AAM, 15 (2008) 31-40 REMARQUES SUR LE RECUEIL IBĀḌITE-WAHBITE SIYAR AL-MAŠĀ’IḪ

AAM, 15 (2008) 31-40 REMARQUES SUR LE RECUEIL IBĀḌITE-WAHBITE SIYAR AL-MAŠĀ’IḪ : RETOUR SUR SO ATTRIBUTIO* Allaoua AMARA* Université Émir Abdelkader - Constantine BIBLID [1133–8571] 15 (2008) 31-40 Resumen: El presente artículo gira en torno a uno de los diferentes aspectos de la vida intelectual de los ibadíes durante la Edad Media en el Magreb. Se trata del estudio de la producción y transmisión de textos ibadíes medievales, cuya principal característica es el surgimiento de una literatura biográfica, a través de un estudio sobre manuscritos atribuidos, desde hace tiempo, a al-Wisy∑n√, el Siyar al-maì∑’iḫ. Éste último es el resultado de la compilación de tres textos biográficos de los cuales proponemos una nueva autoría. Palabras Clave: Historia de textos de Arabia; Ibadismo; Textos medievales; Al-Wisy∑n√. Abstract: This article focuses on one of the various aspects of the intellectual life of Ibadis during the Middle Ages in the Maghreb. It investigates the production and transmission of Ibadi medieval texts characterized by the emergence of a biographic literature, through a study of manuscripts attributed long time ago to al-Wisy∑n√. entitled Siyar al-maì∑’i ḫ. This manuscript is the result of the compilation of three biographical texts for which we propose a new authorship. Key Words: Arabian Text History; Ibadi movement; Ibadiyya; Medieval Texts; Al-Wisyānī. * Je tiens à remercier Annliese Nef, maître de conférences à l’Université Paris IV, pour sa relecture et ses suggestions. * E-mail: amara.allaoua@caramail.com ALLAOUA AMARA AAM, 15 (2008) 31-40 32 0. Introduction L’intérêt porté aux manuscrits ibāḍites-wahbites est ancien. Après la pénétration coloniale dans les territoires ibāḍites gouvernés par les élites locales, nommées ‘azzābī-s(1), des inventaires de manuscrits ont pu être dressés par les premiers arabisants qui voulaient connaître l’organisation socio-religieuse des communautés ibāḍites. Émile Masqueray(2) s’intéressa le premier à ces manuscrits et traduisit notamment en 1878 la partie du Kitāb siyar al-a’imma d’al-Wārğilānī qui s’apparentait à une chronique sous le titre, La Chronique d’Abou Zakaria. À la même période, A. de Calassanti Motylinski approfondit les investigations sur les manuscrits ibāḍites et établit le premier catalogue de quelques bibliothèques savantes en 1885(3). En 1927, un autre polonais, Zygmunt Smogorzewski(4), fit paraître un essai de bio-bibliographie ibāḍite- wahbite. Enfin, la troisième bibliographie des manuscrits ibāḍites-wahbites du M’zab fut l’œuvre de l’islamologue allemand Joseph Schacht, qui séjourna au M’zab de décembre 1952 à janvier 1953, et publia une liste des bibliothèques savantes du M’zab ainsi qu’un inventaire de manuscrits de la bibliothèque de Muḥammad b. Yūsuf Aṭfiyyaš.(5) En 1970, Amar Khalifa Ennami, un chercheur ibāḍite du Djebel Nefoussa, publia une description de quelques nouveaux manuscrits ibāḍites(6). Dans les dix dernières années du XXe siècle, des associations locales du M’zab, notamment (1) Le mot ‘azzāba renvoie à l’éloignement des femmes, des enfants et de l’argent nécessaire pour se consacrer au service des ibāḍites. Par extension le mot ‘azzābī évoquerait également la notion de célibat. Cf. al-Darğīnī, Kitāb ṭabaqāt al-mašā’iḫ bi-l-Maġrib, éd. Ibrāhīm Ṭallāy, Maba‘at al-ba‘ṯ, Constantine, 1974, 2 vols., vol. I, p. 3-4 ; Brahim Fakhar, Les communautés ibadites en Afrique du Vord (Lybie, Tunisie et Algérie) depuis les Fatimides, Thèse de Doctorat d’État, Université Paris- Sorbonne, 1971, p. 132, Claude Grossmann, Aperçu sur l’histoire religieuse des Ibâḍites du Mzab en Algérie (la Sīrat al-ḥalqa d’Abū ‘Abd Allāh Muḥammad ben Bakr), Thèse de Doctorat 3e cycle, Université Paris- Sorbonne, 1976, p. 38. (2) Il est notamment l’auteur de Formation des cités chez les populations sédentaires de l’Algérie (Kabyles de Djurjura, Chaouîa de l’Aurâs, Beni Mezâb), Paris, Ernest Leroux, 1886. (3) De Calassanti Motylinski, « Bibliographie du Mzab », Bulletin de correspondance africaine, 3 (1885), p. 15-72. (4) « Essai de bio-bibliographie ibadite-wahbite, avant propos », Rocznik Orientalistyczny, V (1927), p. 45-47. (5) J. Schacht, « Bibliothèques et manuscrits abadites », Revue africaine, 100 (1956), p. 375-398. (6) Amar Khalifa Ennami, « A Description of new Ibadi Manuscripts from North Africa », Journal of Semitic Studies, 15 (1970), p. 63-87. REMARQUES SUR LE RECUEIL IBĀḌITE-WAHBITE AAM, 15 (2008) 31-40 33 celle du Patrimoine, ont procédé à la localisation, à l’identification et au catalogage de quelques milliers de manuscrits. Les collections du Dār al- Talāmī à al-‘Aṭf, de Muḥammad b. Yūsuf Aṭfiyyaš à Beni Isguen et de Babānū al-Ḥāğğ Muḥammad b. Yūsuf à Ghardaïa sont les plus importantes des communautés ibāḍites d’Algérie(7). Cette importance accordée aux textes ibāḍites n’a pas été suivie d’études sérieuses sur les voies de transmission des textes(8). Parmi les textes les plus répandus et les plus exploités par les chercheurs figure le recueil de biographies, attribué depuis une quarantaine d’années à Abū l-Rabī‘ al-Wisyānī (m. après 557/1161), qui fait l’objet de mes propos. 1. D’al-Wisyānī à al-Wārğilānī Tadeusz Lewicki a été sans doute le premier chercheur à avoir exploité largement le recueil des Siyar qu’il a attribué alternativement à un auteur anonyme ou, parfois, à Abū l-Rabī‘ al-Wisyānī, un traditionniste et biographe ibāḍite-wahbite de la région du Djerid dans le sud de l’Ifrīqiya au VIe/XIIe siècle(9). Dans tous ses travaux sur les ibāḍites-wahbites du Maghreb(10), publiés (7) Sur les fonds de manuscrits algériens, cf. Mokhtār Hassānī, « Algeria », World Survey of Islamic Manuscripts, London, al-Furqān Islamic Heritage Foundation, 1994, vol. IV, p. 3- 35 ; Djamil Aïssani, « Les manuscrits du Maghreb », Les trésors manuscrits de la Méditerranée, Paris, Faton, 2005, p. 210-242. (8) À l’exception peut-être du travail qui a été fait par T. Lewicki, « Les historiens, biographes et traditionnistes ibāḍites-wahbites de l’Afrique du Nord du VIIIe au XVIe siècle », Folia Orientalia, III (1961), p. 1-134. (9) Abū l-Rabī ‘ Sulaymān b. ‘Abd al-Salām al-Wisyānī appartient, comme l’indique sa nisba, à une fraction des Zanāta, les Banū Wisyān ou les Banū Wāsīn. Celle-ci habitait la région de Qasīliyya. Sa date de naissance nous est inconnue, mais le biographe al-Darğīnī le classe parmi les membres de la quatrième classe ibaḍīte ayant vécu entre 550/1155 et 600/1203. Il fut l’une des grandes figures de la ḥalqa ibāḍite au VIe/XIIe siècle. Sur la vie d’al-Wisyānī, on se reportera à al-Darğīnī, op. cit., vol. II, p. 513. (10) Lewicki, « Le rôle du Sahara et des Sahariens dans les relations entre le Nord et le Sud », Histoire générale de l’Afrique, Paris, Unesco/Nea, 1990, vol. III, p. 304-339 ; Id., Études maghrébines et soudanaises, Varsovie, Éditions scientifiques de Pologne, 1978- 1983, 2 vol. ; Id., « Le monde berbère vu par les écrivains arabes du Moyen Âge », Actes du premier congrès d’études des cultures méditerranéennes d’influence arabo-berbère (Malte, 3-6 avril 1972), éd. Alger, SNED, 1973, p. 31-42 ; Id., « Une croyance des Ibāites nord-africains sur la fin du monde : le pays de Ğuġrāf », Correspondance d’Orient, 11 (1970), p. 317-327 ; Id., « Quelques extraits inédits relatifs aux voyages des commerçants et des missionnaires ALLAOUA AMARA AAM, 15 (2008) 31-40 34 entre 1934 et 1990, Lewicki se fondait sur le manuscrit de Cracovie(11). Ce problème d’identification du manuscrit se vérifie pour Sa‘d Zaġlūl ‘Abd al- Ḥamīd(12) qui présenta un manuscrit du même recueil au premier congrès d’histoire et de civilisation du Maghreb (Tunis en 1974) en l’attribuant à al- Wisyānī. De son côté, l’arabisant allemand Ulrich Rebstock(13), auteur d’une étude sur l’ibāḍisme au Maghreb parue en 1983, distingua trois textes dans le recueil dont il attribua la composition à al-Wisyānī. Deux ans plus tard, Ismā‘īl al-‘Arabī publia la troisième partie du recueil sous le titre de Siyar al-mašā’iḫ et identifia al-Wisyānī comme son auteur(14). Le même texte fut publié plus tard en Tunisie par ‘Abd al-Raḥmān Ayyūb(15), mais il l’attribua cette fois-ci à Abū Zakariyyā’ al-Wārğilānī. Ces deux dernières éditions sont à leur tour reprises par des chercheurs, sans tenir compte que le manuscrit a été mal identifié par ses éditeurs. Enfin, dans l’article « Wisyānī » de la Encyclopaedia of Islam, K. S. Vikor attribue, lui aussi, les copies du recueil (Mzab, Djerba, Le Caire, Cracovie) à al-Wisyānī(16). Très récemment, Luqmān Bū‘aṣbāna, un M’zabien spécialiste des manuscrits ibāḍites, a soutenu une thèse de doctorat portant sur une édition ibāḍites nord-africains au pays du Soudan occidental au Moyen Âge », Folia Orientalia, II (1960), p. 1-27 ; Id., Les Ibaḍites en Tunisie au Moyen Âge, Rome, Bibliothèque de l’Académie Polonaise de Rome, 1958, 16 p. (conférence, fasc. 6) ; Id., « Les subdivisions de l’Ibāḍiyya », Studia Islamica, IX (1958), p. 71-82 ; Id., « La répartition géographique des groupements ibadites dans l’Afrique du Nord au Moyen Âge », Rocznik Orientalistyczny, XXI (1957), p. 301-343 ; Id., Études ibāḍites nord-africaines, I : Tasmiyyat šuyūḫ Ğabal Vafūsa wa qurāhum, liste des šuyūḫs ibāḍites et des localités de Ğabal Vafūsa, Varsovie, Paristwowe wydawnictwo naukowe, 1955, 164 p ; Id., « Une langue romane oubliée de l’Afrique du Nord. Observations d’un arabisant », Rocznik Orientalistyczny, XVII (1951- 1952), p. 415-480 ; Id., « De quelques textes inédits en vieux berbère provenant d’une chronique ibāite anonyme », Revue d’études islamiques, III (1934), p. 275-296. (11) Il s’agit en fait de l’ancienne collection de Z. Smogorzewski. (12) « Hāmiš ‘alā maṣādir tārīḫ al-ibāḍiyya fī l-Maġrib, dirāsa li-kitāb al-siyar », Actes du premier uploads/Litterature/ 599-1983-1-pb-pdf.pdf

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