d’organismes publics ou à but lucratif. La littérature spécialisée autant que les discussions entre gestionnaires et conservateurs rendent suffisamment compte des craintes de ces derniers : « Le risque, de toute manière, est grand de voir les spécialistes en audit financier étudier, sans délicatesse particulière, les inputs et les outputs de la politique artistique, y compris les outputs immatériels, si les gens de musée ne prennent pas eux-mêmes conscience qu’ils travaillent dans une branche florissante de l’industrie culturelle »2. A première vue, la raison de ces conflits paraît assez évidente. Deux conceptions radicalement différentes du projet muséal s’affrontent : pour les uns, le musée est une organisation à « rentabiliser »; pour les autres, c’est un conservatoire de collections destinées à être exposées et étudiées scientifiquement. Il est difficile, dans ces conditions, d’évaluer le développement des réalisations muséales ou encore de porter un jugement objectif sur leurs performances. L’évaluation est un sujet à la mode. Toutes les organisations, les musées compris, y sont confrontées. D’audit en analyse d’efficacité, d’évaluations des publics en évaluations économiques, une vague évaluative s’est abattue sur ces institutions, que rien ne préparait à priori à subir une telle analyse. Sans doute la conjoncture actuelle provoque-t-elle la multiplication des demandes de renseignements sur les agissements de n’importe quelle organisation. Il n’empêche 2 MICHAUD Y. L’artiste et les commissaires, Paris, Jacqueline Chambon, 1989, p. 180. Voir également THUILLIER J., L’« ingénierie culturelle », in Revue de l’Art, 103, 1995, p. 5-9. MISSIONS ET EVALUATION DES MUSEES 10 que la situation semble paradoxale. Le temps des musées, que l’on conçoit avant tout axé sur la « longue durée », accumulant au fil des décennies un patrimoine destiné à former les couches sédimentaires de la mémoire de l’humanité, est subitement confronté avec les faux-semblants de l’actualité. Le musée doit répondre de sa performance; non pas sur le long terme, mais sur ses derniers agissements. L’enjeu de l’évaluation est de taille, car celle-ci permet d’approuver ou de rejeter, non seulement les expériences muséales entamées durant les dernières années, mais parfois l’ensemble des acquis de plusieurs décennies de travail. La situation paradoxale de ces temples du savoir, subitement jugés sur des critères radicalement différents (voire opposés) à la nature de leur activité, peut sembler directement liée aux conceptions contradictoires qu’ont gestionnaires et conservateurs de l’institution dont ils avaient la charge. On peut assez rapidement remarquer que la vision du musée est nettement plus complexe qu’elle n’apparaît au premier abord. Il n’existe pas un seul projet mais une constellation de projets reliés entre eux ou, pour utiliser la métaphore de Deleuze et Guattari, un « rhizome »3. De même, le concept d’évaluation mérite lui aussi d’être pris dans une perspective plus vaste que la seule analyse quantitative (objective), cette dernière ne pouvant être précisée que par opposition à son contraire (qualitatif et intuitif). En effet, ce que l’on peut considérer comme faisant partie d’un processus évaluatif du musée n’est pas reconnu comme tel par bon nombre de 3 DELEUZE G., GUATTARI F., Mille plateaux, Paris, Editions de Minuit, 1980. Ces auteurs ne se réfèrent pas au musée. MISSIONS ET EVALUATION DES MUSEES 11 conservateurs; l’évaluation, au même titre que les musées, souffre de plusieurs acceptions différentes. Les débats, les conflits qui naissent – notamment – au niveau de l’évaluation reposent souvent sur des acceptions différentes, des visions fondamentalement dissemblables sur les projets du musée. En analysant le discours sous-jacent de l’évaluation, on retrouve des conceptions du musée et des conceptions du monde très différentes. Les conflits apparaissent alors comme inéluctables. Ces conflits peuvent également être imputés au « cloisonnement » et à la spécialisation qui prévalent de nos jours. Les protagonistes du travail muséal (conservateurs, éducateurs, gestionnaires, économistes, pouvoirs publics, etc.) sont des spécialistes, experts dans leurs disciplines respectives mais parfois fort « cloisonnés » par rapport à d’autres perspectives. Cette question des missions du musée, ainsi que celle de l’évaluation était au centre de la thèse de doctorat que j’ai eu l’occasion de défendre en 19984. La première partie de cette thèse, concernant le projet ou le « vouloir » muséal, a fait l’objet d’une première publication abordant les missions du musée dans une perspective historique5. C’est de la question de l’évaluation, ou de celle du « valoir », qu’il sera plus précisément question ici. Comment envisager le concept d’évaluation utilisé dans des domaines si diversifiés (on parle d’évaluation en philosophie, en 4 MAIRESSE F., Le vouloir et le valoir. Pour une réflexion globale sur le projet muséal, Université Libre de Bruxelles, Faculté de uploads/Ingenierie_Lourd/ missions-et-evaluation-des-musees 1 .pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
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