1 UNIVERSITE DE LA SORBONNE NOUVELLE (PARIS III) U.F.R. de Littérature Générale
1 UNIVERSITE DE LA SORBONNE NOUVELLE (PARIS III) U.F.R. de Littérature Générale et Comparée BAUDELAIRE TRADUCTEUR DE POE CLAIRE HENNEQUET Mémoire présenté pour l’obtention de la maîtrise de Littérature générale et comparée. Directeur de recherche : M. Eric DAYRE. Session de soutenance : juin 2005. 2 BAUDELAIRE TRADUCTEUR DE POE 3 TABLE DES ABREVIATIONS Pour les références exactes, consulter la bibliographie. HE E.POE, Histoires extraordinaires. Traduites par Charles Baudelaire. NHE ______, Nouvelles Histoires extraordinaires. Traduites par Charles Baudelaire. HGS ______, Histoires grotesques et sérieuses. Traduites par Charles Baudelaire. OEP ______, Œuvres en prose. Traduites par Charles Baudelaire. Cor.I ou II C.BAUDELAIRE, Correspondance, tome I ou II. Fleurs _______________, Les Fleurs du mal. EAP 1 _______________, « Edgar Allan Poe, sa vie et ses ouvrages ». EAP 2 _______________, « Edgar Allan Poe, sa vie et ses œuvres ». NNlles _______________, « Notes Nouvelles sur Edgar Poe ». 4 INTRODUCTION 5 Dès leurs premières parutions, les traductions des œuvres d’Edgar Allan Poe par Baudelaire ont été très appréciées. Leurs publications en feuilletons dans différents journaux1, puis en volumes entre 1856 et 1865, ont valu à Baudelaire d’être largement félicité pour ce travail par ses contemporains : en 1858, Le Moniteur Universel jugeait que «M.Baudelaire (…) a traduit [Edgar Poe] d’une manière remarquable dans des sujets très difficiles. » 2, et cent ans plus tard, dans un ouvrage qu’il consacre à la réception française de Poe, le critique américain Patrick F. Quinn écrivait : « A translation of this excellence is hardly less than a tour de force.» 3 . En dehors de la qualité des traductions qu’il a produites, ses lecteurs et ses critiques apprécient également l’enthousiasme de Baudelaire pour Poe, qui se manifeste par un certain acharnement à le faire connaître. En mars 1856 la Revue Française suggérait même que les lecteurs seraient plus touchés par l’éloquence et l’enthousiasme du préfacier que par l’auteur américain4 ! Le temps a donné raison à cet enthousiasme : Edgar Poe est devenu pour la France et l’Europe un auteur majeur, tant par son influence sur la littérature à venir (il est notamment considéré comme un précurseur du roman policier et du roman d’anticipation) que par son succès populaire. Baudelaire, par ses traductions d’une partie de l’œuvre de Poe et les préfaces et articles qui les ont accompagnées, a contribué de façon considérable à ce succès. Léon Lemonnier, critique français qui s’est spécialisé dans la relation qui unit Edgar Poe et la France, estimait en 1928 que : « … Baudelaire a contribué puissamment à la gloire de Poe par sa parole et ses écrits »5. Même si d’autres que lui (et en particulier Mallarmé, autre traducteur illustre de Poe) se sont attachés à faire découvrir Poe, c’est bien Baudelaire qui a réussi à 1 La première traduction de Poe publiée par Baudelaire est Révélation magnétique, parue dans La liberté de penser en juillet 1848. 2 Le Moniteur Universel, août 1856. Cité par Léon Lemonnier dans L.LEMONNIER. Les Traducteurs d’Edgar Poe en France de 1845 à 1875 : Charles Baudelaire. Paris : Presses universitaires de France, 1928. P.157. 3 P.F.QUINN. The French Face of Edgar Poe. Carbondale : Southern Illinois Press, 1957. P.121. « Une traduction d’une telle excellence n’est rien moins qu’un tour de force » (je traduis). 4 Revue Française, mars 1856 : « M.Baudelaire a, dans sa préface, exhibé le personnage américain de son auteur avec une verve de sympathie et de talent qui risque fort de dépasser le but, car jusqu’ici, je dois l’avouer, n’ayant encore lu que la moitié du livre, la préface m’en paraît le morceau capital, l’histoire la plus touchante, la plus humaine et même la plus extraordinaire. ». Cité par L.LEMONNIER, Idem, P.155. 5 L.LEMONNIER. Ibid. P.162. 6 faire d’un auteur alors peu connu « un grand homme pour la France» 1, sinon pour l’Europe toute entière. Plus récemment, certains auteurs, comme Claude Richard2 ou Jany Berretti3, ont, eux, insisté sur les aspects négatifs que l’influence baudelairienne a pu avoir sur la réception française d’Edgar Poe et de son œuvre, et notamment sur ce qu’on pourrait appeler l’ombre portée de Baudelaire sur l’œuvre et le mythe qui accompagne la figure de l’auteur américain. Ces critiques nous montrent en creux la place prépondérante qu’occupe aujourd’hui encore le travail de Baudelaire parmi toutes les traductions et critiques de l’œuvre de l’auteur américain. Les Histoires extraordinaires traduites par Charles Baudelaire demeurent le recueil de Poe le plus connu et le plus lu en France, et la gloire de Baudelaire en tant que traducteur reste immense. Elle est telle qu’Inès Oseki- Depré le classe parmi « les grands traducteurs français du siècle (Hugo, Baudelaire, Mallarmé, Madame de Staël, Leconte de Lisle) »4, si bien qu’il n’est peut-être pas exagéré de penser qu’elle participe à sa gloire de poète. Cependant, si la qualité et l’importance pour l’histoire littéraire du travail de traducteur de Baudelaire sont largement reconnues, on est frappé de constater que la critique baudelairienne s’est finalement assez peu intéressée à ce pan de la vie du poète. Alors que certaines éditions ont été jusqu’à associer œuvre poétique et traductions dans un même recueil des œuvres complètes de Baudelaire5, les enjeux propres au processus de la traduction pour Baudelaire sont le plus souvent absents des études et réflexions sur son œuvre. La question de la traduction proprement dite, si elle est abordée, est souvent réduite à celle de l’influence que Poe a pu exercer sur Baudelaire. Paul Valéry, par exemple, écrivait en 1929 que Baudelaire n’aurait été « qu’un émule de Gautier, sans doute, ou un excellent artiste du Parnasse, s’il [n’avait], par la curiosité de son esprit, mérité la chance de découvrir dans les ouvrages d’Edgar Poe un nouveau monde 1 C.BAUDELAIRE. Lettre à Sainte-Beuve du 19 mars 1856 : « Il faut, c’est-à-dire je désire, qu’Edgar Poe, qui n’est pas grand-chose en Amérique, devienne un grand homme pour la France. ». Cor.I. Paris : Gallimard, 1993, (Coll.La Pléiade). P.343. 2 Spécialiste français de Poe. C.RICHARD. « Le mythe de Poe », in E.POE, Contes. Essais. Poèmes. Paris: Robert Laffont, 1989, pp.9-23 (Coll. Bouquins). 3 Spécialiste de traduction. J.BERRETTI. « Influençable lecteur : le rôle de l’avant-lire dans la lecture du Poe de Baudelaire. », in Palimpsestes n° 9, 2e trimestre 1995: La lecture du texte traduit. Paris : Presse de la Sorbonne Nouvelle, 1995, pp.57-72. 4 I.OSEKI-DEPRE. Théories et pratiques de la traduction littéraire. Paris : Armand Colin, 1999. P.53. 5 Par exemple la première édition des Œuvres complètes de Baudelaire, parue chez Michel Lévy en 1869. 7 intellectuel »1. Mais les enjeux de la traduction (à la fois comme processus et comme activité) ne se résument pas à l’influence de Poe sur Baudelaire car celui-ci aurait pu être influencé par Poe par la simple lecture de ses œuvres. Les critiques de Baudelaire se sont également beaucoup intéressés à l’aspect économique du travail de traducteur de Baudelaire. Cette activité a effectivement été pour lui une rente de subsistance bienvenue étant donné ses constantes difficultés pécuniaires. Cependant, il nous semble qu’il s’agit là aussi d’une analyse réductrice : une activité qui a accompagné Baudelaire pendant dix-sept ans n’a sans doute pas eu dans sa vie une valeur exclusivement économique ; elle ne peut manquer d’avoir eu une certaine influence sur lui, par exemple sur sa façon d’appréhender l’écriture. Il faut peut-être voir dans cette analyse la marque d’un certain déni de la valeur propre de la traduction. Ce déni se manifeste plus ou moins fortement selon les époques et on le retrouve par exemple dans la thèse avancée par Claude Pichois2 en 1967 - quelle qu’en soit la justesse sur le plan psychologique- qui voit dans l’activité de traduction de Baudelaire une procrastination de son propre travail de poète. Nous nous retrouvons donc face à un double constat : celui d’une insuffisance dans le domaine critique et celui d’une injustice faite à l’activité de traduction de Baudelaire, dont on n’imagine pas qu’elle ait pu entretenir un lien avec la constitution de son œuvre de poète. Or la seconde moitié du XXe siècle, qui a connu un important effort de théorisation du processus et de l’objet traduction, a été le moment d’une revalorisation de la traduction, dans la continuité de laquelle nous nous situons en ce début du XXIe siècle. Nous nous intéresserons donc exclusivement dans cette étude à cet aspect peu étudié de la vie et de la carrière de Baudelaire : son œuvre de traducteur. La traduction des œuvres d’Edgar Poe3 a accompagné Baudelaire pendant près de dix-sept ans : de 1848 à 1865, années de maturité et de fécondité poétique1. Baudelaire a 1 P.VALERY. « Situation de Baudelaire », in Variété, in Œuvres I. Paris : Gallimard, 1957, (Coll. La Pléiade). P.599. 2 Dans : C.PICHOIS. « Baudelaire ou la difficulté créatrice. », in Baudelaire, Etudes et témoignages. Neuchâtel : La Baconnière, 1967, pp.242-261. 3 Plus précisément, d’une partie des œuvres de Poe. 8 également traduit d’autres auteurs, de Quincey par exemple. La place qu’a eue la uploads/Litterature/ baudelaire-traducteur-de-poe-pdf.pdf
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- Publié le Jul 02, 2022
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