Gilles Picq Signature numérique de Gilles Picq DN : cn=Gilles Picq, o, ou, emai
Gilles Picq Signature numérique de Gilles Picq DN : cn=Gilles Picq, o, ou, email=gilles.picq@wanad oo.fr, c=FR Date : 2015.06.18 16:11:13 +01'00' REFLETS D’UNE MAUPASSANTE Vie de Gisèle d’Estoc _________________ par Gilles Picq Avec la collaboration de Nicole Cadène Copyright Gilles Picq AVANT-PROPOS Les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. Philippe Claudel – Le Rapport de Brodeck. Il en est de ces existences qui ne laissent pas de traces derrière elles ou si peu qu’on dirait que quelque lémure fut mandaté pour dissiper le souvenir du disparu dans les mémoires des vifs, un peu à la manière de ces Comanches qui effaçaient leurs traces dans les plaines de l’Oklahoma, afin que nul ne les retrouve. La personne à laquelle nous tentons ici de redonner vie est dans cette situation. Il n’est pas sûr que nous ayons tous notre Comanche, mais celui de Marie-Paule Courbe avait un nom : il s’appelait Pierre Borel. Seulement, celui-ci était d’un genre particulier : tandis qu’il laissait une trace, il en inventait une autre qui mettait définitivement le chercheur sur une piste le conduisant, pour le coup, à douter de la véritable information. Si le nom de Marie-Paule Courbe ne dit rien à personne, celui de Gisèle d’Estoc est aujourd’hui, tout de même, plus familier. Cependant, nous avons choisi de la nommer ici par le nom qu’elle reçut à sa naissance et dont elle usait notamment dans les salons où, sculptrice, elle exposait. Jamais, en effet, elle ne signa de ce pseudonyme, fabriqué par Pierre Borel à partir de deux autres, parfois utilisés : Gyzèle et G. d’Estoc. La première fois que nous croisâmes Mme d’Estoc ce fut à l’occasion de nos recherches sur Laurent Tailhade. Nous échangeâmes alors nos impressions avec les amis Philippe Oriol et Christian Laucou qui firent paraître cet ouvrage fondateur intitulé A propos de l’attentat Foyot. Puis, nous donnâmes une communication au premier colloque des Invalides destinée à faire un peu de lumière sur celle que beaucoup d’universitaires considéraient comme une pure invention. D’où le titre de notre intervention : On destocke Gisèle ou comment donner de la chair à un ectoplasme. Certes, ces quelques pages comportaient encore des erreurs et des approximations, mais elles avaient au moins le mérite de remettre l’ouvrage sur le métier. Personne ou presque ne les lut, puisque longtemps encore, nous reçûmes des courriers de chercheurs qui, soit se référaient au jugement définitif d’Auriant, écartant l’existence terraquée de Mme d’Estoc, soit reprenaient 1 telles quelles les forgeries de Borel. Telle était la doxa qui prévalait alors, lorsque nous fûmes contactés par Mélanie Hawthorne, de l’Université d’Austin, qui avait bien l’intention d’en découvrir un peu plus sur celle qui, jusque là, n’avait pas trouvé une biographie digne de ce nom. Un échange de lettres s’en suivit, puis, après un long silence, en 2013, Mélanie Hawthorne publia son livre : Finding the woman who didn’t exist – The curious life of Gisèle d’Estoc. La critique ne fut guère charitable avec cet ouvrage qui apportait, outre sa fraîcheur de ton et sa finesse d’analyse, nombre d’éléments nouveaux. Pour autant, la démarche était déconcertante. Cette biographie était construite en négatif, consistant à réaliser un portrait de Gisèle d’Estoc à partir de tout ce que l’on ne savait pas d’elle. Et forcément, à labourer toujours le même sillon on ne récolte qu’un piètre blé. Il suffisait d’aller voir dans le champ d’en face et on trouvait. Quant à nous, nous nous apprêtions définitivement à plier bagages, quand Nicole Cadène vint nous trouver à propos de Marie-Edmée Pau ; ce qui nous conduisit à renouer avec cette ancienne connaissance. Et en cherchant bien, en nous livrant au dépouillement systématique de périodiques, d’actes d’état-civil, d’archives dispersées tous azimuts, nous avons trouvé. Nous avons dû également déconstruire presque entièrement ce que Borel avait écrit sur le sujet afin de séparer le bon grain de l’ivraie. Mais, devant l’indigence des sources, l’essentiel de notre méthode a consisté à tenter de retrouver des images de Marie-Paule Courbe, souvent fugitives, à travers les personnages qu’elle avait approchés de près, comme Maupassant, ou de loin. D’où le titre choisi pour le présent ouvrage. Ces reflets nous les avons assemblés, mis bout à bout, afin qu’ils nous renvoient des contours que nous n’aurions jamais pu faire apparaître autrement. Marie-Edmée Pau, Gyp, Rachilde, Astié de Valsayre, par exemple, sont autant de doubles dans lesquels Marie-Paule Courbe a pu se projeter successivement. Nous proposons donc ici un portrait en creux, une sorte de contre-portrait réalisé en regard de ceux de ses contemporains, le plus souvent obscurs et oubliés. Au risque de donner à lire un ouvrage vétilleux, sans doute nous reprochera-t-on parfois l’extrême précision biographique concernant des personnalités de second plan de la société nancéienne, notamment, mais il fallait également penser à l’intérêt que cette biographie pourrait susciter auprès des historiens locaux qui découvriront leur compatriote. Nous avons conscience que ce travail laisse encore derrière lui des parts d’ombre ; il a peut-être même échafaudé des hypothèses qui se révèleront erronées dans le futur. Mais ce qui est certain c’est qu’il aura respecté la personne de Marie-Paule Courbe, si maltraitée par nombre de devanciers, de Rictus à Pierre Borel. Enfin, précisons que cet ouvrage est le fruit d’une collaboration, sinon dans l’écriture, du moins dans la recherche, avec Nicole Cadène. 2 Table des chapitres Chapitre 1er - Une enfance nancéienne Chapitre 2 – Sur la toile et sous l’ébauchoir Chapitre 3 – L’hypothèse Emma Rouër Chapitre 4 – La Maupassante aux cent soucis Chapitre 5 – Gyzèle, alias Gyz-El Chapitre 6 – Un roman à vacarme Chapitre 7 – De sombres personnages Chapitre 8 – Qui va faire le ménage ? Chapitre 9 – De Parent-Desbarres à Pillard d’Arkaï Chapitre 10 – En attendant Foyot Bibliographie 3 CHAPITRE 1er - Une enfance nancéienne Marie, Paule, Alice Courbe vit le jour à Nancy le 27 mars 1845, au n°2 de la rue Montesquieu. C’est ici qu’elle passa son enfance comme elle le révéla plus tard à Pillard d’Arkaï : « C’est en lorraine que je suis née…, à l’ombre d’une vieille cathédrale, dans une maison d’ancien style…C’est là que j’appris à rêver, à penser, à prier. Quand les trois cloches, nos voisines, se mettaient, vers le soir, à chanter l’angélus, cela faisait trembler les murs… ».1 n°2, rue Montesquieu, Nancy (cliché G.P., 2011) De fait, l’immeuble de trois étages, dont la porte d’entrée est surmontée d’un mascaron se trouvait – et se trouve encore – sur le trottoir qui fait face à l’un des côtés de la cathédrale de Nancy. L’édifice, tout comme les maisons du quartier, situé à deux pas de la sublime place Stanislas, ont été bâtis au cours du dix-huitième siècle. Marie Paule Courbe eut donc pour voisins, dans son enfance, successivement, deux évêques, qui laissèrent leur nom dans les mémoires : Mgr Darboy, évêque de Nancy de 1859 à 1863, avant d’être nommé archevêque de Paris, ville, qui, comme on sait, lui sera fatale, et le futur archevêque d’Alger, Mgr Lavigerie - alors plus jeune évêque de France - successeur du précédent jusqu’en 1867. Ce ″quartier clérical″, comme le nomme Christian Pfister2, bâti sur des terres appartenant aux chanoines, s’articulait entièrement autour de la cathédrale. D’abord nommée rue de la Vieille Primatiale, puis rue Montesquieu de 1791 à 18143 et définitivement depuis 1830, après l’intermède de la Restauration, époque où elle avait retrouvé son nom initial, cette rue était le berceau familial des Courbe : son père, Jean-Pierre Courbe y était né trente-trois ans auparavant au n°14. En 1858, sa grand-mère paternelle, Elisabeth Caron y décéda. Jusqu’en 1844, sa famille vécut chez ses grands-parents paternels dans un immeuble d’apparence bien moins cossue. Sans qu’on sache grâce à quelle manne céleste ce fut possible, ses parents devinrent les heureux propriétaires de l’immeuble sis au n°2, rue Montesquieu en 1844/1845. Ils occupèrent un appartement, entretenant même une bonne à 1 Cité par Pierre Borel, Maupassant et l’Androgyne, p.42. 2 Chr. Pfister, Histoire de Nancy, tome 2, p.340. 3 Ch. Courbe, Les Rues de Nancy du XVIe siècle à nos jours, Nancy, Imprimerie Lorraine, 1885-1886, tome 2, pp.41-42. 4 demeure, et louèrent le reste du bâtiment4. C’est ainsi que le rez-de-chaussée connut les locataires suivants : Auguste Majorelle5, le sculpteur Krémer6 et le marchand de planches de bois François. C’est à cette adresse que naquit le 16 novembre 1862 Jeanne Rose Camille Majorelle7. Celle-ci se maria en 1880 avec Marie-Henri Schaeffer. De cette union, ils eurent un fils Henri, qui devait devenir, en 1910, le père du célèbre compositeur Pierre Schaeffer. La famille Courbe vendit l’immeuble du n°2 de la rue Montesquieu, en mai 1868 mais continua à l’habiter jusqu’en 18698, date à laquelle elle vint s’installer à Paris, entre autres, au n°99, rue de Rennes9. Les parents revinrent se fixer définitivement à Nancy en avril 1878, au n°1, rue de Metz, où ils louaient un appartement de 4 pièces pour un loyer de 800 francs10. Après la mort de son père, en 1879, sa uploads/Litterature/ reflets-d-x27-une-maupassante.pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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