8 TRADUCTION ET TYPOLOGIE DES TEXTES Pour une définition de la traduction « cor
8 TRADUCTION ET TYPOLOGIE DES TEXTES Pour une définition de la traduction « correcte » Ioana Irina Durdureanu Université « Al. I. Cuza » Iasi irina.durdureanu@yahoo.com Résumé : Cet article commence par une brève définition de la traduction, dans le but de souligner le fait que le processus traduisant est un processus extrêmement complexe, qui implique tout un univers extralinguistique de la part du traducteur. Traduire la littérature, surtout la poésie, repose sur des « règles » différentes par rapport à la traduction des textes spécialisés. Il y a des chercheurs qui affirment que la traduction de la poésie est impossible, mais on peut parler en définitive des gains et des pertes en matière de traduction. Les démarches modernes de la traductologie demandent aux traducteurs de tenir compte du type de texte à traduire pour pouvoir transmettre le message adéquat dans la langue d’arrivée. Mots-clés : message – sens – échanges interculturels – méthode – typologies textuelles. Abstract:This article aims at establishing a short definition of translation in order to demonstrate the fact that the translation process is a very complex and complicated one, which implies an extra-linguistic universe from the translator. Translating literature, especially poetry, means using some “rules”, which are different from the rules used in the translation of specialized texts. Many theorists say that it is impossible to translate poetry, but we can talk in fact about what we lose and what we gain in translation. Modern translation theories established a series of translation typologies that take into account the type of text to translate so as the translator can transmit into another language the correct meaning. Keywords: message – meaning – cultural exchanges – method – textual typology. 9 Bon nombre de théoriciens et de praticiens de la traduction sont d’accord en ce qui concerne la difficulté de donner une définition pertinente de la traduction. Ce qui en résulte le plus souvent c’est plutôt une description, ce qui montre la complexité de cette opération. On analyse la définition donnée par Le Petit Robert au verbe traduire – verbe qui provient du latin traducere (1480), signifiant « faire passer » –, qui date de 1520, « faire que ce qui était énoncé dans une langue naturelle le soit dans une autre, en tendant à l’équivalence sémantique et expressive des deux énoncés » (2008 : 2592). Nous pouvons observer que Le Petit Robert ne donne pas le choix au traducteur en ce qui concerne l’intransigence tranchante de l’acte traduisant, qui est accompli si l’on obtient le passage d’une langue à l’autre et du sens, et de la forme. L’équivalence des deux énoncés semble donc être le but d’une traduction. L’énoncé sur lequel porte l’opération traduisante peut varier d’une simple phrase ou même un mot jusqu’à l’œuvre d’un écrivain. La définition donnée par Littré met en évidence le sens étymologique latin, « conduire au- delà », « faire passer », « traverser ». Dans ce dictionnaire, « traduire » signifie « faire passer un ouvrage d’une langue dans une autre ». Le terme commence à être utilisé dans cette acception vers 1527. Une explication simple, mais l’histoire du terme et de ses dérivés montre la complexité du phénomène. Le terme « retraduire », apparu vers 1695, signifiait d’abord « traduire un texte qui est lui-même une traduction ». Mais le terme « retraduction », apparu au XXe siècle, ne comporte pas ce sens limité, il signifie une nouvelle traduction d’un auteur. Ce concept est de plus en plus utilisé dans les théories actuelles sur la traduction, surtout lorsqu’il s’agit des œuvres anciennes et de leur retraduction. En ce qui concerne d’autres termes qui gravitent autour de la problématique des traductions, nous pouvons parler de l’adjectif « intraduisible », qui, paradoxalement, est apparu plus tôt (en 1687) que son antonyme « traduisible », qui date de 1725, ce qui montre la prise de conscience des problèmes de traduction. Vers la fin du XVIIIe siècle sont introduits dans la terminologie en question des termes comme « intraductible » (1771) et « traductible » (1790), d’où a été dérivé dans les années 1950 le nom « traductibilité ». Ayant le sens de passage dans une autre langue, le nom « traduction » suit le verbe « traduire » et développe vers 1783 le sens figuré d’« expression », de « transposition ». Jean-René Ladmiral (1994) analyse les différents sens du terme « traduction » qui désigne à la fois la pratique traduisante et le résultat de cette activité. Par extension, « traduire » renvoie 10 aussi à « exprimer », « interpréter ». Traduire signifie inévitablement interpréter (cf. Petrilli et al. 2006 : 201). Par conséquent, le traducteur est un des divers masques que l’auteur d’un texte peut porter. De la perspective de l’interconnexion entre interprétation, traduction et altérité, le journal Athanor de l’Université de Bari, Italie, a consacré beaucoup de volumes à cette question. La troisième publication, parue en 2001 sous le titre Lo stesso altro, institue le paradoxe de la traduction, déterminé par le fait que le texte doit rester le même tout en devenant un autre texte, parce qu’il a été réorganisé sous la forme d’autres modalités expressives d’un autre signe complexe. Le texte traduit est donc identique au texte source et en même temps différent de celui- ci. Dans cette perspective, la traduction est une forme de discours indirect, une forme de discours qui parle du discours de quelqu’un d’autre. Le discours indirect, c’est-à-dire le discours du traducteur masqué par le discours direct, auctorial, n’est pas si évident en tant que discours du traducteur. Au contraire, il est effacé ou c’est la chose revendiquée. Le but, c’est de permettre à la personne dont le discours est indirect de parler directement. Sous cet aspect, la traduction ressemble au discours direct, parce qu’elle efface toutes les traces du discours indirect, à savoir le lecteur d’un texte traduit croit que la mission du traducteur n’est pas d’interpréter, de commenter, de faire des connexions entre son monde et le monde de l’autre (par exemple, les citations) mais il croit que le traducteur y est transparent. Par extension, Petrilli affirme que la traduction apparaît, dans ce contexte, comme une forme de dramatisation. Dans le théâtre comme dans la traduction, il se passe la même chose. L’auteur de théâtre fait parler ses personnages directement, tandis que ses propres mots comme auteur ne se voient pas, sinon prévus dans le scénario de la mise en scène. Dans une traduction, les mots du traducteur, les mots qui présentent le discours d’une autre personne (le discours de l’auteur d’origine) dans une autre langue est passé sous silence. Le discours du traducteur veut être le discours de l’autre, l’auteur lui-même. Le traducteur désire ainsi éliminer toutes les traces de sa voix comme traducteur. Ce n’est pas une forme de mystification mais une forme d’abnégation, ou d’empathie, d’identification des mots du traducteur avec ceux de l’auteur jusqu’à leur disparition. Petrilli affirme à la fin de sa théorie que le masque du traducteur est une tromperie, selon l’italien traduttore, traditore. Le traducteur est un traditore seulement parce qu’on lui demande une fidélité impossible. Le traducteur devient donc un possible interprète du texte en question. Les définitions d’une traduction « correcte » semblent très difficiles à établir. Selon Eco, qui veut « tenter de comprendre comment, tout en sachant qu’on ne dit jamais la même chose, on 11 peut dire presque la même chose. » (2007 : 10), la traduction est « dire presque la même chose dans une autre langue » (idem : 9). L’enjeu, c’est évidemment ce presque, dont on ne connaît pas la flexibilité, parce qu’il dépend du point de vue d’une personne. Et l’extension de ce presque doit être négociée au préalable. La traduction serait donc une négociation entre les deux messages impliqués dans le processus traduisant. Alors, Gérard Genette (1982) a raison de placer la traduction sous le signe du palimpseste, à savoir un manuscrit ou parchemin dont la première inscription a été effacée pour le recouvrir d’un deuxième texte, mais d’une manière qui laisse supposer ou lire, transparemment, l’ancien message sous le nouveau texte. Genette place la traduction parmi les pratiques littéraires au second degré, qui partent d’un texte A, nommé « hypotexte », pour arriver, par le biais des opérations de transformation, à un nouveau texte B, nommé « hypertexte ». Si Nelson Goodman (1992) considère le texte traduit comme un autre texte, Genette le voit comme une transposition en une langue étrangère de l’original, l’importance de la pratique culturelle étant reconnue. Un autre grand chercheur de la traduction, Georges Mounin, affirme que « la traduction consiste à produire dans la langue d’arrivée l’équivalent naturel le plus proche du message de la langue de départ, d’abord quant à la signification puis quant au style. » (Mounin 1963 : 12). Chez Mounin on observe la primauté de la signification ; la forme, le style, l’expression viennnent ensuite. En tant que praticien, il privilégie la transmission du sens du texte source dans le texte cible. 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- Publié le Nov 28, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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