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Plate-­‐forme internet sur la littératie www.forumlecture.ch | www.leseforum.ch – 3/2010 1 Les littéracies universitaires : Influence des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit Isabelle Delcambre et Dominique Lahanier-­‐Reuter Résumé Cet article présente d’une part une réflexion générale sur la didactique de l’écrit à l’université. Les auteures proposent de donner à ce champ de recherche relativement nouveau, qui se situe au confluent de recher-­‐ ches ancrées en Sciences du langage et en Didactique du français, le nom de « littéracies universitaires ». Elles présentent les recherches menées dans ce champ depuis les années 1995, en interrogeant diverses conceptions des difficultés rencontrées par les étudiants face à l’écriture. Elles précisent également les liens qu’entretiennent ces recherches avec les problématiques de l’écriture professionnelle. Enfin, elles montrent les spécificités de ce champ de recherche par rapport au champ anglo-­‐saxon des Academic Lite-­‐ racies. Dans cet article, d’autre part, sont présentés des résultats partiels d’une recherche menée en France sur les pratiques d’écriture déclarées par des étudiants en Sciences Humaines. Cette recherche analyse les répon-­‐ ses à un questionnaire d’environ 450 étudiants, inscrits dans cinq disciplines différentes (Lettres Modernes, Sciences du langage, Sciences de l’Education, Psychologie et Histoire) et aux cinq niveaux universitaires (depuis la 1° année de Licence jusqu’à la 2° année de Master). La structure de cette enquête permet d’interroger l’effet des deux variables (la discipline et le niveau d’études) sur les représentations des étudi-­‐ ants à propos des pratiques d’écriture à l’université et de décrire des phénomènes de rupture ou de conti-­‐ nuité qui permettent de mieux comprendre les problèmes que rencontrent les étudiants, jusqu’à un niveau avancé. Mots-­‐clés Didactique de l’écrit universitaire, difficultés des étudiants, genres du discours ⇒ Titel, Lead und Schlüsselwörter auf Deutsch am Schluss des Artikels Auteures Isabelle Delcambre UFR des Sciences de l’Education Université Charles-­‐de-­‐Gaulle-­‐Lille3 BP 60149 F-­‐59653-­‐Villeneuve d’Ascq Cedex mailto:isabelle.delcambre-­‐derville@univ-­‐lille3.fr Dominique Lahanier-­‐Reuter mailto:dominique.reuter@numericable.fr Delcambre & Lahanier-­‐Reuter 2 Les littéracies universitaires : Influence des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit Isabelle Delcambre et Dominique Lahanier-­‐Reuter Les étudiants ont des difficultés d’écriture. Cela sonne comme une évidence. Cet énoncé rencontre tous les autres qui déroulent dès le début du cursus scolaire le même type de constats ou de déplorations, liés à la nature même de la formation scolaire ou académique, dont un des objectifs globaux est de faire entrer dans l’univers de l’écrit des élèves ou des étudiants qui en sont plus ou moins éloignés, selon les cas. L’analyse des difficultés d’écriture des étudiants repose sur des présupposés relativement différents, selon les théories sous-­‐jacentes de l’écriture, de son apprentissage, des relations entre écriture et lecture, des relations entre pratiques formelles et pratiques informelles de l’écriture, selon également les conceptions théoriques des textes ou des écrits attendus, de leurs relations avec les activités intellectuelles de restituti-­‐ on/élaboration des savoirs, etc. Divers champs de recherche s’intéressent à ces questions, et un des objectifs de ce texte est de proposer quelques éléments de cadrage sur la constitution du champ de recherche qui se donne comme objectif d’analyser l’écriture à l’université, les genres d’écrits qui y sont produits et les formes d’un apprentissage continué de l’écriture en contexte universitaire. A l’issue de ces considérations sur les champs de recher-­‐ che, nous présenterons quelques résultats issus d’une recherche en cours sur les pratiques d’écriture à l’université telles qu’elles peuvent être reconstruites à partir de déclarations d’étudiants interrogés par questionnaires (dite recherche EUIPM, acronyme du titre « Les écrits à l’université : inventaires, pratiques, modèles ») 1. L’analyse des pratiques de lecture et d’écriture à l’université: un champ de recherches en émergence De nombreux champs de recherche prennent pour objet les pratiques universitaires. Nous nous en tien-­‐ drons ici aux recherches menés en France et en Belgique, sachant que de très nombreuses études ont été menées en Europe, en Amérique (du Nord et du Sud) et en Australie, mais notre propos n’est pas ici d’en faire une synthèse1. Depuis la fin des années 90, en France et en Belgique, des chercheurs, linguistes ou didacticiens, travaillent à analyser et décrire les difficultés des étudiants face à l’écriture (et face à la lecture), qu’elle soit académi-­‐ que ou de recherche. Des ouvrages2, des livraisons de revues3, des colloques font état d’un réel champ de recherche, que nous présenterons succinctement ci-­‐après. D’autres champs avaient antérieurement déjà exploré les questions des pratiques d’études à l’université ; il s’agit essentiellement, dans le domaine francophone européen, des recherches sociologiques et psycho-­‐ pédagogiques4. Les premières, les plus anciennes, portent sur de nombreux aspects du travail étudiant, leurs pratiques d’études tout autant que leur vie sociale, leurs contraintes économiques, etc. ; dans la li-­‐ gnée de l’ouvrage de Pierre Bourdieu et Jean-­‐Claude Passeron, Les Héritiers, elles s’intéressent à la descrip-­‐ tion et à la compréhension des mécanismes de reproduction/sélection sociale à l’œuvre dans la réussite ou l’échec des étudiants. Les secondes sont le fait d’un courant fort productif également, qui s’intéresse aux 1 Pour une présentation des recherches nord-­‐américaines et de leurs rapports avec certaines des recherches européennes, voir Donahue, 2008. 2 Pollet, 2001 ; Defays, Englebert, Pollet, Rosier & Thyrion, 2008. 3 Boch, Laborde-­‐Milaa & Reuter, 2004 ; Brassart, 2000 ; Dabène & Reuter, 1998; Delcambre & Jovenet, 2002 ; Pollet & Boch, 2002. 4 Nous développerons ici essentiellement le premier courant, ne voulant pas transformer cet article en bilan exhaustif, ce que font par ailleurs deux notes de synthèse récentes, Alava & Romainville, 2001 et Rey, 2005. Delcambre & Lahanier-­‐Reuter 3 activités cognitives et métacognitives des étudiants, notamment dans certaines activités de travail (voir, parmi les travaux francophones, ceux de Marc Romainville, par exemple, sur le rôle de la métacognition dans la réussite à l’université). Mais l’analyse des pratiques d’écriture à l’université est, au sein des champs de recherche linguistiques et didactiques, un phénomène récent (et déjà complexe). A l’origine de ces recherches, se trouvait la question des relations entre l’écriture à l’université et la con-­‐ struction des savoirs (Dabène & Reuter, 1998 ; Brassart, 2000), cette relation étant pensée comme un cadre général pour l’analyse des pratiques de lecture et d’écriture à l’université et des difficultés rencontrées par les étudiants confrontés à de nouveaux corps de savoirs. Poser que l’écriture peut (doit ?) faire l’objet d’un apprentissage continué à l’université met en évidence, dès ces premières recherches, la nécessité de décrire les objets textuels généralement pratiqués dans les études universitaires, d’en repérer les spécificités, et notamment celles qui posent plus particulièrement problème aux étudiants, afin d’en faciliter l’enseignement et l’appropriation : en effet, ces difficultés sont souvent liées à des genres discursifs nouveaux (rapports de stage, mémoires, etc.), à des pratiques nouvel-­‐ les (l’écriture de recherche), à la distance entre culture écrite des étudiants et pratiques de l’écrit à l’université (Delcambre & Jovenet, 2002), ou encore à des caractéristiques de l’écriture scientifique (la po-­‐ lyphonie et les pratiques de citation ou de reformulation, par exemple, voir Boch & Grossmann, 2001). Dans certaines des publications (Pollet & Boch, 2002, Boch, Laborde-­‐Milaa & Reuter, 2004), émergent, plus ou moins explicitement, des interrogations autour des relations entre écriture(s) et disciplines universitai-­‐ res. La prise en compte de ces relations permet de déplacer l’analyse des difficultés d’écriture des étudi-­‐ ants, comme nous le verrons ci-­‐après. Elle ouvre des perspectives théoriques nouvelles qui sont aujourd’hui développées par des chercheurs qui dialoguent avec les courants américains WAC (Writing across the Cur-­‐ riculum) et WID (Writing in the Disciplines) et le réseau universitaire britannique AcLits (Academic Litera-­‐ cies). 1.1 Littéracies universitaires, didactique de l’écrit, sciences du langage Les recherches évoquées ci-­‐dessus sont le fait essentiellement de chercheurs en Sciences du langage ou en Didactique du français. Cependant, ces deux disciplines n’entrent pas dans le même type de relation avec le champ des littéracies universitaires. En effet, à la différence des Sciences du langage, l’université n’est pas un terrain naturel pour la didactique du français. La didactique de l’écriture, sous-­‐domaine de la didactique du français qui s’est fortement développé depuis les années 1980 et qui a produit nombre de résultats et de concepts (Barré-­‐de Miniac, 1995), tire sa cohérence de l’analyse et de la description de l’enseignement et de l’apprentissage de l’écriture aux niveaux scolaires où l’écriture est un objet disciplinaire, référé à la disci-­‐ pline « français », c’est-­‐à-­‐dire les classes du collège, du lycée, ou de l’école primaire où, à côté de la gram-­‐ maire, de l’orthographe, de la lecture, de la littérature, etc., se trouve un objet d’apprentissage qui a nom écriture. Or, une telle discipline n’existe pas à l’université. Les contenus de la discipline scolaire que l’on appelle le français sont construits par référence aux contenus de savoir élaborés par les disciplines universitaires que sont la littérature, les sciences du langage, la communication. Si les didactiques poursuivent le but de pro-­‐ duire des connaissances sur les spécificités disciplinaires de l’apprentissage et de l’enseignement scolaire (Reuter, 2007, p. 69), cette définition, produit de l’histoire des didactiques en France et dans les pays de la francophonie, n’est pas sans poser problème lorsqu’on envisage de constituer l’analyse de uploads/Litterature/ 2010-3-delcambre-lahanier.pdf

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