« JE SERAI LIBRE D'ALLER MYSTIQUEMENT, OU VULGAIREMENT, OU SAVAMMENT » Author(s
« JE SERAI LIBRE D'ALLER MYSTIQUEMENT, OU VULGAIREMENT, OU SAVAMMENT » Author(s): Frédéric ThomasSource: Parade sauvage , No. 29 (2018), pp. 321-346 Published by: Classiques Garnier Stable URL: https://www.jstor.org/stable/10.2307/26639537 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Classiques Garnier is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Parade sauvage This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:29:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms « JE SERAI LIBRE D’ALLER MYSTIQUEMENT, OU VULGAIREMENT, OU SAVAMMENT » Découverte d’une lettre d’Arthur Rimbaud Découverte exceptionnelle1 : une lettre autographe, inconnue jusqu’à présent, d’Arthur Rimbaud. Celle-ci se trouvait dans les archives fami- liales de Jules Andrieu (1838-1884), dont l’un des descendants, arrière- petit-fils du Communard, vient de composer et de mettre en ligne sa biographie : C’était Jules. Jules Louis Andrieu (1838-1884). Un homme de son temps2. Si, dans l’impossibilité actuelle de consulter l’original (nous n’avons eu accès qu’à un fac-similé), en raison de la succession en cours, il convient de demeurer prudent, l’origine et le (supposé) destinataire, l’écriture, au sens graphologique et, surtout, la teneur et l’esprit de cette lettre invitent à conclure qu’elle est authentique. Analysons brièvement son contexte et son contenu, en essayant de dégager les raisons qui nous portent à croire que son auteur est bien Rimbaud. SITUATION La lettre est datée du 16 avril 1874. Rimbaud réside alors à Londres depuis au moins quelques semaines. C’est son quatrième séjour dans la capitale anglaise. Il y est en effet revenu, cette fois accompagné non pas de Paul Verlaine, incarcéré, depuis l’été précédent, après avoir menacé de tirer sur son compagnon en pleine rue à Bruxelles, mais d’un autre 1 Mes remerciements à Steve Murphy pour sa relecture, ses remarques critiques et pistes de réflexion, ainsi qu’à Denis Saint-Amand et Robert St.Clair pour leur relecture. 2 Le livre est accessible sous ce lien : http://renaissance.carnot.pagesperso-orange.fr/Andrieu/ index.html. Que cela soit pour moi l’occasion de remercier son auteur pour sa disponibilité et sa collaboration. This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:29:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 322 FRÉDÉRIC THOMAS poète : Germain Nouveau (1851-1920). Celui-ci est à peine plus âgé que Rimbaud, et les deux hommes, qui se sont rencontrés peu de temps auparavant, semblent être partis pour la capitale britannique de manière précipitée3. L’adresse indiquée au bas de la lettre – 30 Argyle square, Euston Rd. W.C. – sera reprise quelques semaines plus tard dans une petite annonce publiée par Nouveau dans un journal londonien. S’agissait-il de leur logement ou d’une agence qui servait de boîte aux lettres aux deux hommes4 ? La date du 16 avril 1874 est également significative. Une dizaine de jours plus tôt, le 4 avril exactement, Nouveau et Rimbaud s’étaient inscrits à la bibliothèque du British Museum. Était-ce pour se consacrer à cette « Histoire splendide » dont il est question dans la lettre ? Il n’existait pas jusqu’à présent de lettre connue de Rimbaud en 18745 ; année au cours de laquelle, il travaille à l’écriture et/ou à la retranscription (un poème et une grande partie d’un autre ont été recopiés par Nouveau) des Illuminations. On sait qu’il a remis les manuscrits à Verlaine en février 1875. Plus radicalement, cette lettre occupe un point névralgique entre la période poétique et le silence de Rimbaud. LE DESTINATAIRE Mais qui est Jules [Louis] Andrieu, dans les archives duquel se trouve cette lettre ? Et celui-ci en est-il le destinataire (le « Monsieur » en question) ? Né à Paris le 30 septembre 1838, il fut à la fois pédagogue, journaliste et poète, auteur de nombreux livres, où se déclinent sa curio- sité intellectuelle et l’étendue de ses savoirs : L’Amour en chanson (1859), Histoire du Moyen-Age (1866), Philosophie et Morale (1867)… Passionné et grand travailleur, il dirige, de 1863 à 1870, un cours d’enseignement secondaire destiné aux classes populaires ; cours suivi entre autres par 3 Lettre du 26 mars 1874 de Germain Nouveau à Richepin, cité dans Jean-Jacques Lefrère, Arthur Rimbaud, Paris, éditions Fayard, 2001, p. 659. 4 Jean-Jacques Lefrère, ibid. 5 Entre la lettre écrite du 7 juillet 1873 à Verlaine et celle de mars 1875 de Stuttgart (où Verlaine l’a rejoint) à Ernest Delahaye, aucune lettre de Rimbaud ne nous était connue. This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:29:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Découverte d’une lettre d’Arthur Rimbaud 323 Henri Tolain et Eugène Varlin, futurs dirigeants communards. De 1868 à 1870, il collabore au Grand Dictionnaire du xixe siècle, dirigé par Pierre Larousse, et pour lequel il rédige nombre de notes concernant des sujets aussi variés que : « Espace, Temps, Série, Rapport, Différence, Inférence, Sensibilité, Main, Sciences occultes, Poésie populaire, Démopédie, Pédagogie, Vocations (éclosion des), Empédocle, Dally, J.-B. Delestre, Paracelse, Politesse, Misanthropie, Laid (théorie du), Hydrothérapie, Kinésithérapie, Kalevala, Symétrie, Ellipse (astronomie et philosophie)6 ». Il fut aussi l’un de ces « poètes de l’Hôtel de Ville de Paris », aux côtés de Léon Valade et Albert Mérat, dont il préfaça, sous le pseudo- nyme de Louis Capelle, le recueil de 1863, Avril, mai, juin7. Pour autant, alors qu’il fréquente le salon d’Antoine Cros et, plus furtivement, celui de Leconte de Lisle, et qu’on retrouve son nom, en mai 1867, dans La Gazette rimée (no 4), aux côtés de son ami Paul Verlaine – devenu égale- ment employé à l’Hôtel de Ville –, il ne participe ni aux publications du Parnasse contemporain ni aux activités des Vilains Bonshommes au sein desquels se manifestent Valade, Mérat et Verlaine. Il est encore une figure importante et autorité morale, quoique discrète, de l’opposition littéraire et politique à l’Empire – il rencontre régulièrement, parmi d’autres, Jules Vallès et Hippolyte Prosper Olivier Lissagaray au café de Madrid –, qui, à la fin des années 1860, se déve- loppe et se radicalise. Les rares témoignages que nous avons sur lui, soulignent sa force de caractère et son influence. En avril 1870, il parti- cipe à la campagne de la candidature du républicain démocrate Ulric de Fonvielle, aux côtés d’une autre figure de ce milieu intellectuel : Georges Cavalier, mieux connu sous le pseudonyme de Pipe-en-bois8. Journaliste, rédacteur de La Marseillaise, dont Henri Rochefort est le rédacteur en chef, de Fonvielle est présent lors de l’assassinat, début janvier 1870, de Victor Noir par Pierre Bonaparte, cousin de l’Empereur, qui provoqua une grande émotion et fut à l’origine d’une manifestation monstre qui faillit tourner à l’émeute. D’abord chef du personnel de l’administration communale, Andrieu est, le 16 avril 1871, élu comme membre de la Commune de Paris, et 6 Jules Andrieu, Notes pour servir à l’histoire de la Commune de Paris, Paris, Libertalia, 2016, p. 70. 7 Et Mérat devait lui dédier le poème « Prolétaires » de son livre Les chimères (1866). 8 Georges Cavalier, Les mémoires de Pipe-en-bois. Précédé de « Georges Cavalier, dit Pipe-en-bois » par Jean-Jacques Lefrère, Paris, Champ Vallon, 1992. This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:29:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 324 FRÉDÉRIC THOMAS devient chef des services administratifs. Au sein de la Commune, il vote contre l’instauration d’un Comité de salut public et signe le manifeste de la minorité. À la fin de la Semaine sanglante, il réussit à se cacher, puis à échapper à la répression, et à se réfugier à Londres. De cette expérience, il nous a livré un document précieux et important, rédigé en 1871, ses Notes pour servir à l’histoire de la Commune de Paris de 18719, et qui « tranchent par leur intelligence des événements, considérés d’un œil libre et critique » selon Bernard Noël10. Après l’amnistie de 1880, déjà malade, il est nommé sous l’intervention de Gambetta, vice- consul de France à Jersey. Il y meurt peu de temps après, en février 1884. UNE CONSTELLATION POLITICO-CULTURELLE Lorsque Verlaine et Rimbaud débarquent pour la première fois à Londres, en septembre 1872, ils rendent visite à Andrieu, et demeu- reront en contact, comme en témoigne la correspondance de Verlaine. Andrieu et Vermersch représentent d’ailleurs les amis les plus proches de Verlaine à Londres, et ceux que Rimbaud et lui fréquenteront le plus11. Le nom d’Andrieu apparaît également dans la uploads/Litterature/ article-rimbaud-2 1 .pdf
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- Publié le Mar 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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