Français 12 M. Noureddine NIMGHAREN, AGREGE de Français Introduction : Bien des

Français 12 M. Noureddine NIMGHAREN, AGREGE de Français Introduction : Bien des œuvres inspirées par les préoccupations de leur temps tombent dans l’oubli une fois résorbée la cause qui les a suscitées. Le Dernier Jour d’un condamné, œuvre de jeunesse - première œuvre d’inspiration sociale de Hugo fortement engagée dans son époque dément toutefois cette tendance. Elle illustre sans doute le propos de Stravinski selon lequel « l’œuvre qui a été moderne en son temps le restera à jamais ». Ce récit bref composé en quelques semaines seulement au cours du dernier trimestre de l’année 1828 est, en effet, à la fois séduisant par sa terrible modernité mais aussi déroutant pour les jeunes lycéens. Séduisant de par le mode de traitement original d’une question aussi épineuse que la peine de mort, question toujours d’actualité en ce début du XXIe siècle dans bon nombre de pays - dont le Maroc. Mais également déroutant car au fil de ce monologue intérieur parfois complexe se cristallise une poignante dénonciation à l’encontre de la peine capitale et du système judiciaire et social qui la sous-tend. Au cours de cette intervention - en amont d’une séquence didactique - je tenterai de montrer en quoi cette expérience relatée sous forme d’un journal intime « fictif » constitue une véritable tragédie mais aussi un véhément plaidoyer contre la peine de mort. Ier Axe : Une forme générique originale Pour mieux comprendre la pertinence du choix fait par Hugo quant à la construction de son texte, il semble nécessaire de rappeler d’abord l’importance que revêt le thème à l’époque où l’auteur avait décidé de composer le Dernier Jour. De multiples faits divers, des spectacles et des écrits se rapportant à ce drame des exécutions ont profondément marqué le jeune Hugo. Citons par exemple l’exécution d’un certain charles Dautun pour avoir tué son frère en 1815, celle de Louis Poulain qui a tenté d’assassiner sa femme infidèle en 1817 ou encore celle de Castaing pour empoisonnement en 1823 (le chap. XII se fera l’écho de tous ces noms à la réputation sinistre). Toutes cas exécutions largement commentées par la presse de l’époque n’auront certes pas laissé indifférent Hugo. Mais ce qui le marquera Le Dernier Jour d’un Condamné de Victor Hugo, Œuvre au programme de français de 1ère bac. www.fpamaroc.org | www.marocagreg.com Lycée de référence, Meknès Français 13 davantage c’est la célèbre condamnation à mort du Général Lahorie, parrain de Victor et amant de sa mère. Toutefois, les scènes d’exécution auxquelles il a dû assister personnellement produiront sur lui un impact encore plus grand : on pense notamment à la décapitation d’un parricide nommé Martin en 1825, puis à celle d’Ulbach pour le meurtre de sa maîtresse en 1827. Il existe, par ailleurs, des personnalités qui se sont penchées sur la question tels Guizot avec son ouvrage intitulé De la peine de mort en matière politique (1810), et le célèbre juriste fervent adversaire de la peine capitale Charles Lucas dans son livre Du système pénal et de la peine de mort (1827). Deux textes de référence probablement connus du jeune Hugo auxquels on pourrait ajouter cet article intitulé « Angleterre : dernières sensations d’un homme condamné à mort », article publié dans le journal Le Globe en 1828. Cet article, qui relate le témoignage d’un homme pendu mais ramené à la vie par un concours de circonstances miraculeuses, rappelle à bien des égards le Dernier Jour. Mais Hugo ne se contente pas de constater ces hécatombes ; il met très vite sa plume au service de son engagement en la matière : en 1822 déjà il compose Han d’Islande, roman noir dans lequel il raconte la dernière nuit d’un condamné à mort. Il développera également une réflexion édifiante sur le phénomène de l’échafaud dans sa célèbre pièce Cromwell, œuvre fondatrice de l’art romantique en 1827. Et bien entendu, au-delà du Dernier Jour, Hugo entretient sa verve contestataire en continuant à militer sur toutes les tribunes et sur le terrain pour l’abolition de la peine capitale. N’étant pas le seul abolitionniste dans la France du XIXe siècle, il demeure néanmoins le premier écrivain français à avoir mis en scène sur le monde littéraire l’angoisse d’un condamné à mort dans les moments ultimes de sa vie. Fort de sa culture sur le sujet, de son expérience personnelle en ayant déjà assisté à des exécutions, il met en œuvre la puissance de son imagination et de son talent d’écrivain pour nous plonger, avec un réalisme saisissant, dans la psychologie bouleversante de la victime. Le choix de la forme de journal intime et du monologue intérieur - forme générique novatrice en 1828 - constitue sans nul doute la stratégie la meilleure qui puisse mettre le lecteur en présence directe avec « cette échelle de tortures qui mène à l’échafaud » (chap. XXXIX). Il conviendrait donc d’étudier avec les élèves les caractéristiques du journal intime et du monologue intérieur. Un travail préparatoire à cette étude consisterait à répondre aux questions suivantes : www.fpamaroc.org | www.marocagreg.com Français 14 Consignes : A/ A propos du journal intime :  Quelles sont les références faites à l’écriture aux chap. suivants : V, VI, VII, IX, XXIII, XXII, XXV, XXXIV, XLVI, XLVII, XLVIII ?  Dans quels chap. le condamné livre-t-il une réflexion sur l’acte d’écriture ?  Quels rapports semble-t-il entretenir avec son journal ?  Comment la vraisemblance est-elle assurée quant à la raison d’être de ce journal (chap. VI, XLVII, mention finale) ?  Quel effet cela produit-il sur le lecteur ? B/ A propos du monologue intérieur :  Qui parle ? A qui ?  Quelle focalisation régit cette forme de narration ?  Quels temps verbaux dominent dans ce récit ?  Quelles remarques pourriez – vous faire sur la syntaxe (élaborée ou spontanée) et sur le lexique (insertion de l’argot) ?  Quel effet est ainsi produit ? Les réponses à toutes ces questions permettront de faire observer aux élèves que le choix et du journal intime et du monologue intérieur servent la même finalité : le lecteur se trouve totalement introduit dans la conscience du personnage narrateur – ses pensées et ses émotions – et du coup prêt à sympathiser ( dans le sens étymologique du terme : partager la souffrance ) avec le cordonné. Et pour cause ! L’angoisse voire la tragédie de ce personnage est telle qu’aucune autre forme de narration décalée ne saurait les traduire. IIème Axe : Le chemin de croix d’un condamné Qu’en est-il à présent de la tragédie dans le dernier jour ? Quelles en sont les manifestations tant au niveau du vécu du personnage (la fiction) qu’au niveau de la structure même de la narration ? Afin de pouvoir mener à bien l’étude de cette dimension tragique de l’œuvre, il serait opportun d’exploiter les données portées par les élèves sur un tableau préalablement remplir (2/3 semaines avant d’entamer la séquence). Ce tableau (une sorte de fiche de synthèse) permettra en fait www.fpamaroc.org | www.marocagreg.com Français 15 à l’élève d’abord d’opéra un repérage sélectif, fonctionnel dans le texte qu’il pourra réinvestir pendant l’étude de l’œuvre en classe, ensuite de s’en servir à l’approche des examens en guise de relecture de l’œuvre. Fiche de synthèse : N° de chap + Nbre de p Lieux Indices temporels Résumé du Champ Portrait du condamné I 2 pp Bicêtre « voila cinq semaine » (P. ) « ma lampe de nuit » (P. ) Obsession du narrateur par sa mort imminente Autrefois, heureux et libre. Maintenant, captif, « condamné à mort !». II Est-ce pertinent de parler de tragédie à propos du Dernier Jour alors qu’il s’agit plutôt de roman (d’après certaines éditions se référant peut-être à la lettre adressé par Hugo, le 3 janvier 1829, à son éditeur Charles Grosselin, dans laquelle il évoque son œuvre comme étant un « roman », mais un roman « sans modèle ») ? Bien des indices plaident pourtant en faveur non seulement du journal intime mais aussi de cette autre identité générique. D’abord, en tant qu’expérience, ce que le condamné relate dans son journal relève d’une véritable tragédie, son parcours est en effet profondément structuré par l’angoisse, la souffrance et la mort. Le titre puis les mots en ouverture soulignent sa prédestinée fatale - à la manière d’une entrée in medias res. La mention de la clausule « quatre heures » confirme sur le mode elliptique cet horizon d’attente. Plaident également en faveur de cette hypothèse le choix du monologue intérieur - forme de communication éminemment tragique - et la nature de l’itinéraire du condamné. Cet itinéraire s’organise de fait en cinq étapes (cinq actes dirait-on) : l’acte du crime perpétré dans l’espace dramatique - hors scène - comme en vertu de la règle de bienséance ; le verdict qui scelle le sort tragique du condamné (2ème acte) ; le séjour à Bicêtre avec l’espoir d’une grâce royale - comme on en nourrit dans une antichambre cornélienne ; le transfert au Palais de justice qui met en branle la machine uploads/Litterature/ dernier-jour-d-x27-un-condamne.pdf

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