Études littéraires Document généré le 3 nov. 2017 20:06 Études littéraires Litt
Études littéraires Document généré le 3 nov. 2017 20:06 Études littéraires Littérature migrante subsaharienne : l’ethnoscopie littéraire comme expression de la mobilité des écrivains de la migritude Adama Coulibaly Géographies transnationales du texte africain et caribéen Volume 46, numéro 1, Hiver 2015 URI : id.erudit.org/iderudit/1035082ar DOI : 10.7202/1035082ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval Département des littératures de l’Université Laval ISSN 0014-214X (imprimé) 1708-9069 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Adama Coulibaly "Littérature migrante subsaharienne : l’ethnoscopie littéraire comme expression de la mobilité des écrivains de la migritude." Études littéraires 461 (2015): 31–49. DOI : 10.7202/1035082ar Résumé de l'article À partir de quel appareillage théorique appréhender l’écriture migrante ? Pour répondre à une telle question, cette contribution analyse, à partir de quatre romans, l’écriture migrante africaine subsaharienne. Elle propose, comme appui conceptuel et théorique, le réaménagement de la notion anthropologique d’ethnoscape introduite par Arjun Appadurai (Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 2001 [1996]) en ethnoscopie littéraire. Sous cet angle, l’écriture migrante dépasse le phénomène de la présence d’écrivains africains en d’autres sphères géographiques ; l’opérationnalité typologique de l’ethnoscopie littéraire amène à prendre en compte les facteurs endogènes et exogènes de cette littérature spécifique. Compte tenu de la légitimation qui s’opère en périphérie et de l’élargissement du lectorat au monde, l’écriture migrante de l’Afrique subsaharienne est située, à l’heure de la mondialisation, dans l’entre-deux de la création, avec une modification tant du paradigme des catégories narratives que celui de la représentation elle-même, inscrite dans le mobile, le liquide. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Université Laval, 2015 ö ö ö ö ö ö ö ö ö ö ö Littérature migrante subsaharienne : l’ethnoscopie littéraire comme expression de la mobilité des écrivains de la migritude Adama Coulibaly E n 2004, Jacques Chevrier propose le néologisme de la migritude pour caractériser une nouvelle génération d’auteurs d’origine africaine installés en France. Il évoque alors une « Afrique [qui] n’a plus grand-chose à voir avec les préoccupations de leurs aînés1 ». Cette délimitation renforce un contour générationnel tracée par Waberi en 1998 autour d’une « vingtaine d’écrivains vivants pour la plupart en France2 ». Ces écrivains, que l’on peut considérer comme sortant de la cuisse des écrivains du désenchantement, sont débarrassés des schémas idéologiques de leurs prédécesseurs dont la ferveur tiers-mondiste n’avait d’égale que la foi sans faille en une littérature d’engagement et d’éducation des masses et [ils] sont écœurés par les errements politiques en cours dans leur pays d’origine quand ce n’est pas carrément l’implosion de l’État-nation. [Ils] sont séduits et tentés peut-être par les succès des écrivains de la World fiction3. Ce tracé, sur la base de la mobilité et de la migration4, s’encastre dans une dynamique plus ancienne qui a fait mettre en circulation l’expression « écritures migrantes » sous la plume de Robert Berrouët-Oriol dans la revue Vice versa (décembre 1 Jacques Chevrier, « Afrique(s)-sur-Seine : autour de la notion de migritude », Notre librairie, nº 155-156 (2004), p. 96-100. 2 Abdourahman Waberi, « Les enfants de la postcolonie : esquisse d’une nouvelle génération d’écrivains francophones d’Afrique noire », Notre librairie, no 135 (1998), p. 11. 3 Ibid., p. 12. 4 Nous employons le terme migration dans le sens des mouvements, des déplacements, des flux globaux dont la lecture, par rapport à celui qui reçoit, définit l’immigration et l’émigration par rapport au pays de départ. La migration et ses avatars ont donné lieu à une importante taxinomie littéraire, dont on peut retrouver une présentation synthétique dans Daniel Chartier, « Les origines de l’écriture migrante. L’immigration littéraire au Québec au cours des deux derniers siècles », Voix et images, vol. XXVII, no 2 (2002), p. 303-304. Dans le flottement de lecture de ce déplacement et de toute la charge sémantique et axiologique, nous insérons la migrance. 32 • Études littéraires – Volume 46 No 1 – Hiver 2015 1986-janvier 1987) et grâce aux travaux de Régine Robin, complétés par ceux de Yannick Gasquy-Resch5 et, plus récemment, de Simon Harel6. Le Dictionnaire du littéraire définit la « littérature migrante » comme une pratique qui s’est développée « à côté de la littérature de l’exil » et qui comprend : [L]es auteurs et les thèmes qui traduisent les vastes déplacements de population suscités par le développement capitaliste occidental. Cette littérature largement acculturée par les pays d’accueil et qui développe une interrogation identitaire spécifique est produite par les migrants eux-mêmes, mais également par la deuxième ou la troisième génération de leurs descendants7. La notion est ainsi devenue un véritable concept qui a migré de la littérature québé- coise vers le champ littéraire de l’Afrique noire francophone, où on la convoque pour désigner les œuvres produites par des auteurs africains résidant en France essentiellement. Le concept semble y avoir connu une bonne fortune : des travaux, de plus en plus importants en nombre et en qualité, se sont penchés sur l’analyse de cette écriture à partir du paradigme de la migration8. Dans le champ critique, certains analystes estiment, cependant, que la thématique de l’immigration en France des auteurs ou de certains de leurs personnages n’est pas nouvelle dans le roman. En ce sens, Odile Cazenave rappelle que « le parisianisme », ressuscité par Jules-Rosette, remonte aux années 1950-19609. Dans le numéro que Palabres consacre au thème de « l’immigration et ses avatars »10, Frédéric Mambenga-Ylagou précise que la première phase de la littérature de l’immigration11 des années 1950-1960 est celle où « les premiers écrivains comme Ferdinand Oyono, 5 Robert Berrouët-Oriel, « L’effet d’exil », Vice versa, no 17 (décembre 1986-janvier 1987), p. 20- 21 ; Régine Robin, « Sortir de l’ethnicité », dans Jean-Michel Lacroix et Fulvio Caccia (dir.), Métamorphoses d’une utopie, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle / Éditions Triptyque, 1992, p. 25-41 ; Yannick Gasquy-Resch, « Écritures migrantes », dans Yannick Gasquy-Resch (dir.), Littérature du Québec : histoire littéraire de la francophonie, Paris, EDICEF / AUPELF, 1994, p. 235-241. 6 Simon Harel, Les Passages obligés de l’écriture migrante, Montréal, XYZ éditeur (Théorie et littérature), 2005. 7 Paul Aron, Denis Saint-Gelais et al. (dir.), Le Dictionnaire du littéraire, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p. 482-483. 8 En 1998, Waberi avait déjà tenté de tracer une frontière générationnelle en baptisant une partie de ces auteurs « les enfants de la postcolonie » (Abdourahman Waberi, art. cit.). Certains parlent de résurgence du « parisianisme » et, plus récemment, Chevrier désignait ces auteurs par le néologisme de la « migritude » (Jacques Chevrier, art. cit.). 9 Odile Cazenave, Afrique sur Seine. Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris, Paris, L’Harmattan, 2003. 10 Ouzouf Sénamin Amedegnato (dir.), « L’imigration et ses avatars », Palabres, vol. VII, no 1-2 (2007). 11 La littérature de l’immigration est perçue comme une des phases primaires dont l’évolution a abouti au concept et au paradigme plus global de littérature migrante. On pourra se référer à Christiane Albert, L’Immigration dans le roman francophone contemporain, Paris, Karthala, 2005, ou à Daniel Chartier, « Les origines de l’écriture migrante. L’immigration littéraire au Québec au cours des deux derniers siècles », Voix et images, vol. XXVII, no 2 (2002), p. 303-316. Littérature migrante subsaharienne : l’ethnoscopie littéraire… d’Adama Coulibaly • 33 Bernard Dadié, Aké Loba et Yambo Ouologuem voyaient la situation d’immigrés de l’extérieur12 ». Avec pour titre « Être ou ne pas être : la littérature africaine de l’immigration n’existe pas », son article montre que le paradigme de l’immigration a toujours existé dans cette littérature. Or, ce qui a changé et qui, peut-être, fait sens ou renouvellement du sens, c’est que l’écriture migrante, telle qu’elle émerge de la littérature québécoise, « s’inscrit dans la mouvance plus générale du postmodernisme qui, dans son “aveu de l’excès des savoirs”, […] remet en question l’unicité des référents culturels et identitaires13 ». Ainsi, « les enfants de la postcolonie » se caractérisent à la fois par la possession de deux ou plusieurs passeports et par leur discours souvent frappé du sceau de la répudiation sans ambages d’une certaine catégorisation identitaire et du rejet des « étiquettes ethniques au profit des inclusions dans les appellations globalisantes, du genre “écrivains francophones” ou “écrivains”14 ». Une problématique de recherche nous semble s’articuler autour des points suivants : le niveau méthodologique que communiquent les écritures migrantes dans le roman de l’Afrique au sud du Sahara ; la rupture cognitive que ces textes présentent et qui autorise à les constituer en corpus autonome d’analyse ; la reconfiguration discursive, esthétique et épistémologique qu’ils introduisent dans la littérature francophone ; et, surtout, le paradigme théorique convoqué uploads/Litterature/ adama-coulibaly.pdf
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- Publié le Oct 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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