21-FRANTEIN1 Page : 1/9 BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE SESSION 2021 FRANÇAIS ÉPREUV

21-FRANTEIN1 Page : 1/9 BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE SESSION 2021 FRANÇAIS ÉPREUVE ANTICIPÉE Durée de l’épreuve : 4 heures Coefficient : 5 L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé. Dès que ce sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet. Ce sujet comporte 9 pages, numérotées de 1/9 à 9/9. 21-FRANTEIN1 Page : 2/9 Vous traiterez au choix, l’un des deux sujets suivants : 1- Commentaire de texte (20 points) Objet d’étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Texte : Laurent Mauvignier, Dans la foule, I, 4, 2006. Le 29 mai 1985, la finale de la coupe d’Europe des champions au stade du Heysel à Bruxelles est endeuillée par la mort de trente-neuf personnes, à la suite d’un mouvement de foule. Dans son roman, Laurent Mauvignier retrace cet évènement historique et ses conséquences, par l’intermédiaire de plusieurs personnages. Dans cet extrait, qui se situe bien avant le drame, Gabriel guette à l’entrée du stade de football deux supporters qui lui ont volé ses billets la veille. […] Il faut que je les trouve. Bientôt il sera trop tard, il y a trop de monde, on me bouscule, tout le monde piétine. Maintenant tout le monde aimerait avoir pris sa place dans le stade. Désormais, ce n’est plus la colère qui m’écrase, mais l’étonnement et la stupéfaction : une canette a éclaté à mes pieds, de la bière a éclaboussé mes chaussures et mes bas de pantalon. Je ne bouge pas et je reste là, j’attends, je relève 5 la tête et j’entends les voix qui viennent du dessus des gradins, d’où l’on voit des visages, des jeunes qui courent sur les hauts des gradins – ils sont là depuis combien de temps ? Là-haut, tournés vers l’extérieur, vers nous, à regarder tous ceux qui attendent encore d’entrer ? Et eux, de là-haut, ça les chauffe, ils s’excitent et piétinent, ils font des gestes obscènes contre nous. Ils gueulent et jettent des canettes à moitié 10 vides qui explosent au sol. Les gens en bas, à côté de moi, n’ont pas peur et montrent les poings en gueulant. J’en ai vu qui se mettent à leur tour à lancer des cailloux et des bouteilles vides qui éclatent contre le mur d’enceinte. Et les cris, les mouvements par à-coups du flot qui avance et pénètre dans l’enceinte. Je n’y peux rien, je suis entraîné vers l’entrée, vers le sas où les policiers 15 et les agents du stade vérifient les billets. Mais je n’ai pas de billet. Je n’ai rien que mon corps qu’on charrie1 et mes pieds qui refusent et freinent, dans la poussière, sous la chaleur. Il ne faut pas, je me cabre, résiste, retiens. Les muscles se tendent et puis, un instant, il y a derrière moi comme un trou. Je recule d’un grand pas en arrière. Puis un autre. Je ne veux pas entrer maintenant, comme ça, sans elle. Où est-elle ? Elle. 20 Virginie2. Sans qui la finale n’est rien. Sans qui rien n’est rien. Ma colère tombe à cause du besoin que j’ai de répit, de prendre le temps de retrouver mon souffle, en aspirant profondément des goulées3 de cet air tiède et puant d’odeurs de merguez et de pots d’échappement, saturé de poussière, que je recrache alors en petits souffles courts, rapides. Ma poitrine se soulève au-dessus de cette odeur qui monte. Et moi qui hier 25 soir me sentais comme le roi du monde, tout entier occupé à gagner mon premier travail et des billets pour une finale, me voilà avec l’impression de ne plus rien avoir que le soleil au-dessus de ma tête. 1 Charrier : transporter ; pour une rivière : emporter dans son cours. 2 Virginie est la petite amie de Gabriel. 3 Goulées : grandes gorgées. 21-FRANTEIN1 Page : 3/9 Vous ferez le commentaire du texte de Laurent Mauvignier, extrait de Dans la foule, en vous aidant des pistes de lecture suivantes : 1- Vous montrerez la manière dont le récit nous plonge avec réalisme au cœur d’une foule de supporters hostiles. 2- Vous montrerez ensuite comment l’écriture traduit l’impuissance et la défaite du narrateur-personnage. 21-FRANTEIN1 Page : 4/9 2- Contraction de texte (10 points) et essai (10 points) Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle Le candidat traite, compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, l’un des trois sujets suivants : A - Œuvre : Montaigne, Essais, « Des Cannibales », I,31. Parcours : Notre monde vient d’en trouver un autre. Texte : Jennifer Hays, « Le tourisme en quête d’authenticité », Sciences Humaines, n°327, juillet 2020. Jennifer Hays est anthropologue : elle s’intéresse aux droits et à l’éducation des peuples autochtones. Il y a quelques années, alors que je travaillais parmi les San, au Nyae Nyae Conservancy, en Namibie, un groupe de touristes d’Australie est venu pour une visite guidée. Les San, dits aussi Bushmen, sont des chasseurs-cueilleurs autochtones1 d’Afrique australe. Cette catégorie générale englobe environ 100 000 personnes et 5 plusieurs groupes linguistiques. Les San de Nyae Nyae sont connus comme Ju/’hoansi. Comme dans nombre de sociétés égalitaires de petite taille, cette autodésignation se traduit comme « les vrais gens ». Je me glissai parmi les touristes pendant qu’un groupe de San, vêtus d’habits traditionnels en peaux d’animaux, les menait dans la brousse. Assisté par un jeune 10 homme qui traduisait en anglais, le guérisseur local décrivit différentes plantes, leurs usages médicaux et alimentaires. Les femmes montrèrent comment utiliser des bâtons à creuser pour tirer des tubercules2 du sol sablonneux du désert. Les chasseurs firent étalage des techniques de fabrication des arcs et des flèches, expliquant comment ils extraient du poison d’une larve qui se trouve sous un arbre particulier afin d’en enduire 15 les projectiles. Ils confectionnèrent un collet3 pour attraper de petits oiseaux et mammifères, et allumèrent un feu avec deux bâtons et de l’herbe sèche. Les Australiens furent impressionnés et posèrent de nombreuses questions. Alors qu’ils s’apprêtaient à quitter le village, je les écoutais vanter la culture des San. Ce qui me poussa à leur demander s’ils voyaient des similitudes entre les San et les 20 Aborigènes de leur propre pays. À mon grand désarroi, un homme éclata de rire, approuvé par plusieurs de ses compatriotes : « Les Aborigènes ? Ils n’ont plus aucune connaissance de la sorte ! Ces parasites ne font que boire de l’alcool, mendier de l’argent, vivre de l’aide du gouvernement ! » Mes efforts pour questionner leurs stéréotypes furent accueillis avec le mépris de ceux qui « savent de qui ils parlent ». 25 Ces touristes ne s’intéressaient pas aux peuples de leur propre pays, qui ont pourtant tant en commun avec les San. Comme tant d’autres, ils étaient venus à Nyae Nyae en quête d’authenticité, voir de vrais Bushmen. Mais que signifie être un « vrai » autochtone ? 1 Autochtones : originaires du lieu où ils habitent, et que leurs ancêtres ont également habité. 2 Tubercule : racine comestible. 3 Collet : piège formé à l’aide d’un nœud. 21-FRANTEIN1 Page : 5/9 Plusieurs réalités sont étroitement entrelacées pour les San, les Aborigènes 30 d’Australie et pratiquement toutes les communautés autochtones survivantes : un lien profond avec la terre et leurs ancêtres, et un riche héritage de connaissances et de compétences ancrées dans, et exprimées à travers leurs cultures et langues uniques, d’une part ; et de l’autre une histoire de colonisation, de génocide, d’aliénation de leurs terres, de travail forcé, qui en de nombreux endroits a conduit à la déstructuration des 35 communautés, à la dépendance, à la stigmatisation3 et à l’assimilation. […] Dès lors, pour les Ju/’hoansi comme pour d’autres communautés, le tourisme remplit plusieurs objectifs importants. Il peut fournir des revenus indispensables – les opportunités économiques sont très limitées à Nyae Nyae. Il offre également aux peuples autochtones l’occasion de communiquer leur culture à des étrangers. Lorsque 40 la relation est bien conçue, elle peut offrir un point de contact crucial, en accroissant à la fois la reconnaissance de situations souvent précaires, et l’appréciation de leur légitimité et valeur pour l’humanité. De plus, lorsqu’une communauté contrôle sa propre présentation et ses revenus, le tourisme fournit un contexte dans lequel les communautés peuvent continuer à valider leurs compétences et leur culture, et les 45 transmettre aux générations futures. Mais tout cela ne peut se faire que lorsque les gens ont le contrôle effectif de leurs ressources, et du tourisme dans leur territoire. Dans d’autres endroits, des lodges4 et des voyagistes sans scrupule peuvent les exploiter. Alors, n’existent-ils plus que comme attraction touristique ? Reformulons la 50 question : qui sont-ils quand les touristes ne les regardent pas ? Ont-ils l’air moins authentiques dans leurs vêtements occidentaux, souvent rapiécés, qui ont remplacé les cuirs d’animaux ? Les touristes venus chercher leur propre image du « réel » imposent à des communautés comme les San un rêve impossible. Ils veulent que les peuples autochtones se comportent comme on s’imagine qu’ils l’ont fait, uploads/Litterature/ bt-asie-francais-voie-technologique-sujet-21-frantein1.pdf

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