Le Muséon 124 (1-2), 181-227. doi: 10.2143/MUS.124.1.2118194 - Tous droits rése
Le Muséon 124 (1-2), 181-227. doi: 10.2143/MUS.124.1.2118194 - Tous droits réservés. © Le Muséon, 2011. * We owe a great debt of gratitude to Dr. A. Treiger. Cet article est l’aboutissement d’un séminaire tenu à l’Université catholique de Louvain en 2009-2010. Nous remercions tous les participants: P. La Spisa, G. Daou, N. Derouich, P. Froissart, D. Habbabé, M. Makhoul. La seconde partie de cet article sera publiée dans Le Muséon, 124 (2011), fasc. 3-4. 1 A. TREIGER, New Evidence on the Arabic Version of the Corpus Dionysiacum, in Le Muséon, 118 (2005), p. 219-240 (= TREIGER, New Evidence) et du même, The Arabic Version of Pseudo-Dionysius the Areopagite’s Mystical Theology, Chapter 1: Introduc- tion, Critical Edition, and Translation, in Le Muséon, 120 (2007), p. 365-393 (= TREIGER, The Arabic Version). 2 TREIGER, The Arabic Version. 3 W.S. WATSON, An Arabic Version of the Epistle of Dionysius the Aeropagite to Timothy, in The American Journal of Semitic Languages and Literatures, 16 (1900), p. 225-241. Sur ce texte, cf. TREIGER, New Evidence, p. 223. 4 Cf. TREIGER New Evidence. On trouvera un résumé des conclusions de cet article dans TREIGER, The Arabic Version, p. 366-367. 5 Treiger en donne une démonstration claire. Cf. TREIGER, The Arabic Version, p. 374. CORPUS DIONYSIACUM ARABICUM: ÉTUDE, ÉDITION CRITIQUE ET TRADUCTION DES NOMS DIVINS IV, §1-9 Partie I* Les récents travaux d’Alexander Treiger ont renouvelé l’intérêt pour la version arabe du Corpus Dionysiacum : les nouveaux éléments déga- gés ont permis de préciser quels textes ont été traduits, par qui, quand, et dans quels manuscrits ils sont conservés1. Toutefois, le nombre de textes accessibles aux chercheurs est aujourd’hui encore très restreint: mises à part l’édition du chapitre 1 de la Théologie mystique par Treiger2 et celle par W. Scott Watson de la Lettre à Timothée3, la version arabe du Corpus Dionysiacum reste iné- dite. Le présent article a pour but d’élargir le corpus disponible et de prolonger l’étude de Treiger en éditant et étudiant de façon critique la version arabe du début du chapitre 4 des Noms divins, «De la bonté» (§1-9). On trouvera dans la deuxième partie de cet article l’édition et la traduction française du texte, ainsi qu’une présentation des manuscrits et de la méthode d’édition et de traduction. Nous proposons ici une analyse de la traduction arabe, que complètent les lexiques grec-arabe et arabe- grec se trouvant en annexe. Nous considérons comme acquises les conclusions de Treiger4: le texte des Noms divins que nous éditons a été traduit par Ibn SaÌquq d’Emèse en 1009 en Syrie, apparemment à partir du grec5; il est conservé 182 C. BONMARIAGE – S. MOUREAU Un extrait des Noms divins, ch. IV (mais en dehors de la partie ici éditée) peut aider à corroborer encore le passage ou le non-passage par le syriaque: au §30 (Corpus Diony- siacum I: Pseudo-Dionysius Areopagita, De divinis nominibus, éd. Beate Regina SUCHLA (Patristische Texte und Studien, 33), Berlin, 1990 (= DN, éd. SUCHLA), p. 175, l. 11-12), o˝den ö qeòv tò kakòn ¯Ç âgaqón est traduit ( الله قد علم الشر او الخيرms. Sinaï ar. 268, f. 216r, l. 3), le traducteur lisant Æ âgaqón au lieu de ¯Ç âgaqón: «en tant que bien». Il comprend pourtant l’expression ailleurs. Voir notamment DN, IV.28 (éd. SUCHLA, p. 174, l. 18), tò … kakòn ¯Ç kakón, traduit: ( الشرير ما دام شريراf. 215r, l. 9-10). Un autre élément à vérifier est la présence ou non d’une division allant de 4 à 24, inscrite dans le texte arabe dans la traduction d’Ibn SaÌquq (f. 209v-219v). Cette division, qui n’a aucun équivalent dans le grec (ni dans la traduction d’al-An†aki dont il sera question ci-dessous, p. 9), correspond sans doute aux différentes citations extraites des Hymnes érotiques de Hiéro- thée mentionnées dans cette partie du texte (DN, IV.22-35; les trois premières citations des mêmes Hymnes érotiques sont notées par un titre aux §15, 16 et 17, comme dans les manuscrits grecs). 6 Le ms. Sinaï ar. 85 (ainsi qu’une série de manuscrits plus tardifs) comprend une tra- duction alternative des Noms divins IV.18-35. Cf. TREIGER, New Evidence, p. 238-239 et ci-dessous, p. 189 et n. 24. Dans notre article, nous faisons référence au ms. Sinaï ar. 268, sauf lorsque celui-ci est peu ou pas lisible, auquel cas nous nous référons au ms. Sinaï ar. 314. Pour la partie que nous éditons (IV.1-9) dans la deuxième partie de l’article (Le Muséon, 124, fasc. 3-4), nous faisons référence aux lignes de notre édition (entre crochets). 7 TREIGER, New Evidence, p. 231 et p. 237 respectivement. Le ms. Sinaï ar. 314 est un volume composite, avec une première partie datée 1484, et une seconde, plus ancienne, où se situe notre texte. On trouvera une description plus complète des manuscrits dans la deuxième partie de cet article. 8 À paraître dans Le Muséon, 124 (2011), fasc. 3-4. dans deux manuscrits (Sinaï ar. 268 et 314)6. Ces manuscrits sont datés respectivement de 1225 et du XIIe siècle7. Seule remarque: cette dernière datation nous semble généreuse vers l’antériorité. Nous reviendrons sur cette question dans la deuxième partie de cet article8. La traduction d’Ibn SaÌquq On sait combien le grec du ps.-Denys peut être déroutant parfois: des phrases longues, un vocabulaire souvent complexe expriment une pensée qui, elle-même, se construit sur le paradoxe. En entreprendre la traduc- tion est en soi un défi, et on ne peut reprocher à Ibn SaÌquq la difficulté de la langue du texte des Noms divins, d’autant que celui-ci ne lui était accessible qu’en manuscrit. Mais notre traducteur semble avoir entrepris un labeur dépassant la compréhension qu’il a de la langue grecque même: il paraît parfois dérouté par des éléments relativement communs du grec, comme un certain nombre d’expressions simples (eî oÀtw xr® ƒánai, par exemple) qu’il ne comprend pas, la structure des phrases et l’ordre des mots de la syntaxe grecque qui le mettent dans l’embarras, sans parler du vocabulaire dionysien, qui souvent lui échappe. Ibn SaÌquq l’écrit dans le colophon de sa traduction: «Le traducteur de ce CORPUS DIONYSIACUM ARABICUM I 183 9 Ms. Sinaï ar. 268, f. 314r. Texte arabe et traduction anglaise TREIGER, New Evidence, p. 229. Treiger donne la traduction suivante de la suite du texte: «What [finally] prompted me to venture upon it was the request [customarily made] by [every] person who produces his translation according to [his] capacity: he asks whoever comes across it to disregard its blunders, complement its deficiency with his perfection, and cover its flaws with his excellence; he [also] begs [him] to pray for mercy and forgiveness for the translator both during [the latter’s] life and after [his] death.» 10 DN, IV.7 (701D), éd. SUCHLA, p. 151, l. 10-13; texte arabe: l. 266-270. livre de la langue grecque à la langue arabe dit: en entreprenant de tra- duire ce livre, je me suis chargé de quelque chose qu’il m’est difficile d’atteindre, du fait de mon incapacité et de ma déficience qui me font manquer la correction et la justesse»9. Cette formule, habituelle et presque rituelle, semble ici être, plutôt qu’une expression toute faite, le reflet de la réalité: le traducteur ne maîtrise que fort peu le texte du ps.- Denys. Le résultat est un texte souvent obscur et heurté, parfois diffici- lement compréhensible en arabe, et manquant le sens du texte dionysien sur des points importants. L’aspect positif de la chose est que, perdu dans les méandres du texte grec, le traducteur se raccroche à ce qu’il reconnaît: les mots mêmes. Il nous offre ainsi un aperçu clair de la façon dont on pouvait, à son époque et dans son milieu, comprendre (ou ne pas comprendre) le vocabulaire dionysien. Dans l’analyse qui suit, nous mettons en évidence certains aspects de la langue de la traduction, ainsi que les techniques mises en œuvre pour rendre en arabe les structures syntaxiques et lexicales de la langue grecque: ceci nous permettra de saisir les particularités de la ver- sion arabe, mais aussi les incompréhensions manifestes du traducteur et leur possible explication. Notre analyse se fera en deux temps: aspect général et questions de syntaxe d’abord, aspect lexical ensuite. 1. Aspect général et questions de syntaxe 1.1. Caractéristiques La traduction que propose Ibn SaÌquq suit au plus près le texte, le rendant la plupart du temps mot à mot (verbum de verbo), ce qui donne un texte arabe bien souvent difficile à lire sans référence au texte grec. Exemple 110 فالجيد كمثل الجود كله وفوق كل جيد وهو دايم فى هذه بعينها وكذلك الجيد لیس لانه لم يكن هكذا فصار اذ كان ليس بمضمحل ولا ناش ولا فاسد Une traduction littérale de l’arabe, sans recours au grec, donne un texte difficilement compréhensible: «Le bien est semblable au bon tout 184 C. BONMARIAGE – S. MOUREAU entier et au-dessus de tout bien et il est toujours dans ceci(?) même, et de même le bien n’est pas, parce qu’il n’était pas ainsi puis il est devenu, puisqu’il ne disparaît pas ni ne se génère ni ne se corrompt». Le texte grec se lit: uploads/Litterature/ bonmariage-cecile-moureau-sebastien-corp.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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