Bruno Zevi Apprendre à voir la ville Ferrare, la première ville moderne d’Europ

Bruno Zevi Apprendre à voir la ville Ferrare, la première ville moderne d’Europe Traduit de l’italien et présenté par Marie Bels Éditions Parenthèses Collection publiée avec le concours de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Librairie de l’Architecture et de la Ville Publiée avec le concours du ministère de la Culture et de la Communication (Centre national du livre et Direction de l’architecture et du patrimoine). Titre original :  Saper vedere la città, Ferrara di Biagio Rossetti, la prima città moderna europea Giulio Einaudi Editore, Torino. copyright © 1960, 1997, Adachiara Zevi pour les héritiers de Bruno Zevi. copyright © 2011, pour la version française, Éditions Parenthèses www.editionsparentheses.com isbn 978-2-86364-658-8 / issn 1279-7650 En couverture : Photogrammes tirés de la scène finale du film Le Jardin des Finzi Contini, Vittorio De Sica (1971). apprendre à voir la ville Genèse d’un livre En 1955 le maire de Ferrare sollicite l’Institut Universitaire d’Architecture de Venise (iuav) pour la célébration du quatre centième anniver- saire de la mort de Biagio Rossetti 1. Bruno Zevi (1918-2000), alors titulaire de l’enseignement d’Histoire de l’art et histoire et styles de l’architecture, accepta avec enthou- siasme d’organiser une exposition et consacra son cours au maître de Ferrare. Dans le même temps les élèves de première année s’en allèrent relever divers bâtiments attribués à Rossetti et ceux de seconde année firent les recherches de documents d’archives. L’exposition Identità di Biagio Rossetti fut inaugurée en juin 1956 et eut un grand succès à Ferrare. La publication d’un livre sur Rossetti suivit naturellement, quatre ans après, le temps de réécrire ce qui n’était d’abord qu’un cours universitaire et de faire vérifier le corpus de documents et de relevés recueillis par les étudiants de l’iuav. L’ouvrage en question est considérable (Biagio Rossetti architetto ferrarese, Il primo urbanista moderno europeo, Turin, Einaudi, 1960) puisqu’il propose l’intégralité de ce corpus documentaire, augmenté d’un tableau chronologique et d’une série de notes bibliographiques sur tous les thèmes abordés et les bâtiments étudiés. Il fit l’objet de deux rééditions en une version réduite au texte et aux photos d’origine, mais précédée d’un préambule d’une quarantaine de pages dans lequel Zevi expose un étonnant panorama de l’histoire de l’urba- nisme, du paléolithique à l’époque contemporaine. C’est ce texte préliminaire qui donna son titre à l’édition de 1971 : Saper vedere l’urbanistica, Ferrara di Biagio Rossetti, « la prima città moderna europea », avant de devenir Saper vedere la città dans celle de 1997, en référence directe au célèbre Saper vedere l’architettura (Apprendre à voir l’architecture) que l’Einaudi avait 6 1 ​ ​ Cette présentation doit beaucoup au livre de Roberto Dulio, Introduzione a Bruno Zevi, Rome, Edizioni Laterza, 2008. publié en 1948. C’est cette dernière version que nous proposons ici, sous le titre ­ d’Apprendre à voir la ville : Ferrare, la première ville moderne d’Europe. Au sein de la vaste production d’écrits de Bruno Zevi ce livre est donc un objet particulier. Alors que Zevi était déjà connu pour sa lecture polémiste de l’architecture contemporaine, le voilà qui répond en quelque sorte à une commande, dans un cadre universitaire, et explore avec minutie l’œuvre d’un architecte italien de la fin du xve siècle jusqu’alors pratiquement inconnu. Quel intérêt pouvait donc avoir Biagio Rossetti pour l’auteur de Verso un’archi- tettura organica (1945), Saper vedere l’architettura (1948) et Storia dell’archi- tettura moderna (1950) ; et des premières monographies consacrées à Franck Lloyd Wright (1947), Louis H. Sullivan (1947), E. Gunnar Asplund (1948) et Richard Neutra (1954) ? Bruno Zevi avait été appelé à Venise en 1948 par Giuseppe Samonà qui profitait alors de la situation particulière d’autonomie de l’Insti- tut pour mener une politique active de renouvellement culturel et didactique. Il contribua ainsi à la création d’un pôle alternatif par rapport aux universités d’architecture qui, à Milan, Turin, Florence, Naples et surtout à Rome, étaient confrontées à l’échec inévitable des tentatives d’épuration dans la situation de crise de l’après-guerre. Après avoir approché en vain la faculté d’architecture de Florence, Bruno Zevi trouva à l’iuav le contexte idéal pour expérimenter un enseignement en accord avec ses principes. L’architecte qui avait à peine trente ans avait déjà jeté les bases de son projet historiographique sous la forme d’écrits résolument adressés au grand public. Car, non content de proposer de nouveaux modèles architecturaux et urbains, il cherchait pour d’évidentes raisons poli- tiques à mettre en place de nouvelles manières de regarder l’architecture et son histoire, et de les conjuguer avec les modes de divulgation les plus amples (livres, revues spécialisées, chroniques dans la presse générale, émissions de radio, conférences, etc.). Ayant dû fuir l’Italie à la suite de la promulgation des lois raciales en 1939, Bruno Zevi avait poursuivi ses études d’architecture commen- cées à Rome, d’abord à Londres (à l’Association School of Architecture), puis aux États-Unis (à la School of Architecture de la Colombia University de New York et 7 2 ​ ​ Verso un’architettura organica, Saggio sullo sviluppo del pensiero architettonico negli ultimi cinquant’anni [Vers une architecture organique, Essai sur le développement de la pensée archi- tecturale durant les cinquante dernières années] n’a jamais été traduit en français ; publié en 1945 mais écrit à Londres en 1944, Zevi l’avait d’abord proposé dans sa version anglaise : Towards an Organic Architecture aux prestigieuses éditions Faber & Faber qui avait accepté le livre mais ne l’éditeront finalement qu’en 1950. 3 ​ ​ Apprendre à voir l’architecture, Paris, Éditions de Minuit, 1959. à la Graduate School of Design, gsd, de la Havard University de Cambridge, dans le Master of Architecture dirigé par Walter Gropius). Sa formation de jeunesse empreinte de l’approche critique de Benedetto Croce et Lionello Venturi avait ainsi réagi au contact d’autres orientations culturelles, parmi lesquelles celle de l’histoire de l’art germaniste (Pevsner, Behrendt et Giedion) et celle d’un argu- mentaire pragmatique proprement américain (Mumford, Wright). Promu lauréat de la gsd en 1942 et déjà fortement impliqué politiquement pour la libération de l’Italie, il s’engagea dès son retour dans son pays pour la défense et la promotion d’une architecture et d’un urbanisme démocratique, se faisant naturellement, lors de la reconstruction, le porte-parole des expériences américaines. Pour ce faire il développa une véritable stratégie de commu- nication, dont Verso un’architettura organica (1945) 2 est la première étape, suivie de Saper vedere l’architettura (1948) dont le succès international perdure encore (l’ouvrage est traduit en douze langues, parmi lesquelles le japonais et le chinois). Rapidement traduit en espagnol et en anglais, il faudra attendre 1959 pour qu’il le soit en français dans une version sérieusement altérée par des coupures significatives dans le texte, des inversions de paragraphes et la suppression de toute la bibliographie (Apprendre à voir l’architecture 3). C’est à se demander si les responsables des Éditions de Minuit qui publiaient alors les manifestes de Le Corbusier dans la même collection n’ont pas voulu donner à la faconde de Zevi un air plus calviniste… Saper vedere l’architettura est aussi, dans l’Italie de 1948, une des tentatives les plus fécondes de renouvellement en profondeur de l’étude de l’histoire de l’architecture, y compris dans les milieux universitaires spécia- lisés. À peine deux ans après, Zevi publia sa Storia dell’architettura moderna toujours chez Einaudi. Entre la version italienne des Pionniers de Nicolas Pevsner de 1945 qui ne sera rééditée qu’en 1983 et la traduction de Space, Time and Architecture de Sigfried Giedion qui date en Italie de 1954, la Storia de Zevi fera autorité pendant toute la décennie, jusqu’à la parution en 1960 du volume 8 4 ​ ​ N. Pevsner, Pionniers of the Modern Mouvement, From William Morris to Walter Gropius, Londres, Faber & Faber, 1936 (trad. italienne : I pionieri del Movimento Moderno da William Morris a Walter Gropius, Milan, Rosa e Ballo, 1945, jamais traduit en français) ; S. Giedion, Space, Time and Architecture, The growth of a New Tradition, Harvard University Press, Cambridge Mass. 1941 (trad. italienne : Spazio, tempo ed architettura, lo sviluppo di una nuova tradizione, Milan, Hoepli, 1954, trad. française : Espace, temps, architecture, Bruxelles, La Connaissance, 1963) ; L. Benevolo, Storia dell’architettura moderna, 2 vol., Bari, Laterza, 1960 (trad. française : Histoire de l’architecture moderne, Paris, Dunod, 1978). éponyme de Leonardo Benevolo 4. Zevi y amplifie la vocation historique déjà évidente de Verso un’architettura organica et la conjugue avec le caractère méthodologique de Saper vedere l’architettura et les réflexions sur l’enseigne- ment et la didactique mûris dans le contexte académique dans lequel il s’impli­ que alors fortement. Cette Storia ne sera jamais traduite en français. Il faut dire qu’Auguste Perret et Tony Garnier mis à part, l’architecte italien consacre à peine un chapitre à « La décadence française » de l’entre-deux-guerres, tandis qu’ailleurs il développe longuement la « contribution finlandaise » (Aalto), « l’école suédoise » (Asplund) et « l’expérience urbanistique anglaise » rassem- blées dans un chapitre consacré au mouvement organique en Europe. Zevi explique en effet comment l’architecture moderne subira en France une « lente corrosion » à laquelle la froide application des canons corbuséens n’est pas étrangère, avant de sombrer dans le dogmatiste et uploads/Litterature/ apprendre-a-voir-la-ville.pdf

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