- 1 - - 2 - ROBIN HOBB LA SECTE MAUDITE L’Assassin Royal **** **** roman Tradui

- 1 - - 2 - ROBIN HOBB LA SECTE MAUDITE L’Assassin Royal **** **** roman Traduit de l’anglais par A. Mousnier-Lompré - 3 - Titre original : FOOL’S ERRAND (The Tawny Man - Livre I) (deuxième partie) © 2001, Robin Hobb © 2003 Editions Flammarion, département Pygmalion pour l’édition en langue française ISBN 2-85704-822-X - 4 - A Ruth et ses fidèles rayés, Alexander et Crusades. - 5 - - 6 - 1 MYRTEVILLE Depuis l’époque du prince Pie, l’élimination des vifiers était considérée comme une pratique aussi normale que la condamnation aux travaux forcés pour dette aggravée ou la flagellation pour vol. Le monde était ainsi, et nul ne le remettait en cause. Au cours des années qui suivirent la guerre des Pirates rouges, il ne fut donc pas étonnant que les purges aillent bon train : la Purification de Cerf avait débarrassé le pays des Pirates et de leurs créations, les forgisés, et les honnêtes gens aspiraient à éradiquer toute souillure des Six- Duchés ; certains se montrèrent peut-être parfois trop prompts à punir sans guère de preuves : pendant une certaine période, l’accusation, fondée ou non, d’avoir le Vif suffit à faire trembler pour sa vie. Les Fidèles du prince Pie, comme ils se baptisaient eux- mêmes, profitèrent de ce climat de suspicion et de violence ; sans jamais révéler leur propre identité, ils se mirent à dénoncer publiquement des personnages en vue, qui possédaient le Vif mais refusaient de prendre position contre la persécution des plus vulnérables d’entre eux. C’était la première fois que les vifiers, en tant que groupe, tentaient d’acquérir une influence politique ; cependant, il ne s’agissait pas du soulèvement d’un peuple contre l’injustice d’un oppresseur, mais de la manœuvre sournoise d’une faction perfide résolue à s’emparer du pouvoir par tous les moyens. Ses membres n’étaient pas plus loyaux les uns envers les autres que les chiens d’une même meute. Politique de la conjuration des Fidèles du prince Pie de DELVIN - 7 - * Notre course effrénée pour atteindre l’embarcadère à temps se révéla sans objet ; le bac était toujours à l’amarre et il y resterait, comme me l’apprit le capitaine, en attendant une cargaison de deux chariots de sel. Quand le seigneur Doré arriva en compagnie de Laurier, peu de temps après moi, je dois le reconnaître en toute sincérité, l’homme demeura inflexible. Mon maître lui offrit une bourse replète pour nous faire traverser sans les chariots, mais il secoua la tête en souriant. «Votre argent, je ne le toucherai qu’une fois, et, si joliment qu’il tinte, je ne pourrai le dépenser qu’une seule fois, tandis que cette cargaison, c’est dame Brésinga qui m’a prié de l’embarquer, et son argent tombe dans ma poche chaque semaine. Je ne veux rien faire qui risque de la mécontenter ; je vous demande donc pardon, noble seigneur, mais vous allez devoir patienter. » Ce contretemps ne réjouissait guère sire Doré, mais il ne pouvait rien y changer. Il m’ordonna de surveiller les chevaux pendant que lui-même se rendait à l’auberge de l’embarcadère pour passer le temps confortablement assis devant une chope de bière. Il ne sortait pas de son personnage et je n’avais donc à en concevoir aucun ressentiment, ainsi que je me le répétai à plusieurs reprises. Si Laurier ne nous avait pas accompagnés, nous aurions peut-être pu mettre bas les masques de temps en temps sans compromettre nos rôles ; j’avais espéré un voyage agréable où nous ne serions pas obligés de maintenir constamment notre relation de maître et de domestique, mais c’était impossible, et je me résignai à la réalité. Pourtant, mes regrets durent transparaître dans mon expression, car Laurier me rejoignit alors que je promenais les chevaux dans un champ non loin de l’appontement. «Quelque chose ne va pas ?» demanda-t-elle. Je lui lançai un regard étonné, surpris par son ton compatissant, et je répondis la vérité : «Non, je pensais simplement à un vieil ami qui me manque. — Ah !» Comme je me taisais, elle reprit : «Vous avez un bon maître ; il ne vous en veut pas que vous l’ayez battu à la - 8 - course. J’en connais beaucoup qui se seraient arrangés pour vous le faire regretter. » Cette réflexion me désarçonna, non en tant que Tom Blaireau mais en tant que Fitz ; je n’avais pas imaginé une seconde que le fou pût prendre ombrage d’une victoire obtenue à la loyale. A l’évidence, je n’étais pas encore tout à fait dans la peau de mon personnage. «Vous avez sans doute raison ; pourtant, il est autant vainqueur que moi, puisque c’est lui qui a choisi ma jument. De prime abord, elle ne me faisait pas très bonne impression, mais elle galope bien, et, pendant la course, elle a fait montre d’un caractère que je ne soupçonnais pas. Maintenant, je pense arriver à en faire une bonne monture. » Laurier s’écarta pour observer ma jument noire d’un œil critique. «Elle m’a l’air de bonne qualité. Qu’est-ce qui vous gênait chez elle ? — Ma foi... » Je cherchai une réponse qui ne laissât pas soupçonner mon Vif. «Il me semblait qu’elle manquait de bonne volonté. Certains chevaux ont envie de faire plaisir à leur cavalier, comme votre Casqueblanc et Malta ; ma noire n’a pas cette nature, apparemment, mais elle l’acquerra peut-être à mesure que nous apprendrons à nous connaître. — Manoire ? C’est son nom ?» Je haussai les épaules en souriant. «Si l’on veut. Je ne l’ai pas encore baptisée mais, en effet, c’est ainsi que je l’appelle, je crois. » Laurier me jeta un regard en coin. « C’est toujours mieux que Noiraude ou Fifi. » Je perçus sa réprobation et lui adressai un sourire ironique. «Je comprends ce que vous voulez dire. A la longue, je lui trouverai peut-être un nom qui lui conviendra mieux, mais pour l’instant c’est Manoire. » Nous marchâmes un moment en silence ; Laurier ne cessait de jeter des coups d’œil aux routes qui menaient au bac. «J’ai hâte que ces chariots arrivent. Je n’en vois pas signe. — Bah, le pays est vallonné ; ils sont peut-être dissimulés par une colline proche et nous allons les voir apparaître dans un instant. - 9 - — Je le souhaite. Il me tarde d’être en chemin. J’avais espéré arriver à Myrteville avant la nuit, car je voudrais visiter la région le plus vite possible. — En quête de gibier pour la Reine, fis-je. — Oui. » Elle détourna le regard, puis elle déclara tout à trac, comme pour me faire comprendre qu’elle ne trahissait aucun secret : «La reine Kettricken m’a dit que je pouvais vous faire confiance, à sire Doré et à vous, et que je ne devais rien vous cacher. » J’inclinai la tête. « Sa Majesté m’honore. — Pourquoi ? — Pourquoi ? répétai-je, décontenancé. Eh bien, une telle confiance de la part d’une si grande dame envers quelqu’un comme moi, c’est... — C’est invraisemblable, surtout sachant que vous n’êtes au château de Castelcerf que depuis quelques jours. » Elle me regarda dans les yeux. Kettricken avait bien choisi sa confidente ; cependant, la vivacité d’esprit de Laurier pouvait aussi représenter un danger pour moi. Je me passai la langue sur les lèvres tout en me demandant que répondre. Je décidai finalement de lui livrer une parcelle de vérité ; il me serait plus facile de m’y tenir qu’à un mensonge lors de conversations ultérieures. «Je connais la reine Kettricken depuis longtemps ; j’ai effectué plusieurs missions discrètes à sa demande à l’époque de la guerre des Pirates rouges. — C’est donc pour elle que vous êtes venu à Castelcerf, plutôt que pour sire Doré ? — Il serait plus juste, je pense, de dire que je m’y suis rendu pour moi-même. » Nous nous tûmes et conduisîmes nos chevaux à la berge pour les abreuver. Sans crainte de l’eau, Manoire s’avança dans le courant et but longuement ; je me demandai quelle serait sa réaction lorsqu’elle embarquerait sur le bac ; elle était grande et le fleuve large ; si elle se mettait en tête de faire des difficultés, la traversée risquait de me paraître longue. Je trempai mon mouchoir dans l’eau froide et m’essuyai le visage. «Vous croyez que le prince a simplement fait une fugue ?» - 10 - J’ôtai le mouchoir de devant mes yeux pour la dévisager, abasourdi. Cette femme n’y allait pas par quatre chemins ! Je jetai des coups d’œil alentour pour m’assurer que nul ne pouvait nous entendre tandis qu’elle ne me quittait pas du regard. «Je n’en sais rien, répondis-je avec la même franchise. Il est possible qu’il ait été enlevé par ruse plutôt que de force ; c’est l’impression que j’ai. Mais j’ai la conviction qu’il n’est pas seul responsable de sa disparition. » Je mordis ma langue trop bien pendue : comment étayer cette opinion ? En révélant que j’avais le Vif ? Mieux valait écouter que parler. « On uploads/Litterature/ assassin-royal-tome-08-la-secte-maudite.pdf

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