ISSN: 1699-4949 nº 16 (otoño de 2019) Varia Le parcours identitaire au sein des
ISSN: 1699-4949 nº 16 (otoño de 2019) Varia Le parcours identitaire au sein des xénographies francophones*: Maryam Madjidi, un exemple franco-persan Ana Belén SOTO Universidad Autónoma de Madrid anabelen.soto@uam.es Resumen En el presente artículo nos planteamos analizar la primera novela de Maryam Madji- di: Marx et la poupée. Galardonada con el Premio Goncourt a la primera novela 2017, la autora presenta en su texto una construcción narrativa en la que se pone de relieve la búsque- da identitaria intrínseca a la experiencia de desarraigo lingüístico y cultural bajo una perspec- tiva autoficcional. En este contexto, consideramos a Maryam Madjidi como un ejemplo pa- radigmático de las xenografías francófonas en femenino. Palabras clave: Escritura femenina. Identidad. Autoficción. Literatura francesa del siglo XXI. Abstract The main of this article is the critical study of Maryam Madjidi’s firs novel: Marx et la poupée. Laureate of the Prix Goncourt du Premier Roman 2017, the autor presents in this text a novelistic construction that highlights the quest for identity intrinsic to the experience of cultural and linguistic uprooting from an autofictional perspective. In this context, we are considered Maryam Madjidi as a paradigmatic example of feminine Francophones xeno- graphs. Keywords: Women’s writing. Identity. Autofiction. XXIth Century French Literature. Résumé Dans l’article qui suit, nous nous proposons d’analyser le premier roman de Maryam Madjidi : Marx et la poupée. Lauréate du Prix Goncourt du Premier Roman 2017, l’auteure présente dans ce texte une construction romanesque qui met en évidence la quête identitaire intrinsèque à l’expérience de déracinement linguistique et culturel sous une perspective auto- fictionnelle. Dans ce contexte, nous considérons Maryam Madjidi comme un exemple para- digmatique des xénographies francophones au féminin. Mots clé : Écriture féminine. Identité. Autofiction. Littérature française du XXIe siècle. * Artículo recibido el 3/09/2019, aceptado el 15/11/2019. Çédille, revista de estudios franceses, 16 (2019), 407-426 Ana Belén Soto http://cedille.webs.ull.es/16/20soto.pdf 408 0. Introduction Le terme xénographie comprend une vaste constellation de si- tuations liées à l’immigration, l’exil et au voyage volontaire dont la caractéristique principale est la rencontre avec l’altérité sous ses différentes manifestations (linguistiques, sociales, cul- turelles et idéologiques). Les xénographies occupent donc une place privilégiée dans la littérature européenne contemporaine articulée autour d’une diversité d’espaces et de champs litté- raires pluriels, indicatifs d’une identité littéraire européenne supranationale au-delà du paradigme national et personnel (Al- faro, 2013 : 15). La définition donnée du concept de xénographie par Margarita Alfaro met en évidence l’évolution du socle littéraire européen, désormais reflet de la mise en place de nouveaux paradigmes identitaires. Nombreux sont les intellectuels qui ont pris le chemin de la migrance et qui ont adopté le français comme langue d’écriture dans un parcours littéraire qui reflète les circonstances personnelles. C’est ainsi qu’« un exil forcé ou [...] un départ librement choisi, l’âge d’arrivée [...], la langue parlée dans le pays d’origine et dans le foyer [...], [représentent] de données [...] variables d’un indi- vidu à l’autre [qui] vont bien évidemment influencer les pratiques d’écriture » (Del- bart, 2005 : 115). Dans la mosaïque littéraire francophone, les étals des librairies sont un bel exemple de cette évolution, et nous y trouvons bon nombre d’ouvrages publiés par ces auteurs qui, venant d’ailleurs, ont embrassé la France et le français comme terre d’accueil et langue d’adoption. Nous assistons, en effet, à la mise en œuvre d’une nouvelle configuration des paradigmes littéraires qui reflète l’évolution de l’identité européenne au cours des dernières décennies. L’espace de création littéraire n’est plus circonscrit aux frontières géopolitiques : désormais l’écrivain venu d’ailleurs met en musique l’expérience de l’entre-deux. Dans le champ d’études des xénographies francophones en Europe, nous pouvons, en outre, reprendre la réflexion kristevienne pour souligner le rapport à autrui ressenti par ces écrivains, car « en France, en cette fin de XXe siècle, chacun est destiné à rester le même et l’autre : sans oublier sa culture de départ, mais en la relativisant au point de la faire non seulement voisiner, mais aussi alterner avec celle des autres » (Kristeva, 1988 : 288). Le critique met l’accent sur l’aspect interculturel de ces écrivains qui, tout comme elle, n’hésitent pas à mettre en valeur les différents volets identitaires qui les définissent. C’est ainsi que Julia Kristeva, née en 1941 à Silven (Bulgarie), se présente comme une « citoyenne européenne, de nationalité française, d’origine bulgare et d’adoption américaine » (Kristeva, 2013 : en ligne). Tveztan Todorov, lui aussi d’origine bulgare (né à Sofia en 1939), représente un autre exemple de cette appartenance identitaire multiple qui n’hésite pas à définir la relation établie avec les différents pays qui ont forgé son identité : Çédille, revista de estudios franceses, 16 (2019), 407-426 Ana Belén Soto http://cedille.webs.ull.es/16/20soto.pdf 409 La Bulgarie est [le pays] où j’ai grandi […]. La France est le pays où je vis, […] et dont je me sens citoyen. Les États-Unis sont un lieu où je me rends pour exercer ma profession, où je rencontre des collègues plutôt que des compatriotes (Todorov, 1996 : 26). L’écrivain devient alors un virtuose qui joue avec l’héritage aussi bien de la culture d’adoption que de la culture d’origine. Le résultat de cette expérience litté- raire varie d’un auteur à l’autre. D’après Véronique Porra (2011 : 79) nous pouvons distinguer trois manières d’appréhender cet univers de création : D’aucuns choisiront de consacrer leur œuvre à leur pays d’origine, par nostalgie, parce que c’est ce qu’ils maîtrisent le mieux, peut-être aussi parce que c’est ce que l’on attend d’eux dans une certaine perspective exotique ; d’autres évoqueront leur expérience de l’exil et, ce faisant, leur expérience du pays d’accueil et y verront une façon de verbaliser leur écartèlement voire leur mal-être dans l’expérience de l’écriture du passage et de la recherche identitaire ; d’autres enfin, plus rarement, cher- cheront à sortir de cette dialectique origine/entre-deux et con- sacreront leurs romans à de tout autres problèmes, se refusant à l’écriture identitaire, à l’explication, à la problématisation de leur situation identitaire au niveau littéraire : on peut alors se demander s’il faut y voir un acte de refoulement ou d’ultime volonté d’identification avec le reste du monde littéraire fran- çais dans lequel ils chercheraient à s’intégrer. À ce stade de la réflexion, nous convoquons la figure de Maryam Madjidi (née à Téhéran en 1980), lauréate du Prix Goncourt du Premier Roman en 2017, dans l’objectif d’illustrer l’essor de cette littérature interculturelle où l’expérience de l’entre-deux devient source d’inspiration et de réflexion. Marx et la poupée est une fiction où l’auteure déploie une recherche du sujet arraché à sa terre d’origine et, par conséquent, intimement liée au questionnement identitaire. Le roman est divisé en trois parties de longueur inégale et intitulées : « première naissance » (Madjidi, 2017 : 7), « deuxième naissance » (Madjidi, 2017 : 89) et « troisième naissance » (Madjidi, 2017 : 167). Ces trois volets narratifs, à la première personne, dont les titres sont fort évocateurs, puisent dans l’expérience vécue pour aborder les trois moments clés dans l’évolution de la construction identitaire de Maryam, une jeune iranienne qui garde non seulement l’identité onomastique de l’écrivaine, mais aussi des traits biogra- phiques. La romancière retrace ainsi dans un texte fragmentaire la construction d’une identité franco-persanne où le questionnement sur la langue est au cœur d’un récit qui dessine le parcours d’un enfant en situation d’exil. C’est dans ce contexte que nous ébaucherons dans un premier temps, le parcours bioromancé de Maryam Mad- Çédille, revista de estudios franceses, 16 (2019), 407-426 Ana Belén Soto http://cedille.webs.ull.es/16/20soto.pdf 410 jidi et que nous esquisserons son rapport aux sources franco-persanes citées dans le texte et participant des xénographies francophones. Nous nous attarderons par la suite au projet scriptural de l’auteure, et plus précisément au surgissement de l’écriture madjidienne. Finalement, nous analyserons l’expérience de déracinement vécue par cette jeune fille, homonyme de l’auteure, lors de son arrivée en France à travers son rapport à l’espace, à la culture et à la langue. 1. Le parcours bioromancé de Maryam Madjidi Nous marchons tous les trois dans la rue. Je suis assise sur les épaules de mon père, j’ai à peine un an. Un couple et son en- fant qui se promènent. Rien de plus banal. À côté de mes couches, dans ma grenouillère, des comptes rendus des réu- nions du parti d’opposition pour lequel mes parents militent. Mes parents doivent apporter ces documents à une autre an- tenne située plus loin dans la ville. Mon père avait eu la bril- lante idée d’enrouler ces documents dans du plastique et de les glisser à côté de mes couches. Il était sûr que la milice n’allait pas exiger de fouiller un bébé. En effet, l’idée était si ingénieuse qu’on me prêtait à d’autres camarades qui devaient accomplir la même mission : transmettre d’autres comptes rendus à d’autres antennes. J’étais devenue l’enfant du Parti, un grand désespoir de ma grand-mère qui s’arrachait les cheveux en voyant qu’on prêtait sa petite-fille comme une chose et qu’on l’utilisait au service de la politique (Madjidi, 2017 : 33). C’est ainsi que Maryam vit les premières années de uploads/Litterature/ 20-soto.pdf
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- Publié le Sep 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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