Présentation Judith SORIA Le nom de Charles Diehl est associé à Byzance et si l
Présentation Judith SORIA Le nom de Charles Diehl est associé à Byzance et si l’on ignorait la place qu’ont eu dans sa vie et son œuvre les voyages, explorations et tra- vaux de terrain, on pourrait être surpris de le rencontrer dans ce recueil consacré à l’archéologie de la Grèce antique et aux promenades roman- tiques et érudites qu’offrent ses ruines. Impliqué Impliqué dans le renouveau des études byzantines que connaît l’Eu- rope au tournant du XXe siècle et fondateur de la byzantinologie fran- çaise moderne, il est l’auteur d’ouvrages ayant connu un important succès auprès du grand public : Théodora (1902), Figures Byzantines (1906), Manuel d’art byzantin (1910, puis 1925-1926 dans une deuxième édition augmentée). Sa formation et le début de sa carrière d’enseignant furent pourtant dirigés vers l’archéologie classique et l’épigraphie. Issu d’une famille de la petite à moyenne bourgeoisie – ses grands-pères étaient artisans et son père, qu’il perdit très jeune, professeur de lycée – il se fit remarquer par des études brillantes, qui le menèrent du lycée de Stras- bourg à Louis le Grand. En 1878 il fut reçu second à l’École normale supérieure, et trois ans plus tard, il obtint l’agrégation d’histoire et de géographie puis intégra en tant que membre l’École française de Rome. Son intérêt pour la Grèce et l’hellénisme, qui bientôt le mèneront à Byzance, le poussa alors à poursuivre à l’École française d’Athènes où il passa deux ans entre 1883 et 1885. Au cours de son séjour à Athènes, il conduisit ses recherches dans une double direction, l’Antiquité clas- sique et déjà la période byzantine. C’est que depuis quelques décennies, l’intérêt porté à Byzance s’intensifiait et certains membres de l’École menaient, mais en ordre dispersé, des recherches en ce sens. Malgré la tentative d’Albert Dumont, qui dirigea l’École entre 1875 et 1878, de mettre en œuvre des programmes d’ensemble qui permettraient de donner son essor à ce champ d’études, ces derniers seront pourtant bientôt à nouveau délaissés. Paul Foucart (1878-1890), qui succède à Albert Dumont recentra en effet sur la Grèce classique les travaux de l’École qu’il organisa de manière plus scientifique et plus systématique qu’ils ne l’avaient été jusque là ; il mit notamment en place les voyages d’exploration en Grèce et en Asie Mineure, et étant lui-même épigra- phiste, il donna l’impulsion aux collectes et publications d’inscriptions grecques, qui sont toujours une tradition de l’École. C’est dans ce contexte que Charles Diehl travailla à Athènes et ses travaux de membre Promenades II 29-Janvier-2018.xp_Mise en page 1 29/01/2018 09:54 Page265 de l’École en témoignent. Ainsi jusqu’en 1890, en collaboration avec Maurice Holleaux, puis avec Georges Cousin, il publia dans l’organe scientifique de l’École, le Bulletin de Correspondance Hellénique, de nom- breuses inscriptions, au nombre desquelles celles de l’île de Rhodes, de Carie, de Lycie ou des îles de la mer Égée, qui figurent parmi les résul- tats de ces explorations. Charles Diehl cependant s’était déjà tourné vers Byzance ; simulta- nément à ces premiers travaux d’épigraphie classique et dès 1884, tou- jours dans le Bulletin de Correspondance Hellénique, il faisait paraître une série d’articles sur les Peintures byzantines de l’Italie méridionale, et en 1888 présentait sa thèse principale, consacrée à l’étude de l’administration byzantine dans l’exarchat de Ravenne. Un article, paru dans la revue encyclopédique1 en 1899, devait témoigner de la place que Byzance avait prise dans la vie intellectuelle de Charles Diehl. Cet article, qui est presque une tribune, retrace le développement récent des études byzan- tines et notre auteur y déplore le peu de cas qui est fait de la byzantino- logie en France. Il se désole de l’abandon des historiens qui bien souvent après leur thèse de doctorat ou un premier livre brillant concer- nant « les choses de Byzance » se tournent vers d’autres sujets de recherche en raison de l’absence totale de lieu institutionnel accueillant cette discipline. Il appelle alors de ses vœux la création d’une chaire d’histoire byzantine en France. Ce souci démontre évidemment son dévouement entier à l’histoire de « l’empire grec ». Entretemps, il avait obtenu un poste de maître de conférences à la faculté des lettres de Nancy, où il donnait depuis 1885 un cours d’archéologie grecque, car ce n’est qu’en 1899 que fut créé pour lui un cours d’histoire byzantine à la Sorbonne. L’archéologie classique reste donc en marge dans sa carrière, et les Excursions archéologiques en Grèce et En Méditerranée sont les derniers ouvrages où « Charles Diehl ait tourné son attention vers la Grèce antique (…), Byzance s’emparant de lui de plus en plus et pour toujours2 ». C’est ainsi que Rodolphe Guilland, qui fut son successeur à la Sorbonne, pré- sentait le rapport de Diehl avec l’Antiquité et avec Byzance : s’il se détourne de la Grèce classique, ce n’est pas par manque d’intérêt, c’est que le charme exercé par Byzance est trop fort ! Ses notes, ses nom- breux carnets de voyage et croquis, trahissent certainement son attention bien plus fortement dirigée vers l’Empire romain d’Orient, sa vie poli- tique, artistique et religieuse que vers la période antique de la Grèce. 266 JUDITH SORIA __________ 1. Ch. Diehl, « Les Études byzantines en France », Revue encyclopédique, Paris, 11 mars 1899, p. 181-184. 2. R. Guilland, « Hommage à Charles Diehl », Études byzantines, tome 3, 1945. p. 5-18. Promenades II 29-Janvier-2018.xp_Mise en page 1 29/01/2018 09:54 Page266 Mais on aurait tort d’en déduire l’étroitesse de vue du savant. Si les deux volumes reproduits ici, qui présentent les résultats archéologiques récents, ne suffisaient à montrer la largeur de son champ d’intérêt, il fau- drait citer son ouvrage sur Botticelli3, ou ses prises de position sur la lit- térature contemporaine, à l’aune du byzantinisme fin de siècle il est vrai4. Les Excursions archéologiques en Grèce furent publiées en 1890. Rédigées alors que Diehl était maître de conférences à l’université de Nancy, l’ou- vrage est évidemment né de ces leçons d’archéologie, autant que de son séjour en Grèce et de ses propres explorations. Cet enseignement, il revendique d’ailleurs l’appuyer sur les Promenades archéologiques de Gas- ton Boissier, qui fut son professeur de littérature latine à l’École nor- male et le directeur de sa thèse en latin5. La leçon inaugurale de ses conférences, donnée en 1885, est reprise en grande partie dans la pré- face et l’introduction des Excursions archéologiques6. D’emblée il place son ouvrage dans la continuité de Gaston Boissier, écrivain « aussi savant qu’aimable » dont l’œuvre présente à ses yeux la grande qualité de ren- dre évident l’intérêt de la science archéologique en en partageant avec le plus grand nombre les progrès et résultats. Et comme Boissier, la forme littéraire qu’il choisit cherche à rendre la vie aux vestiges de la vie antique : « Dans cette science, qui semble morte, il y a à trouver une vivante image du passé, une communion intime avec les événements et les personnages de l’histoire, qui nous fait mieux pénétrer dans les replis de l’âme de l’antiquité », écrit-il dans son introduction. L’ouvrage est composé de dix chapitres consacrés chacun à un site archéologique, aux fouilles et aux découvertes récentes qui y ont été faites. Les Excursions, dans lesquelles Diehl voulait mettre « la force de la vérité » associée au « charme de l’enseignement », ont connu treize édi- tions jusqu’en 1939 et furent traduites en anglais en 1893, puis en grec en 1896. Dans les deux premiers chapitres, sur Mycènes et Tirynthe, il commence par présenter Schliemann qui en est le découvreur, et consi- dère avec une plaisante ironie sa mégalomanie : « Dans cette maison [la maison de Schliemann à Athènes], Homère est dieu, et M. Schliemann est son prophète : mais je croirais volontiers que le prophète y est plus adoré que le dieu ». Le ton est donné ! Tout au long de ses chapitres, il fait preuve d’une verve narrative à la hauteur du personnage et du spec- PRÉSENTATION 267 __________ 4. Voir par exemple « Byzance dans la littérature », La Vie des peuples, t. III, no 12, 25 avril 1921, p. 676-687. Réimprimé dans Choses et Gens de Byzance, p. 231-248. 5. Ch. Diehl, Quo tempore, qua mente scriptus sit Xenophontis libellus qui hopoi inscribitur, Lutetiae Parisiorum, 1888. 6. Ch. Diehl, Cours d’archéologie : Leçon d’ouverture, Nancy, 1888. Promenades II 29-Janvier-2018.xp_Mise en page 1 29/01/2018 09:54 Page267 taculaire de ses découvertes. Ainsi ne se contente-t-il pas d’énoncer les résultats des fouilles de Schliemann : au contraire, il narre d’un même élan les motivations de l’archéologue amateur, l’avancée de ces travaux, la propagande qu’il adopte pour en diffuser l’information – par exemple il cite intégralement le « télégramme triomphant » adressé par Schlie- mann au roi de Grèce le 28 novembre 1876 et annonçant la découverte du tombeau d’Agamemnon – tout en faisant part de ses réserves quant au désir du chercheur allemand de faire adhérer parfaitement le maté- riel archéologique et la littérature homérique. Des procédés narratifs similaires sont repris dans les autres chapitres : partant du site, de l’an- crage uploads/Litterature/ charles-diehl-en-mediterranee-pdf.pdf
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- Publié le Jui 21, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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