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Sujet : Comment la tragédie de Racine Britannicus arrive-t-elle à provoquer « la terreur et la pitié » ? INTRODUCTION Avec Corneille et Molière, Racine est l’un des grands dramaturges français du classicisme, mouvement qui se caractérise au théâtre par le respect de règles strictes : les trois unités, la vraisemblance, et les bienséances. Racine (1639-1699) est l’auteur de onze tragédies et d’une comédie dont Bérénice, Phèdre ou Andromaque. Il a écrit les plus beaux vers de la langue française, imaginé des progressions dramatiques irrépressibles, et donné de la passion, une progression souvent réaliste suscitant, en accord avec la définition d’Aristote de la tragédie, « la terreur et la pitié » Britannicus, deuxième grande tragédie de Racine, pièce en cinq actes et en vers, est représentée pour la première fois en 1669 à l’hôtel de Bourgogne. Si le thème de prédilection de Racine est la passion amoureuse et ses ravages, avec Britannicus, Racine écrit aussi une pièce politique. Cette tragédie romaine, peinture fidèle de la cour de Néron, est action et lamentation, une tragédie de la haine familiale, où l'espoir n'a pas de place, où toute promesse de bonheur, même illusoire, est chassée. Dans Britannicus, Racine nous propose une tragédie dans laquelle passions amoureuse et politique s'entremêlent. Pour cette raison, comment arrive-t-il- à provoquer « la terreur et la pitié » ? Pour répondre à cette question nous étudierons, en premier lieu, la vertu et l’innocence représentées par Junie-Britannicus-Burrhus, trois personnages qui incarnent des rôles dramatiques et pathétiques. Ils sont sacrifiés injustement, c’est pour cela qu’ils ont pour fonction d’éveiller la « compassion » du spectateur. Ensuite, nous aborderons le vice et la monstruosité qui sont représentés par le trio Agrippine-Néron-Narcisse. Au fur et à mesure que Racine lève un coin du voile sur les aperçus les plus ténébreux du règne de Néron, l'effroi du spectateur grandit. L’équilibre de Britannicus repose, donc, sur une pluralité de héros pathétiques et tragiques qui incarnent les différents aspects du tragique. Cette association des personnages avec les émotions de la tragédie met en place une représentation complexe et plurielle de l’humanité. *************** Britannicus est une tragédie du martyre. Racine tente de rallier le spectateur à des personnages sacrifiés. Des victimes qui sont admirables à cause de leur échec. Britannicus, à titre d’exemple, est le fils légitime de l’Empereur Claude et de Messaline. Il est également l’amant de Junie et le frère d’Octavie, épouse de Néron. La vie de Britannicus a changé après la mort de son père. Le personnage de Britannicus est présenté par Racine comme un jeune homme plein de cœur, d’amour et de franchise, privé injustement de son droit à l’empire, privé de la consolation d’un amour partagé, enfin méchamment mis à mort par un « un monstre naissant ». Le jeune prince inspire à coup sûr la pitié. Chacun, en effet, le plaint, et semble des yeux approuver la colère du fils de Claude. L’antagonisme entre les deux personnages principaux est le principe essentiel de l’action. Le caractère du prince apparaît comme le négatif de celui de son rival : son imprudence spontanée et impulsive s’oppose à la dissimulation hypocrite et calculée de l’empereur Néron. Mais le prince innocent est en même temps “lié [...] par les liens du sang et de l’amitié” à son frère adoptif Néron. Sur le plan dramatique, Britannicus est, donc, l’obstacle, entre Néron et le pouvoir, entre Néron et Junie, il est la victime et il est l’antipode de Néron. Par ailleurs, il est impossible d’imaginer cette tragédie sans l’existence du couple Junie-Britannicus. La présence de Junie motive Néron, redouble sa rivalité politique avec Britannicus et renforce le pathétique. En proposant un tel couple au spectateur, Racine est certain de provoquer un sentiment de tendresse et de susciter une émotion. Comme il le dit clairement dans sa seconde préface : « C’est elle que je me suis surtout efforcé de bien exprimer, et ma tragédie n’est pas moins la disgrâce d’Agrippine que la mort de Britannicus.» Junie est la véritable héroïne, elle pourrait même passer pour une utilité dramatique : elle sert d’abord à nouer le fil sentimental de l’histoire au fil politique. C’est Néron qui, à la faveur d’un enlèvement brutal, la contraint à résider au palais. Par cet acte calculé l’empereur a pour objectif de persécuter Britannicus et défier Agrippine. Mais, une fois devant la pureté de Junie, Néron est « ravi d’une si belle vue » ; il a découvert en Junie son contraire et même sa négation. Donc Junie, princesse de naissance, représente, dans la tragédie, la pureté inaccessible. Vierge, orpheline, dépouillée de son patrimoine, prisonnière persécutée, Junie est une figure purement morale et spirituelle. Elle est l’antipode de Néron. Junie est franche, lucide : tout le monde veut bien croire à la sincérité de Néron, sauf elle. La dignité morale de cette héroïne nous impressionne. Nos émotions sont tiraillées entre l'admiration, la grandeur tragique de l'héroïne, et la compassion, dimension pathétique du drame. Outre le couple Britannicus-Junie, Néron se heurte à un autre personnage honnête : Burrhus. Il s’agit de son conseiller, un homme fidèle, un visage d’une vertu admirable. Racine nous invite à admirer la figure du vieux gouverneur qui appartient à cette race des vieux Romains incorruptibles. Courageux légionnaire un peu fruste, il affirme son entière sincérité (I, 2, v. 141). Burrhus espère que Néron sera guidé par le Bien, le sens du devoir, le souci de ses peuples, de leur bonheur et de leur liberté (I, 2, v. 200-202 ; IV, 3, v. 1337-1338). Austère, intègre, exigeant, Burrhus est ainsi conforme à l’image donnée de lui par les Anciens, et souvent relayée au 17ème siècle. Sa loyauté et confiance en Néron sont sans pareil. Il le connait depuis ses premiers jours au trône, et a su témoigner de son honnêteté et ses vertus en tant qu’Empereur. C’est ainsi qu’il s’efforce de ramener Néron sur le chemin de la sagesse et de la raison, il l’encourage à faire la paix avec Agrippine et à abandonner son contentieux avec Britannicus. Mais lorsqu’il se rend compte que son maitre a déjà dans son cœur médité le mal, Burrhus est pris de frayeur et essaie de convaincre Néron d’abandonner ses projets. Au fil de la tragédie, Burrhus voit, ainsi, l’œuvre de sa vie détruite ; il n’a plus guère de prise sur le monstre. A l’acte quatre, par exemple, son discours pathétique touche et gène l’empereur. L’honneur et l’indignation lui fait quitter la cour après l’empoisonnement de Britannicus. L’échec de Burrhus c’est de n’avoir pas bien connu l’homme ; à la fin de la pièce, il désire la mort, profondément affecté d’avoir vu Néron regarder mourir son frère « sans changer de couleur ». Burrhurs, à l’instar de Britannicus, incarne un rôle pathétique que tragique. ****************** La tragédie semble conduire au malheur tous ses personnages. Britannicus est mort, Junie se retire du monde des vivants en passant chez les Vestales. La pièce refuserait donc de se réduire à l’histoire d’un seul héros tragique : parce qu’elle en représente plusieurs, elle met en place une représentation complexe et plurielle de l’humanité. Le deuxième axe proposé ici pourrait compléter le précédent, en analysant une autre idée celle des passions démesurées, des personnages odieux et dénaturés. La machiavélique Agrippine est dominée par une passion du pouvoir qui cause sa perte, Néron, qui bascule dans la « fureur » au dénouement, apparaît ivre d’un amour-propre qui fait de lui le monstre de la pièce et Narcisse, un comploteur perfide chez qui la déloyauté et la traîtrise résument sa seule délectation personnelle. Le couple Agrippine et Néron sont deux êtres monstres qui ne reculent devant rien, ni devant le parricide, le fratricide, l'enlèvement crapuleux, les lynchages ou exécutions sommaires, les exils (ceux de Pallas, esclave affranchi de Claude, amant d'Agrippine, et celui d'Octavie), l’empoisonnement... La passion d’Agrippine c'est le pouvoir, et pas son fils Néron. Elle le veut sous sa coupe, sous sa tutelle, non pas parce qu'il est son fils naturel, mais parce qu'il est empereur. La malhonnêteté dans l’œuvre est très bien représentée par le comportement d’Agrippine. Premièrement, elle place son fils Néron à la tête de l’empire de manière frauduleuse. Deuxièmement, lorsqu’elle offre son aide à Britannicus, on a de la peine à croire que ce geste serait bienfaiteur. La première trahison vient donc d’Agrippine ; protégeant Britannicus, Agrippine est fidèle à son propre fils, et commet la trahison qui est l’origine de la tragédie tout entière. En réponse à ce crime originel, vient celui de Néron, qui trompe la confiance d’Agrippine à la scène de 3 de l’acte IV. Cette trahison prend la forme d’un coup de théâtre aveuglant. Incontestablement, la figure centrale qui provoque la terreur, c'est Néron. Personnage amoral par excellence, l'empereur de Rome est un criminel né, c’est « un monstre de naissance ». Un meurtrier qui empoisonne de sang-froid son frère : « Néron l'a vu mourir sans changer de couleur » (acte V, scène 7). Le spectateur découvre dans cette scène que Néron est non seulement un assassin, uploads/Litterature/ britannicus-exp-dissertation.pdf

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