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HAL Id: tel-01143931 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01143931 Submitted on 20 Apr 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir John Raby To cite this version: John Raby. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir. Art et histoire de l’art. Université Rennes 2, 2015. Français. <NNT : 2015REN20011>. <tel-01143931> THÈSE / UNIVERSITÉ RENNES 2 sous le sceau de l’Université européenne de Bretagne pour obtenir le titre de DOCTEUR D’ARTS PLASTIQUES Ecole doctorale Arts, lettres, langues (ED 506) présentée par John Raby Préparée à l’Unité de recherche EA 3208 Université Rennes 2 Arts : pratiques et poétiques Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir. Thèse soutenue le 31 janvier 2015 devant le jury composé de : Lezeck BROGOWSKI Professeur Université Rennes 2 / directeur de thèse Denis BRIAND Professeur Université Rennes 2 / examinateur Béatrice RAMAUT CHEVASSUS Professeur Université de St Etienne / examinatrice Pierre SAUVANET Professeur Université Bordeaux 3 / examinateur Raby, John. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir - 2015 Raby, John. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir - 2015 3 Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir Raby, John. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir - 2015 Raby, John. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir - 2015 5 « Et un jour, peut-être, les propositions qu’il nous fait, encore obscures, d’être ouvertes à tous les vents et repliées sur elles-mêmes, seront devenues étrangement claires, car elles seront nôtres1. » « Ne saurons jamais rien là dessus. Inutile de chercher. Des boules de gaz qui tournent, qui se croisent, qui passent. Toujours la même ritournelle2. » INTRODUCTION 1. Gilles Deleuze : une voix… L’impulsion première de ce travail fût la voix de Deleuze. Lors du visionnage de l’Abécédaire, un charme instantané, proprement musical, se développe à partir des divers timbres et rythmes de la voix du philosophe. De nombreux témoignages nous ont conforté depuis dans cette impression. René Schérer parle des « inflexions pénétrantes de ce ton qui composait son charme inimitable », allant jusqu’à dire que « son art philosophique fut la composition de son charme3. » Alain Roger évoque une « voix de gorge un peu enrouée 4», tandis que Pierre Péju retient une « voix éraillée5 ». Pascale Criton se remémore une « voix légèrement traînante [qui] laissait s’infiltrer d’imperceptibles fragmentations de temps6 », quand Yves Mabin Chennevière insiste sur sa « beauté âpre », faisant du ton deleuzien l’instrument « d'une musique intérieure inégalée […]7.» Pour Roger Pol-Droit, la voix de Deleuze était « très étrange, retenue et 1 Raymond Bellour, « Gilles Deleuze. Un philosophe nomade », Magazine Littéraire n° 257, septembre 1988, p. 14. 2 James Joyce, Ulysse. Tome 1, Paris, Gallimard, 1978, p. 243. 3 René Schérer, « Un mysticisme athée », Deleuze épars, textes recueillis par André Bernold et Richard Pinhas, Paris, Hermann, 2005, p. 21. 4 Alain Roger, « Gilles Deleuze », Portraits de maîtres. Les professeurs de philosophie vus par leurs élèves, sous la direction de Jean-Marc Joubert et Gilbert Pons, Paris, CNRS éditions, 2008, p. 153. 5 Pierre Péju, « Passages de Gilles Deleuze », La Quinzaine Littéraire n°686, février 1996, p. 18. 6 Pascale Criton, « L’Invitation », Deleuze épars, op. cit., p. 57. 7 Yves Mabin Chennevière, « Gilles, l'ami », La Quinzaine Littéraire n°686, février 1996, p. 16. Raby, John. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir - 2015 incisive, sans arrogance aucune et cependant insistante1 […].» Dans un élan poétique, il la compare à une « rivière de montagne : rapide, caillouteuse, avec une inimitable intrication de clarté et d'hésitation2. » Il fera ainsi de Deleuze non pas un « causeur » mais un « parleur », c'est-à-dire quelqu’un « qui invente quelque chose d'étrange avec la voix, qui fraie des chemins nouveaux3. » Bruno Heuzé finit par se demander « comment ne pas entendre de la musique dans l’allure même de l’expression orale de Gilles Deleuze, comme grand improvisateur et dans le timbre singulier de sa propre voix4. » Philippe Mengue va même jusqu’à penser que cette voix « flexueuse » enveloppe toute la philosophie du devenir. Toutes ces descriptions gravitent, nous semble-t-il, autour de ce que Barthes avait nommé le « grain de la voix », ce point de contact, de « friction », où le langage rencontre la singularité, la « matérialité » d’une voix qui tire le langage vers une musique5. Deleuze avait d’ailleurs bien conscience des implications expressive de la voix comme intensité. Ainsi a-t-il consacré un article à l’usage novateur des voix dans le théâtre de son ami Carmelo Bene6. Concernant l’enseignement, il déclarait : « Les cours, c’est une sorte de Sprechgesang, plus proche de la musique que du théâtre. Ou bien rien ne s’oppose en principe à ce qu’un cours soit un peu comme un concert rock7. » Ne souhaitait-il pas d’ailleurs faire d'un cours de philosophie l'équivalent d'une 1 Roger Pol-Droit, « Deleuze comme musique et comme monde », Le Monde des Livres, 15 avril 2001, p. 7. 2 Roger Pol-Droit, « www.imaginet.fr/deleuze », Le Monde, 19 mai 2000, p. 17. L'auteur demandera d'ailleurs au philosophe s'il ne pratiquerait pas une forme de yoga qui expliquerait cet art de la respiration (voir Roger Pol-Droit, « Lettre ouverte à Gilles Deleuze », Le Monde, 14 septembre 1990, p. 23). 3 Roger Pol-Droit, « www.imaginet.fr/deleuze », Le Monde, op. cit., p. 17. 4 Bruno Heuzé, « La Musique », Aux Sources de la pensée de Gilles Deleuze, sous la direction de Stéfan Leclercq, Bruxelles, Les Éditions Sils Maria, 2005, p. 116. 5 Roland Barthes, Œuvres complètes. Tome III, 1974-1980, édition établie et présentée par Éric Martin, Paris, Seuil, 1995, p. 1440. Le charme de la voix deleuzienne pourrait en effet s’expliquer par ce grain qui, pour Barthes, instaure un rapport érotique entre la voix et celui qui l’écoute. (voir Ibidem, p. 1774). 6 Gilles Deleuze, Deux Régimes de fous, Paris, Minuit, 1955, p. 173-174. 7 Gilles Deleuze, Pourparlers, Paris, Minuit, 1990, p. 190. Deleuze réitère l’exemple du Sprechgesang dans l’Abécédaire (voir « P comme Professeur »). Raby, John. Gilles Deleuze : musique, philosophie et devenir - 2015 7 chanson de Bob Dylan1? Toujours est-il qu’il a déclamé un aphorisme de Nietzsche sur la musique du groupe Schizo, fondé par, son élève Richard Pinhas2, un peu comme si la diction philosophique était devenue à part entière musicale, s’éloignant de la part conceptuelle pour rejoindre la part affective du chant3. Dans l’Abécédaire, comme dans les enregistrements des cours donnés à Vincennes, cette voix deleuzienne, par sa nature expressive, semble mettre en évidence la manière dont les concepts évoluent, se métamorphosent, se développent, s’échangent, reviennent sur certains de leurs aspects, accélèrent ou prennent un virage imprévu. C’est ainsi que la voix « trace ces rythmes, ces mouvements de l’esprit dans l’espace et le temps4. » Se manifeste alors la part non abstraite du concept, autrement dit sa matière expressive, le 1 « Professeur, je voudrais arriver à faire un cours comme Dylan organise une chanson, étonnant producteur plutôt qu'auteur. » (Gilles Deleuze, Dialogues, Paris, Flammarion, 1996, p. 14-15). 2 Il s’agit de l’aphorisme 638 d’Humain, trop humain intitulé « Le voyageur ». L’enregistrement se trouve sur l’album du groupe Heldon, Electronique Guerilla, Paris, Disque Disjuncta, 1974. Stéfan Leclerq commente cet événement en ces termes : « Il s'agit là d'une réelle pop' philosophie où le texte ne vaut plus pour lui-même, donc comme objet d'étude d'une histoire, mais vit par la musique un devenir comme ligne de fuite traversant les catégories et les mentalités. » (Stéfan Leclerq, « La Réception posthume de l’œuvre de Gilles Deleuze », Gilles Deleuze, héritage philosophique, coordonné par Alain Beaulieu, Paris, Presses Universitaire de France, 1995, p. 151). 3 Et c’est ce que laisse confirmer, a posteriori, un disque en hommage à Deleuze (Folds and Rhizome) paru sur le label belge de musique électronique Sub Rosa. Tobias Hazan et David Shea, dans leur composition « Rhizome : No Beginning No End, remixent des extraits audio de la voix de Deleuze issus de l’Abécédaire (Tobias Hazan et David Shea, « Rhizome : No Beginning No End », Folds and Rhizomes, Sub Rosa, 1996). Dans une nouvelle édition faite par le même label, toujours en hommage à Deleuze, nommée Double Articulation, les extraits audio de Deleuze ne sont cette fois même plus mixés mais présentés tels quels, comme si la voix de Deleuze était reconnue comme une musique à elle seule (Pierre-Yves Macé, Musique et documents sonores. Enquête sur la phonographie documentaire dans les pratiques musicales contemporaines, Paris, Les Presses du Réel, 2012, p. 36-38). Ainsi sont uploads/Litterature/ 2015-these-raby-j.pdf

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