Beauté fatale Les nouveaux visages d aliénation féminine Beauté fatale. Les nou

Beauté fatale Les nouveaux visages d aliénation féminine Beauté fatale. Les nouveaux visages d aliénation féminine (Zones /La Découverte, 250 pages, 18 euros) reprend et approfondit des analyses ébauchées soit sur le site de l Périphéries, soit dans Le Monde diplomatique où elle tient chronique. Avec son autorisation, nous vous proposons ici l de ce livre. Ecrire un livre pour critiquer le désir de beauté ? Il n a pas de mal à vouloir être belle ! ma parfois objecté lorsque j autour de moi le projet de cet essai. Non, en effet : ce dé sir, je souhaite même le défendre (voir chapitre 2). Le problème, ce que dire cela à une femme aujourd revient un peu à dire à un alcoolique au bord du coma éthylique qu petit verre de temps en temps n jamais fait de mal à personne. Autant l : dans une société où compte avant tout l robe blanche soirée des produits, où la logique consumériste s à tous les domaines de la vie, où l des idéaux laisse le champ libre à toutes les névroses, où règnent à la fois les fantasmes de toute-puissance et une très vieille haine du corps, surtout lorsqu est féminin, nous n quasiment aucune chance de vivre les soins de beauté dans le climat de sérénité idyllique que nous vend l publicitaire. Pourtant, même si l soupire de temps à autre contre des normes tyranniques, la réalité de ce que recouvrent les préoccupations esthétiques chez les femmes fait l d dé ni stupéfiant. L de la femme équilibrée, épanouie, à la fois active et séductrice, se démenant pour ne rater aucune des opportunités que lui offre notre monde moderne et égalitaire, constitue une sorte de vérité officielle à laquelle personne ne semble vouloir renoncer. Pendant ce temps, sans qu y prenne garde, notre vision de la féminité se réduit de plus en plus à une poignée de clichés mièvres et conformistes. La dureté de l aidant, la tentation est grande de se replier sur ses vocations traditionnelles : se faire belle et materner (chapitre 1). Le cinéma est gangrené par le phénomène des égéries ces actrices sous contrat avec un parfumeur, un maroquinier ou une marque de cosmétiques, et plus préoccupées de soigner leur image de porte-manteau maigrichon tiré à quatre épingles que d la palette de leur jeu. Le succès des blogs mode ou beauté témoigne lui aussi d horizon mental saturé par les crèmes et les chiffons (chapitre 3). Au-delà des belles images, l de modèles inatteignables enferme nombre de femmes dans la haine d dans des spirales ruineuses et destructrices où elles laissent une quantité d exorbitante. L de la minceur trahit une condamnation persistante du féminin, un sentiment de culpabilité obscur et ravageur (chapitre 4). La crainte d laissée pour compte fait naître le projet de refaçonner par la chirurgie un corps perçu comme une matière inerte, d ésenchantée, malléable à merci, un objet extérieur avec lequel le soi ne s en aucune maniè re (chapitre 5). Enfin, la mondialisation des industries cosmétiques et des groupes de médias aboutit à répandre sur toute la planète le modèle unique de la blancheur, réactivant parfois des hiérarchies locales délétères (chapitre 6). Les conséquences de cette aliénation sont loin de se limiter à une perte de temps, d et d La peur de ne pas plaire, de ne pas correspondre aux attentes, la soumission aux jugements extérieurs, la certitude de ne jamais être assez bien pour mériter l et l des autres, traduisent et amplifient tout à la fois une insécurité psychique et une autodévalorisation qui étendent leurs effets à tous les domaines de la vie des femmes. Elles les amènent à tout accepter de leur entourage ; à faire passer leur propre bien-être, leurs intérêts, leur ressenti, après ceux des autres ; à toujours se sentir coupables de quelque chose ; à s à tout prix, au lieu de fixer leurs propres règles ; à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, se condamnant ainsi à un état de subordination permanente ; à se mettre au service de figures masculines admirées, au lieu de poursuivre leurs propres buts. Ainsi, la question du corps pourrait bien constituer un levier essentiel, la clé d avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences conjugales à celle contre les inégalités au travail en passant par la défense des droits reproductifs. En France, cependant, cette question est toujours restée dans l mort ; elle suscite plutôt l Les féministes, contrairement à leurs homologues américaines, ne s sont jamais vraiment emparées, y voyant, au mieux, un enjeu secondaire (1). À leur relatif désintérêt s l d tradition française d de la culture de masse, considérée comme un objet scientifique indigne, anodin ou vulgaire ou les deux. Or les films, les feuilletons, les émissions de t élévision, les jeux, les magazines, parce qu impliquent une relation affective, ludique, aux représentations qu proposent, parce qu mettent en branle les pouvoirs de la fiction et de l informent en profondeur la mentalité de leur public, jeune et moins jeune. Dans ce contexte, un magazine comme Elle peut se proclamer féministe sans (toujours) susciter l et une Elisabeth Badinter juger les représentations publicitaires inoffensives sans voir son crédit entamé. Il a fallu attendre la parution de son livre sur les dérives supposées de l en 2010, pour que sa qualité d principale de Publicis, troisième groupe mondial de publicité, soit mise en avant, après avoir longtemps été éclipsée par le prestige du nom de son mari (2). De même, en 2011, les commentaires suscités par les soutiens-gorge ampliformes pour fillettes ou les mini-spas se contentaient souvent d le marketing Cette explication nous fait penser aux blagues racistes ou misogynes dont l lance, lorsqu constate que son interlocuteur n pas vraiment plié en deux : Oh, mais c de l ! Or il n pas innocent de prétendre faire vendre précisément avec ça, comme il n pas innocent de prétendre faire rire avec ça. La calamité du féminisme à la française faut-il parler d ou d ? Amorcer une critique de l féminine à l des apparences fait immédiatement surgir dans les esprits le pire cauchemar des essayistes germanopratins : la féministe américaine, char d monté sur des baskets pointure 44 qui exhibe ses poils aux jambes, passe son temps à se couvrir la tête de cendres en dévidant d voix caverneuse sa litanie victimaire et vous intente un procès pour viol dès que vous la regardez dans les yeux sans son consentement explicite. Pas de ça chez nous ! De toute façon, nous explique-t-on pour mieux conjurer ce spectre funeste, on n a pas besoin, car la France, elle, a su pour l des sexes tout en préservant le délicieux frisson des rapports de séduction c à se demander comment font les Américains pour continuer à se reproduire. Pour le démontrer, Pascal Bruckner, dans La Tentation de l paru en 1995, convoque pêle- mêle Louise Labé, les Précieuses, les libertins et les troubadours (3). Dans Les Mots des femmes, la même année, Mona Ozouf tente elle aussi d pourquoi le discours du féminisme extrémiste trouve, par bonheur, si peu d en France (4). En 2006, Claude Habib, une spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle, lui emboîte le pas avec un hommage qu lui dédie à la galanterie française (5). Bien des féministes n pas reculé devant le rôle de rabat-joie, y déplore-t-elle, ignorant apparemment combien c classique avec ces garces. Elles ont attaqué l galante en brandissant le fait des crimes sexuels qui se commettent en France : si des violences contre les femmes se produisent ici comme ailleurs, c que la pré tendue entente des sexes est une duperie. Et pourtant, argue-t-elle, il n pas impensable qu même société abrite, sur un même sujet, la délicatesse et la brutalité. Ainsi, depuis la seconde moitié du XXe siècle, le souci des animaux domestiques et la maltraitance des animaux d se sont développés parallèlement De l de choisir ses comparaisons. De surcroît, on sous-estime les vertus quasi thaumaturgiques exercées par la galanterie vé ritable poudre de perlimpinpin sur les aspects contrariants que pourrait présenter la condition des femmes françaises : Au sein de leurs foyers, même si les Françaises travaillent, elles ne servent pas. Elles font ce qu leur plaît de faire. Sans nous en rendre compte, nous sommes habituées à un régime d Il est exclu qu mari parle à sa femme comme à une servante. Monsieur est trop bon. Au moins, les partis pris sont clairs, et l s tranquillement (6) : Au malaise qui touche le caractère national dans son ensemble s dans le cas de la galanterie, un second facteur de fragilité : le grave ébranlement des identit és sexuelles qu produit la contestation féministe puis l des homosexualités. théorie de l exception française suit toujours le même schéma discursif : on commence par concéder qu reste des progrès à faire, sans uploads/Litterature/ beaute-fatale-les-nouveaux-visages-d-alienation-feminine.pdf

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