Sommaire : Hamadou Hampâté Bâ, par Françoise Folliot | Mia Couto par Gérard Lam
Sommaire : Hamadou Hampâté Bâ, par Françoise Folliot | Mia Couto par Gérard Lambert | Nuruddin Farah par Daniel Lemoigne| Bessie Head par Gérard Lambert | Ahmadou Kourouma par Arnaud Velasquez | Sony Labou Tansi par Alain Lötscher | Achille Ngoye par Stéphane Bernard | Ken Saro Wiwa par Didier Jouanneau | Wole Soyinka par Gérard Lambert | N° 11 / juin 2002 Sombre Sombre Afrique Afrique Afrique Sombre En attendant le vote des bêtes sauvages… w w w . i n i t i a l e s . o r g Une anecdote résume assez bien la place accor- dée en France à la littérature d’Afrique noire : Wole Soyinka, premier écrivain africain à avoir reçu le prix Nobel de littérature, s’est vu décerner ce prix en 1986 d’après la plupart de ses édi- teurs (et à juste titre); en 1987 d’après un autre; et même en 1989 d’après un troisième (qui se pique d’ailleurs de donner à ses lecteurs des pré- cisions sur la littérature africaine). Tout est dit : on porte de l’intérêt à ces écrivains, mais c’est un intérêt plutôt désinvolte. Wole Soyinka lui-même s’en amusait d’ailleurs : à la réception de son prix Nobel, comme on lui demandait pourquoi il avait fallu attendre si long- temps pour qu’un Africain ait ce prix, il répondit qu’il faudrait que l’Afrique ait un prix de ce genre, elle aussi, pour voir si autant d’années s’écoule- raient avant qu’un Européen ne le reçoive. Le libraire que je suis peut en témoigner : En dehors de l’intérêt qu’une actualité tapageuse suscite parfois pour tel ou tel auteur, le rayon de littérature africaine est un des plus boudés dans les librairies. C’est pourtant une littérature d’une grande richesse, d’une vivacité et d’une combativité peu communes, que fabriquent les auteurs africains, dans leurs pays ou dans les déracinements de l’exil. Une littérature qui veut exalter la beauté de ce continent et de ses habitants pour combattre les maux qui les affligent et guérir leurs trop nom- breuses plaies. Une littérature d’hommes et de femmes courageux et imaginatifs, aux langages luxuriants et aux rythmes solides. Une littérature aussi variée que ses climats, mais d’une una- nime dignité. Cette littérature, nous avons voulu contribuer à la faire connaître un peu plus. Bien entendu, il était hors de question de prétendre être exhaustifs. Nous avons donc préféré sélectionner, d’une manière panoramique, quelques auteurs selon nos goûts. En espérant que cela éveille la curio- sité et l’envie. A qui voudrait approfondir le sujet, nous pouvons aussi conseiller deux livres très intéressants : La Littérature africaine moderne au sud du Sahara de Denise Coussy chez Karthala, et Désir d ‘Afrique de Boniface Mongo-Mboussa chez Gallimard. Bonne lecture. Gérard Lambert. Amadou Hampâté Bâ est né au Mali (alors Soudan fran- çais) en 1900. Sa ville natale est Bandiagara, ancienne capitale du royaume toucouleur, qui succéda à l’empire peul de Macina, aux abords du pays dogon. Fils d’un descendant d’une famille noble peul ayant joué un rôle important dans l’empire peul du Macina, et de Kadidja, fille d’un pasteur peul ayant suivi le toucouleur El Hadj Homar, Amadou Hampâté Bâ bénéficiera de l’apport historique de deux lignées opposées et apprendra donc très tôt la tolérance. Mais l’influence la plus détermi- nante pour Hampâté Bâ sera celle de Tierno Bokar, maître d’école coranique et haut dignitaire soufi, son maître spirituel : « Je suis né entre ses mains. Je n’ai pas eu d’autre maître que lui, dans le vrai sens du mot. Au moment où mes yeux s’ouvraient pour connaître l’homme, c’est lui que j’ai connu. C’est lui qui m’a inculqué cette volonté de connaître et de comprendre, de ne jamais parler d’une chose que je ne connais pas, de n’avoir jamais peur d’entrer dans n’importe quelle réalité pourvu que j’en sois respectueux et que cela n’ébranle pas ma propre foi. Tout ce que je suis, je le lui dois. » Il rendra hommage à celui qui toute sa vie prêcha amour et tolérance dans Vie et Enseignement de Tierno Bokar édité en 1980 aux éditions du Seuil. Orphelin de père très tôt, Amadou suit sa mère remariée à un Toucouleur exilé à Bougouni, en plein pays bam- bara. C’est là qu’il entendra chaque jour les plus grands conteurs et musiciens peuls et bambaras. Il y rencon- trera le grand conteur peul traditionaliste Koullel. De là, il gardera intacte la mémoire des grands contes initia- tiques qui nourriront son œuvre. C’est à Bandiagara, au retour d’exil, qu’il commencera à conter pour ses cama- rades les récits entendus de la bouche des poètes et griots qui fréquentent la cour de son père. A l’école française qu’il fréquente, il fait la connaissance de Wangrin dont il racontera la vie étonnante dans L’Étrange Destin de Wangrin, roman picaresque qui met en scène un Bam- bara lettré dont la chute sera à la mesure de l’ascension sociale. Après avoir refusé (sous l’influence de sa mère) l’école normale, dont il a réussi le concours, Amadou Hampâté Bâ part rejoindre son affectation de fonction- naire colonial à Ouagadougou. Tout au long de ces années en Haute Volta, il n’a de cesse de recueillir tous les récits historiques et les renseignements sur la tradi- tion orale. En 1942, grâce à l’appui de Théodore Monod, Amadou Hampâté Bâ entre à l’Institut français d’Afrique noire. Recueil d’arbres généalogiques, enquête sur l’histoire de l’empire peul de Macina, l’historien ethnologue pour- suit un vaste travail sur les rites et traditions africaines et publie de nombreux articles. Il assurera par la suite de nombreuses fonctions officielles et sera nommé en 1962 membre du conseil exécutif de l’Unesco. Amadou Hampâté Bâ a joué un rôle fondamental dans la sauvegarde du patrimoine culturel africain. Amadou Hampâté Bâ un voyage initiaque On lui doit la phrase désormais célèbre dans le monde entier : « En Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » Il a sauvé de l’oubli des trésors de la littérature orale afri- caine, comme le magnifique conte symbolique peul Kaï- dara ou encore L’Éclat de la grande étoile publiés dans la collection Les Classiques africains. Kaïdara nous raconte le voyage initiatique de trois com- pagnons. Quête de la connaissance, ce conte moral verra sortir victorieux des épreuves celui qui aura refusé l’or pour ne garder que la connaissance. On retrouve ce conte dans Contes initiatique peuls publié en 1994 par les édi- tions Stock. Chez le même éditeur paraît en 1994, Petit Bodiel et autres contes de la savane et, en 1999, Il n’y a pas de petite querelle – nouveaux contes de la savane. Les récits y sont plein d’humour et de vivacité, la langue cha- toyante et poétique, et chaque conte renvoie à une ana- lyse pleine de finesse de la société et des travers humains. Contes de tous les temps, poétiques et moraux, ils nous révèlent une nature humaine sans frontière. Mais sans doute, dans l’œuvre de l’écrivain, ce sont ses mémoires qui ont le plus marqué et qui ont rendu célèbre Amadou Hampâté Bâ dans le monde entier. Avec Amkoullel l’enfant peul et Oui mon commandant, édités en 1991 et 1999 par Actes Sud, Hampâté Bâ nous entraîne dans l’Afrique coloniale du début du siècle. C’est l’enfant qui nous transmet son regard et nous fait découvrir avec fraîcheur les mœurs de l’époque, tout en nous plongeant dans l’histoire au travers de portraits et d’aventures étonnantes. Puis le jeune fonctionnaire colo- nial de Oui, mon commandant, naïf et étonné, nous conte ses expériences de poste en poste, les épisodes tragiques ou pleins de drôlerie qui jalonnent les rapports de l’ad- ministration coloniale avec les populations africaines. Nous suivons son évolution jusqu’au séjour final chez Tierno Bokar, qui marquera à jamais sa vie et le fera pas- ser à la maturité. La langue est limpide et haute en couleur, imprégnée de tout l’héritage des conteurs de l’Afrique. Elle nous entraîne irrésistiblement. Ces mémoires se lisent comme un extraordinaire roman d’apprentissage et sont dans le même temps un document historique irremplaçable sur l’Afrique. Pleines d’humour et de finesse, elles sont la vivante expression des valeurs chères à Tierno Bokar. Amadou Hampâté Bâ est mort en 1991 et son héritage littéraire occupe une place primordiale dans la littéra- ture africaine. Grand écrivain et homme « sage » au sens africain, il est une haute figure de la culture africaine. Françoise Folliot J’avais tellement assimilé les leçons de Koullel, le conteur, qu’on m’avait surnommé « Amkoullel », c’est à dire « le petit Koullel ». J’étais à l’époque chef d’une association de garçons de mon âge groupant soixante dix jeunes aux- quels, tel Koullel, au milieu des adultes, je communi- quais mon jeune savoir. Je leur répétais tout ce que j’en- tendais conter à la cour de Tadjani, et qui constituait l’enseignement même de la tradition orale. […] Il y avait la poésie épique, la poésie bucolique et champêtre, les éloges en l’honneur de certaines familles ou d’actes de bravoure, les poésies concernant les métiers, et les satires pour uploads/Litterature/ afrique-pdf 1 .pdf
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- Publié le Jul 21, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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