La pertinence des CÉGEPS en 10 questions AVANT-PROPOS 1. Un modèle unique 2. Un
La pertinence des CÉGEPS en 10 questions AVANT-PROPOS 1. Un modèle unique 2. Une tradition perdue 3. Un nouveau paradigme 4. Le dossier de la langue d’enseignement 5. L’intégration de la clientèle générale et technique dans un même établissement 6. La persévérance ou la facilité 7. L’éducation (le being) ou l’enseignement pratique (le doing) 8. La difficile compatibilité avec plusieurs avenues d’enseignement supérieur 9. Les frais de scolarité et la diplomation 10. La formation des maîtres CONCLUSION _______________________________________________________________________ AVANT-PROPOS La présente opinion, divisée en 10 points, n’invite aucunement à une éventuelle abolition des cégeps. Il est vraiment trop tard et le coût à la fois financier et surtout humain en serait incalculable. Elle se situe plutôt en amont de cette problématique, à savoir : pourquoi aurait-il fallu ne pas créer les cégeps, tels qu’on les connaît aujourd’hui? C’est peut-être un questionnement purement théorique, mais il se pose d’autant plus qu’il permet de soulever certaines réflexions encore d’actualité. Je reconnais volontiers à la commission Parent bien des vertus : bons diagnostics des diverses problématiques qui se posaient en éducation au Québec avant 1967 (année de création des cégeps); solutions innovatrices à bien des égards; vision large et profonde pour l’avenir éducatif de la société québécoise, etc. Néanmoins, à mon humble avis, la commission Parent a erré en proposant la création des cégeps, tels que nous les connaissons aujourd’hui. Je vais essayer d’étayer cette opinion par 10 arguments principaux, ci-après présentés. À chaque fois que cela était possible, j’ai cité le rapport Parent dans le texte. De plus, j’ai fourni plusieurs autres références qui m’ont semblé pertinentes à mon propos et qui ont l’avantage, pour plusieurs, d’apporter un éclairage que je crois nouveau sur certains aspects de l’existence des cégeps. 1. Un modèle unique Le modèle québécois de l’enseignement collégial est unique. Joseph Facal convient que « ni les États-Unis ni l’Europe n’ont des institutions équivalentes à nos cégeps, qui font coexister ceux qui se destinent à l’Université et ceux qui apprennent un métier, afin qu’ils y reçoivent tous une formation de base commune »1. Certains mettent en question ce caractère unique et 1. Joseph Facal. Faut-il abolir les cégeps? Journal de Montréal. Lundi, 7 juin 2004. souhaitent plutôt que le Québec rejoigne le modèle des autres nations. À cela Facal rétorque : « Bref, point de salut hors de l’imitation des autres ». Cela est établi dans le Rapport Parent et par bien d’autres écrits dont celui, non équivoque, de Martial Dassylva2 : « Le cégep constitue une création unique au monde »! Personnellement, j’aime bien l’originalité. Mais je me méfie de ceux qui prétendent être les seuls à avoir le pas. Il est maintenant trop tard pour revenir en arrière, mais le seul fait d’obliger nos étudiants de 17 à 19 ans à vivre un cadre éducatif qui n’a aucun comparatif au monde me laisse perplexe, particulièrement pour les étudiants de l’enseignement général. En effet, ces derniers sont vraiment les seuls à effectuer leur cheminement scolaire dans le modèle des cégeps québécois. Toute comparaison devient donc impossible. 2. Une tradition perdue En Europe et aux États-Unis, il existe de très nombreux établissements scolaires s’apparentant de près ou de loin à nos cégeps et qui existent, non pas depuis une cinquantaine d’années, mais depuis 1, 2 et même plus de 3 siècles. Il en va de même aux États-Unis. Quand Napoléon institua en 1802 les Lycées, il n’élimina pas les autres types d’établissements scolaires. Au Québec, on a fait table rase de tout établissement scolaire de niveau collégial créé avant 1967! Collèges classiques, écoles techniques ou professionnelles, instituts divers, tout a été nivelé en 1967. S’il n’y a plus d’établissements de niveau collégial antérieur au milieu du XXe siècle, il y a une trentaine d’anciens collèges classiques qui ont perduré en devenant des écoles secondaires ou même des cégeps! Notons au passage le Petit Séminaire de Québec (1668), le Collège des Jésuites (1635), le Collège de Montréal (1729), Cégep de Valleyfield (1892) et une trentaine d’autres3. Personnellement, j’aurai souhaité que l’on permette l’existence simultanée de collèges à la riche histoire et à la longue tradition éducative avec le nouveau réseau collégial, quitte à les obliger à une certaine conformité à ce nouveau réseau. Par exemple, on aurait pu autoriser le Séminaire de Trois-Rivières (ou d’autres établissements similaires) à offrir un cours d’enseignement général d’une durée de 7 ans et ainsi égaler en durée et en contenu, ce qui se fait dans les écoles secondaires et au collégial d’enseignement général. 3. Un nouveau paradigme Afin de proposer à la fois un renouvellement profond des fondements mêmes de l’éducation au Québec et un regard prospectif vers l’avenir, les commissaires de la commission Parent ont fait leur devoir. Ils ont consulté à peu près tout ce qui a pu inspirer les divers systèmes d’éducation dans le monde occidental, américain et même d’Asie et d’autres contrées. Au Québec, avant la création des cégeps, toute la formation supérieure avant l’université (bref, les collèges classiques!) s’inspirait de la formation française dite des humanités : apprentissage Bulletin d'histoire politique, 12(2), 49–65. 2 Dassylva, M. (2004). Le modèle virtuel de l'institut tel que proposé dans le Rapport Parent. 3 Établissements privés par ordre de fondation. Roger Gauvin. Pidep. U de S. 2006. des langues anciennes, philosophie aristotélicienne (néothomisme), littérature et un peu de sciences, tout cela dit sans vouloir caricaturer. Tout l’enseignement se rattachait à un humanisme relativement suranné que la commission Parent souhaitait renouveler et rendre plus contemporain. Or, toutes les personnes s’étant intéressées à la rédaction du Rapport Parent savent très bien l’importance qu’a exercée l’un de ses commissaires les plus illustres, soit le sociologue Guy Rocher. Ce qui est moins connu, c’est que M. Rocher a obtenu son doctorat en sociologie de l’Université Harvard dans les années 1945 à 1950. Or, à cette époque, le président de l’université Harvard a mandaté 12 de ses professeurs les plus au fait du domaine de l’éducation afin de produire un rapport sur l’éducation, mal en point en ces années d’après-guerre. Ce rapport, intitulé « General education in a free society »4 a connu une grande notoriété et une très large diffusion. Il a influencé nombre de chercheurs et de multiples organisations en quête d’orientations nouvelles et prometteuses en éducation. Une nouvelle forme d’humanisme en est issue : un humanisme contemporain. Bien sûr, M. Rocher n’a pas échappé à cette influence et il a sans doute transmis aux autres membres de la commission cet intéressant apport à leur réflexion collective. Ainsi que l’atteste Yves Lenoir5, cette proposition d’un humanisme contemporain semble avoir fortement influencé les commissaires dans leur propre cheminement les conduisant à la définition de leur propre paradigme en éducation au Québec. Jugeons-en plutôt à la lecture de ce qui suit : La commission Parent propose un autre modèle d’humanisme, «fondé sur les impératifs de la société contemporaine qu’elle oppose à la société traditionnelle» (Gouvernement du Québec, 1968, p. 23). Cet humanisme contemporain, renouvelé, inspiré semble‐t‐il fortement du rapport produit en 1945 par le Harvard Committee, (Harvard Committee. 1945. General education in a free society. Cambridge, MA: Harvard University Press) repose sur son ouverture à un pluralisme culturel qui tient compte des autres univers de connaissances (en fait surtout celui de la science et de la technologie) en vue de favoriser la production d’un être humain idéal, polyvalent, car nourri à la fois du passé que portent certaines disciplines et des perspectives futures que permettent les enseignements des sciences et de la technologie ». Ces lignes décrivent bien, à mon avis, l’ensemble de la conception de l’éducation auquel on a demandé aux cégeps d’adhérer. Pour ajouter à ce qui précède, Yves Lenoir6 citant Hamelin (1966) note que le rapport Parent «répond ainsi aux nouvelles élites du Québec, techniciens, ingénieurs, administrateurs, hauts fonctionnaires, professeurs d’université, qui prônent une nouvelle vision du monde, une promotion individuelle et sociale des Canadiens français fondées sur le désir de l’efficacité». Personnellement, je considère que l’opposition de l’humanisme classique à l’humanisme contemporain ne sert pas les étudiants actuels des cégeps pour deux raisons : a) le pluralisme culturel implicite à l’humanisme contemporain appelle davantage à la dispersion qu’à 4 Harvard Committee. 1945. General education in a free society. Cambridge, MA: Harvard University Press. 5 Le «rapport Parent», point de départ de l’ancrage de l’école québécoise dans la logique anglophone nord‐américaine.Yves Lenoir. Queen’s University. Canadian Journal of Education/Revue Canadienne De l’éducation, 28(4), 638‐668. 6 Lenoir, Yves. Le rapport Parent, point de départ de l’ancrage de l’école québécoise dans la logique anglophone nord‐américain. p. 648 l’approfondissement; b) les cégeps se sont largement éloignés de l’idéal proposé de se nourrir à la fois du passé que portent certaines disciplines et des perspectives futures. 4. Le dossier de la langue d’enseignement Pour cette quatrième question, j’aborderai deux sujets, bien sûr étroitement liés au dossier de la langue d’enseignement : a) le volet législatif; b) le volet de la place du français à l’école. Tout d’abord, j’aborderai succinctement le volet législatif. En effet, une fois de plus, nous voilà plongés uploads/Litterature/ la-pertinence-des-cegeps-en-10-questions.pdf
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- Publié le Jui 13, 2021
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