Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, prese

Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org Cogito et histoire de la folie Author(s): Jacques Derrida Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 68e Année, No. 4 (Octobre-Décembre 1963), pp. 460-494 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40900776 Accessed: 29-04-2015 04:02 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 132.204.3.57 on Wed, 29 Apr 2015 04:02:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions ÉTUDE CRITIQUE Cogito et histoire de la folie* «... L'Instant dela Décision est une Folie... t Kierkegaard. « N'importe, c'était terriblement risqué, ce livre. Une feuille transparente le sépare de la folie. » J. Joyce (à propos à* Ulysse). Les modestes réflexions que je vous proposerai ce soir prennent leur point de départ, comme le laissait clairement entendre le titre de cette conférence, dans le livre de Michel Foucault : Folie et déraison. Histoire de la folie à VAge classique 1. Livre à tant d'égards admirable, livre puissant dans son souffle et dans son style, livre intimidant, donc. D'autant plus intimidant pour moi que je garde, d'avoir eu naguère la chance de recevoir l'enseigne- ment de Michel Foucault, une conscience de disciple admiratif et recon- naissant. Or la conscience du disciple, quand celui-ci commence, je ne dirai pas à disputer, mais à dialoguer avec le maître, ou plutôt à proférer le dialogue interminable et silencieux qui le constituait en disciple, la conscience du disciple est alors une conscience malheureuse. En com- mençant à dialoguer dans le monde, c'est-à-dire à répondre, elle se sent toujours déjà prise en faute, comme l'enfant qui, ne sachant par défi- ♦ A l'exception de quelques notes et d'un court passage (entre crochets), cette étude reproduit une conférence prononcée le 4 mars 1963 au Collège Philosophique. En nous proposant de le publier ici, M. Jean Wahl a bien voulu accepter, et nous l'en remercions, que ce texte gardât sa forme première, qui fut celie de la parole vive, avec ses exigences et surtout ses défaillances propres : si en général, déjà, selon le mot du Phèdre, l'écrit, privé de « l'assistance de son père », « idole » fragile et déchue du « discours vivant et animé t, ne peut jamais « se porter secours », n'est-il pas plus exposé et plus démuni que jamais lorsque, mimant l'improvisation de la voix, il doit se refuser jusqu'aux ressources et aux mensonges du style ? 1. Michel Foucault. Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique. Pion, 1961, 673 p. 460 This content downloaded from 132.204.3.57 on Wed, 29 Apr 2015 04:02:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Cogito et histoire de la folie nition, et comme son nom l'indique, parler, ne doit surtout pas répondre. Et lorsque, comme c'est le cas ce soir, ce dialogue risque d'être entendu - à tort - comme une contestation, le disciple sait qu'il est seul à se trouver de ce fait déjà contesté par la voix du maître qui en lui précède la sienne. Il se sent indéfiniment contesté, ou récusé, ou accusé : comme disciple, il l'est par le maître qui parle en lui avant lui pour lui reprocher d'élever cette contestation et la récuser d'avance, l'ayant développée avant lui ; comme maître intériorisé, il est donc contesté par le disciple qu'il est aussi. Ce malheur interminable du disciple tient peut-être à ce qu'il ne sait pas encore, ou se cache encore que, comme la vraie vie, le maître est peut-être toujours absent. Il faut donc briser la glace, ou plutôt le miroir, la réflexion, la spécu- lation infinie du disciple sur le maître. Et commencer à parler. Comme le chemin que suivront ces considérations ne sera pas, et de loin, rectiligne ou unilinéaire, je sacrifierai tout autre préambule et j'irai droit aux questions les plus générales qui seront ce soir au foyer de ces réflexions. Questions générales que nous aurons à déterminer, à spécifier en cours de route et dont beaucoup, dont la plupart resteront ouvertes. Mon point de départ peut paraître mince et artificiel. Dans ce livre de 673 pages, Michel Foucault consacre trois pages (54-57) - et encore dans une sorte de prologue à son deuxième chapitre - à un certain passage de la première des Méditations de Descartes, où la folie, l'extra- vagance, la démence, l'insanité semblent, je dis bien semblent congé- diées, exclues, ostracisées hors du cercle de dignité philosophique, privées du droit de cité philosophique, du droit à la considération philosophique, révoquées aussitôt que convoquées par Descartes devant le tribunal, devant la dernière instance d'un Cogito qui, par essence, ne pourrait être fou. En prétendant - à tort ou à raison, vous en serez juges - que le sens de tout le projet de Foucault peut se concentrer en ces quelques pages allusives et un peu énigmatiques, en prétendant que la lecture qui nous est ici proposée de Descartes et du Cogito cartésien engage en sa problé- matique la totalité de cette Histoire de la folie, dans le sens de son inten- tion et les conditions de sa possibilité, je me demanderai donc, en deux séries de questions : 1. Premièrement, question en quelque sorte préjudicielle : Vinterpré- tation qui nous est proposée de l'intention cartésienne se justifie-t-elle ? Ce que j'appelle ici interprétation, c'est un certain passage, un certain rapport sémantique proposé par Foucault entre, d'une part, ce que Descartes a dit - ou ce qu'on croit qu'il a dit ou voulu dire - et, d'autre part, un certain, disons, à dessein, très vaguement pour le moment, une certaine « structure historique », comme on dit, une certaine totalité historique pleine de sens, un certain projet historique total dont on pense 461 This content downloaded from 132.204.3.57 on Wed, 29 Apr 2015 04:02:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions J. Derrida qu'il se laisse indiquer en particulier à travers ce que Descartes a dit - ou ce qu'on croit qu'il a dit ou voulu dire. En me demandant si l'interprétation se justifie, je me demande donc déjà deux choses, je me pose deux questions préjudicielles en une : a. A-t-on bien compris le signe lui-même, en lui-même ? Autrement dit, a-t-on bien entendu ce que Descartes a dit et voulu dire ? Cette compréhension du signe en lui-même, dans sa matière immédiate de signe, si je puis dire, n'est que le premier moment, mais c'est aussi la condition indispensable de toute herméneutique et de toute prétention à passer du signe au signifié. Quand, d'une façon générale, on essaie de passer d'un langage patent à un langage latent, il faut qu'on s'assure d'abord en toute rigueur du sens patent. Il faut, par exemple, que l'ana- lyste parle d'abord la même langue que le malade. b. Deuxième implication de la première question : l'intention déclarée de Descartes une fois entendue - comme signe - a-t-elle avec la struc- ture historique totale à laquelle on veut la rapporter le rapport qu'on veut lui assigner ? A-t-elle la signification historique qu'on veut lui assi- gner ? A-t-elle la signification historique qu'on veut lui assigner, c'est-à-dire, pardonnez-moi, encore deux questions en une : - a-t-elle la signification historique qu'on veut lui assigner, a-t-elle cette signification, telle signification historique que Foucault veut lui assigner ? - a-t-elle la signification historique qu'on veut lui assigner ? Cette signification s'épuise-t-elle en son historicité ? Autrement dit, est-elle pleinement et de part en part historique au sens classique de ce mot ? 2. Deuxième série de questions (et ici nous déborderons un peu le cas de Descartes, le cas du Cogito cartésien que nous n'examinerons plus en lui-même, mais comme l'index d'une problématique plus générale) : est-ce que, à la lumière de la relecture du Cogito cartésien que nous serons conduits à proposer (ou plutôt à rappeler car je le dis tout de suite, elle sera d'une certain façon la lecture la plus classique, la plus banale, même si elle n'est pas la plus facile), donc, est-ce que, à la lumière de cette relecture, il ne sera pas possible d'interroger certaines présuppo- sitions philosophiques et méthodologiques de cette histoire foucaldienne de la folie ? Certaines seulement, parce que l'entreprise de Foucault est trop riche, elle fait signe, comme on dit aujourd'hui, dans trop de directions pour se laisser précéder par une méthode ou même par une philosophie, au sens traditionnel de ce mot. Et s'il est vrai, comme le dit Foucault, comme l'avoue Foucault citant Pascal, que l'on ne peut parler de la folie que par rapport à cet « autre tour de folie » qui permet uploads/Litterature/ cogito-et-histoire-de-la-folie.pdf

  • 32
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager